Aurora, Kentucky

Sur une étagère, je choisis un flacon marron et poussiéreux ainsi que d’autres objets – des ciseaux à longues lames et un paquet d’aiguilles recourbées –, puis nous remontons les marches et retrouvons la lumière. Je referme la porte à clé et remets le trousseau sur le crochet.

Je prends du fil blanc dans ma boîte à couture, déchire des carrés de coton propre pour les pansements et de longues bandes pour les maintenir en place. Le chloroforme a perdu de son efficacité mais c’est tout ce qu’on a. J’en verse trois gouttes sur un chiffon. On se lave les mains à l’eau chaude et au savon puis on s’assied par terre. Quand la grise est aussi endormie que possible, je coupe les poils emmêlés de son arrière-train. Elle tressaute et s’agite, les yeux révulsés tandis que je rase un morceau de fourrure et fouaille dans la blessure. J’ai le visage crispé à en avoir mal et les yeux qui pleurent affreusement.

— Qui a fait ça à ton avis ? demande Will’m.

Je retire les doigts. J’ai la balle au creux de la main. Je verse de l’eau oxygénée sur la plaie et la regarde faire des bulles. Je déroule une longueur de fil, le coupe d’un coup sec avec les dents et approche l’aiguille de la lumière. Jure à voix basse en constatant que ma vue n’est plus aussi bonne qu’avant. Je montre à Will’m comment rapprocher les bords de la blessure et, pendant qu’il pince la peau entre ses doigts, je fais une demi-douzaine de points. On remet ça avec l’oreille, nettoyant le sang dans son œil de notre mieux. Elle tressaille et gémit. Je suis trempée de sueur dans la culotte d’homme que je porte sous la robe en coton, en plus du gilet et du caleçon long.

Will’m propose de dire une prière pour la louve.

— C’est ça, je lui réponds. Et pendant que tu y es, prie aussi pour les chasseurs. Je vais leur faire regretter d’être nés.