Céleste Maisler la légende

CHAPITRE 1

Je me réveille en sursaut. Mon corps transpire et mon t-shirt est trempé. Je sens la sueur glisser de ma nuque jusqu’à mes omoplates. La sensation est extrêmement désagréable. Pris de nausées, je bondis de mon lit et cours jusqu’à la salle de bains. J’ai l’impression que mon estomac s’est transformé en machine à laver et que tout ce qu’il contient se met à tourner. Je me sens mal et m’adosse contre le mur, le visage près de la cuvette. Les couleurs se confondent, ma vue devient floue. Ma tête est trop lourde pour être supportée par mon propre cou ; si lourde qu’elle se balance de gauche à droite avant de trouver un appui stable.

Cette nuit, j’ai encore fait un cauchemar… Des cauchemars me hantent depuis des mois. Mon corps frissonne, j’ai la chair de poule. Ma gorge se noue. Je n’arrive plus à déglutir, les images défilent dans ma tête comme lorsqu’on rembobine un film. Je tombe sur un sol granuleux au milieu des eaux, lorsque je me redresse, des griffes s’enfoncent dans la chair de mes épaules et me soulèvent d’un seul coup. Je vois alors cet homme au visage mi humain et mi animal qui me fixe. Ses traits se durcissent, un pelage marron pousse et recouvre sa peau. Ses yeux bruns me transpercent. Son visage devient écarlate. Il s’enflamme.

Je ne peux rien faire, immobilisé dans les airs par sa patte acérée. Je suis seul. Lorsque je lève les yeux, ses pupilles me dévisagent avec agressivité, sa patte transperce ma poitrine, et ses griffes m’arrachent le cœur. La bête me relâche dans une mare de sang. Un dernier souffle avant que je ne ferme les yeux. Je suis mort.

Ce regard noir me hante. Je vomis. Pourquoi tous ces cauchemars ? Je n’en plus. Je deviens fou, ce doit-être ça. Mon cerveau déforme tout ce que j’entends, tout ce que je vois. Je ne devrais plus regarder les informations. Je me sens faible. Je ne peux plus respirer, je me force à inhaler de l’oxygène et à remplir mes poumons vides. Ma bouche est sèche et ma gorge me brûle. Quand je me sens d’attaque pour reprendre appui sur mes deux jambes, je vais titubant jusqu’au lavabo, j’ai beau rincé plusieurs fois, le goût amer que j’ai dans la bouche ne veut pas partir.

Je jette un coup d’œil dans mon reflet, deux cernes assombrissent mes yeux bleus. On les croirait marron. Mon teint hâlé vire blafard. Mes cheveux blonds sont humides et recouverts de transpiration. Mec, c’est quoi cette tête que tu nous fais ? Je me passe un peu d’eau sur le front et les bras pour me rafraîchir avant d’aller dans la cuisine me servir un verre de jus. Après un cauchemar pareil, je doute de retrouver le sommeil. Il est 2 h 30 du matin. Demain j’ai cours. Passer mon temps derrière des écrans d’ordinateur ne me réussit pas. Je ne retrouverais pas le sommeil. J’écoute un peu de musique avant de retourner au lit.

*

J’ouvre les yeux avec un mal de crâne épouvantable. À côté de chez moi, ils font des travaux, je suis obligé de me boucher les oreilles, chaque bruit menace ma tête d’exploser. En ce moment, je suis hypersensible, le moindre son m’exaspère. Les dernières informations ne sont pas réjouissantes. Les grands titres annoncent qu’ils ont encore frappé, ceux que l’on nomme « les envoyés du mal » parce qu’ils sont habillés entièrement de cuir et s’en prennent à des innocents. Ces révoltes ont commencé il y a quelques semaines, depuis ça ne s’arrête plus. Nous ne savons pas qui ils sont, ni d’où ils viennent, et encore moins ce qu’ils veulent. Je lève le son de la télé, la boule à l’estomac.

« Attention, veuillez éloigner vos enfants, ces images peuvent choquer… ».

On voit deux hommes s’en prendre à un groupe de touristes dans un Starbucks. Ils n’hésitent pas et les tuent de plusieurs coups de couteau. Je n’ai jamais vu de meurtriers si rapides… Si habiles… À croire qu’ils ont été entraînés depuis des années. Après les avoir massacrés, ils s’en vont, les traits déformés par la haine. J’éteins la télé, les images que je viens de visionner sont atroces. Londres tremble.

Je mentionne le nom de tout ce qui se trouve sur mon chemin, le nom de tout et n’importe quoi : boîte, confiture, fauteuil, chaussures, pour me vider la tête. Dehors, il fait 18 degrés. J’enfile un jean, une chemise et une veste pour être à l’aise. Je ne me sens pas bien. Je vois trouble. Je n’ai pas faim. Je me force à boire un peu d’eau avant de filer en cours.