hyppie a écrit :
Ouna
Un jeu, un simple petit jeu.
-Hum...
Je m'assied en tailleur à côté de lui en réfléchissant.
- J'aime observer les choses autour de moi et puis voler, ça a toujours été mon petit jeu... Et je connais ma cellule dans les moindre détails. En soi, je trouve que la vie ici n'est pas pire que dehors, alors à part les étoiles je n'ai rien trouvé. Mais déjà à l'époque les étoiles étaient un petit jeu en soi.
Elles faisaient rager ma mère et j'adorais ça. Elle qui aimait tant le soleil, la lumière et la "normalité", ces étoiles représentaient tout ce qu'elle détestais et toute ce que j'étais.
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Esteban Caulfield
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Décidément, la fille étoilée est un des individus les plus atypiques que j'ai pu rencontrer depuis ma '' naissance ''. Je suis prêt à parier qu'elle n'était pas moins insolite avant qu'elle s'engage sur le long chemin menant à son incarcération ici – juste moins dure, peut-être. Cette Ouna me fait l'effet d'un fragment de météorite tombé pour je ne sais quelle raison dans un corps humain, et condamné à en subir les contraintes et la pesanteur en rêvant de ses lointaines parentes. Je manque de ricaner en surprenant mes propres pensées. Esteban, mon vieux, tu te laisses trop influencer par ces vieux poètes poussiéreux. Si tu commences à divaguer encore plus que tu ne le fais déjà, c'en est fini de toi.
Je tourne et retourne les mots dans ma tête jusqu'à les agencer de manière satisfaisante, puis me lance :
- Par rapport à ta question de tout à l'heure...
«
Tu ne te souviens vraiment de rien ? » J'espère qu'elle ne l'a pas déjà oubliée, avec le cirque si s'en est ensuivi. Je tente d'adopter un ton neutre, mais pas assez pour qu'elle sente combien il est difficile pour moi d'aborder ce sujet sans l'éluder d'une pirouette. Oh, elle va sûrement se douter que je ne suis pas aussi tranquille que cela. Je suis bon comédien, et j'arrive à me maîtriser admirablement, sans fausse modestie. Mais mes yeux ne sont pas encore assez morts lorsque j'aborde ce sujet-là, aussi les tourné-je résolument vers les gardes qui discutent en petits groupes disséminés autour du stade, où un détenu tente de manière bien peu convaincante de faire se développer un peu de muscle sur sa carcasse pâlichonne.
- Mon amnésie concerne seulement ce qui se rapporte à moi. Mon enfance, mon adolescence, mon crime... Je ne sais rien de cela. J'ai coutume de dire que je suis né ici, à Vancouver Field. Cette prison est mon premier souvenir.
Le timbre de ma voix a baissé de quelques tons. Je me racle doucement la gorge. Je fais très attention à ce genre de détails chez les autres, et encore plus chez moi. Ils sont bien trop révélateurs.
- On m'a traité de fou furieux, puis comme de menteur. Ils me riaient tous au nez quand je leur demandais où j'étais, et surtout pourquoi. Personne n'a jamais répondu, ou alors seulement en me cognant. Il a fallu que je comprenne tout de moi-même, alors que j'étais à l'isolement. Ils avaient peur de moi. Ils ont toujours peur de moi.
Et pour faire peur à ces gardiens de cauchemar... Il faut croire que je suis un cauchemar encore pire. Que je l'ai été, en tout cas. Et que peut-être, sûrement, quelque part, je le suis toujours.
Il a fallu un bon moment pour qu'ils acceptent de me laisser sortir de jour, pour qu'ils comprennent que mon comportement nocturne était totalement indépendant de moi, Esteban Caulfield. Mais excusons-les ; j'ai mis longtemps à le comprendre, moi aussi.
- Il m'a fallu des semaines et des semaines pour être enfin écouté par un gardien, qui a jugé bon d'avertir l'infirmière, qui a elle-même décidé de faire vérifier ma prétendue amnésie par un psychiatre spécialisé. C'est à partir de là que les choses deviennent intéressantes... Le psychiatre a confirmé que je ne mentais pas. Que les choses que j'ai fait ont été si horribles pour moi que j'ai effacé toute trace de leur présence dans ma conscience, à un point si extrême que c'est tout mon vécu que j'ai balayé. Je suis redevenu vierge de toute expérience.
Je soupire et ose un regard en coin vers Ouna pour juger de ses réactions.
- Ce type a jugé que cela représentait une chance extraordinaire de rédemption pour moi, puisque toutes mes « velléités sanguinaires », comme il les a appelées, se sont envolées en même temps – enfin, celles que je présentais à l'origine, pas celles que j'ai développé dans ce charmant pavillon de vacances. Partant de là, il a interdit à quiconque de me communiquer la moindre information quant à mon passé. Il ne peut pas empêcher les rumeurs de circuler, mais s'il en avait été capable, crois moi, il l'aurait fait. Je suis un putain de phénomène de foire pour ce type, et son rat de labo personnel. Il attend de voir si oui ou non, sur le long terme – autrement dit, pour tout le temps que je passerai ici – le fait que je ne me souvienne de rien altère ou non ma « pathologie destructrice ».
Inutile de préciser que mes nuits agitées sont une épine douloureuse dans sa belle théorie.
- Toujours est-il que... Je ne sais rien de celui que j'étais avant, pas même mon vrai nom, ni mon prénom. Tous les jours, je vois le bâtiment administratif, je pense à mon dossier qui y est gardé, auquel je n'ai pas accès. Toutes ces réponses, juste hors de portée de taulard.
Je secoue la tête, dégoûté. Tant de fois, j'ai imaginé mille stratagèmes pour accéder à cette clé menant à moi. Beaucoup de détenus et détenues s'endorment en fantasmant sur tel ou tel corps. Moi, je rêve de bouts de papiers. Original, histoire de changer.
Edit : Je viens de lire ton RP, Elsa, j'aime beaucoup !