Chapitre dix-huit
Josh a fait du riz, c'était le plus rapide à faire de toute façon, il a mélangé du blanc de poulet avec. Je n'avais rien de plus dans mon frigo, il n'avait pas le choix.
Je m'installe à table en face de lui, je me suis vêtue d'un débardeur et d'un short, mais bizarrement je me sens nue quand même.
Josh est toujours habillé. Je ne sais pas pourquoi. Il faudrait qu'on soit nu et il le sait mais je ne dis rien. Je n'ose pas parler.
"Tu vas fuir mon regard encore longtemps ? demande-t-il avec douceur.
— Non, je réponds, sans pour autant le regarder.
— Tu veux l'entendre à nouveau ? Si ça t'aide je le répète : tu n'es pas sale et tu n'as pas à avoir honte. On s'est tous prostitué. Tu es courageuse, vraiment ! Je ne suis pas sûr que je serais capable de tenir ici.
— Arrête de te moquer de moi ! je lui balance, avec une colère dont je ne comprends pas la provenance.
— Je suis sérieux Tal ! Tu ne peux pas imaginer ma surprise quand j'ai mis la main sur Awa et que j'ai appris que tu avais cassé la gueule à trois filles, que tu avais réussi à grimper au premier et en plus, que tu te donnais du mal pour le mériter à long terme.
Je souffle, pour ne pas hurler, je suis toujours en colère mais je ne veux pas me soulager sur Josh.
— Je vois qu'Awa sait tout !
— C'est son boulot.
Je passe ma main dans mes cheveux humides et ferme les yeux.
Josh se lève et vient près de moi, il s'accroupit et m'attire contre son torse.
— Si tu te sens mal par rapport à Teo, il ne faut pas, ça n'a pas d'importance pour lui. Il sait que tu l'aimes et il t'aime comme un vrai idiot fou amoureux.
Je souris à sa remarque.
— Je préfère quand même que ce soit toi qui me voie dans la situation de tout à l'heure.
— C'est une façon subtile de me dire que tu me veux comme propriétaire ? demande-t-il avec un immense sourire.
— Je dois vraiment répondre, rétorqué-je ? en lui plantant gentiment mon coude dans le ventre pour le faire reculer.
Josh reprend sa place en face de moi et se met à manger. Je le vois grimacer quand il saisit ses couverts, mes yeux se posent sur son poignet violet et enflé.
— Oh merde Josh , c'est le monstre qui t'a fait ça ?
— Tu m'as regardé ? demande-t-il, apparemment surpris.
— Oui évidement, j'étais trop moulue pour bosser de toute façon.
Josh, très enjoué de parler de baston se lance avec enthousiasme :
— Putain tu as vu ça ? Tu connais beaucoup de type qui sont assez sûr d'eux pour rester statique et se manger un coup volontairement en pleine poire ? Moi j'en suis pas revenu ! Surtout que tout le monde le sait que je ne frappe pas doucement , j'aurais pu le mettre K.O. du premier coup le mec !
— Si tu le dis, je lâche, assez hésitante, n'y connaissant pas grand chose et n'étant pas du tout du genre à analyser les trucs aussi profondément.
Josh se met à rire, se moquant de moi, et m'incite à manger, m'avouant qu'il a amené du chocolat pour me faire une douceur pour plus tard.
Je lui sauterais presque au cou pour ça. J'ai tellement envie de sucré. Je le remercie un demi-millier de fois.
Je m'installe sur le canapé pendant que Josh cuisine torse nu. Comme à chaque fois, il s'est mis de la farine sur le visage.
Il discute de tout et de rien avec moi, un coup me disant qu'il m'apportera des crèmes, un autre me parlant des blessures des autres qui guérissent. Il n'aborde aucun sujet sensible, je suppose que c'est fait exprès et qu'il attendra un moment plus propice.
Je me sens en sécurité avec Josh dans la même pièce et sans m'en apercevoir, je m'assoupie.
C'est la désagréable sensation de gouttelettes d'eau tombant sur moi qui me réveille. Je grogne.
— Debout, viens manger, tu dormiras mieux cette nuit.
J'ai dormi longtemps car je vois sur la montre de Josh qu'il est presque vingt heures.
Il a fait des pâtes avec de la sauce tomate, des champignons et de la viande. Rien que de voir tout ça sur la table, j'en salive.
Alors que j'avale goulûment le contenu de mon assiette, je demande la bouche encore pleine :
— Comment tu as su où me trouver au fait ?
— Il a bien fallu que je demande à Awa pour être ton proprio. J'ai profité des tunes que je me suis faites hier pour payer et ensuite on m'a gentiment montré ton box. J'ai essayé de faire au plus vite quand je ne t'ai pas vue en bas pour que tu n'aies pas trop à faire avec ton dernier, mais bon, il a été rapide le bougre.
Je souris, car sa façon de parler des choses dédramatise tout et me fait me sentir bien.
Même lui mange comme quatre pour une fois, le plat copieux est fini alors qu'on aurait pu largement partager avec une autre personne. En dessert, il a fait un fondant au chocolat à se damner. J'en mange trois parts.
C'est à deux doigts de l'explosion que je m'affale sur ma chaise.
— Merci pour ce putain de bon repas et d'être venu.
— Je ne pars pas encore, je te ferai du pain demain matin.
J'ai envie qu'il reste, ça me donne une excuse pour ne pas descendre faire ce qu'on attend de moi, même si je sais qu'il faudrait que j'y aille.
Je suppose qu'il ne restera pas indéfiniment alors je vais profiter de sa présence. Je bosserai plus, plus tard. De toute façon, mon corps a besoin de repos.
Ce copieux repas me fait somnoler. Avant de sombrer dans mon assiette, je me rends à la salle de bain me brosser les dents pour ensuite me coucher en nuisette. C'est soit ça, soit nue, et bizarrement le fait que Josh ne soit pas été à poil me retient de me dévêtir aussi. Je lui ai laissé toute la vaisselle, je m'en veux, mais je suis morte. A peine allongée, je m'endors.
Josh se glisse contre moi, il est en boxer, sa peau chaude vient contre la mienne, ça me fait du bien.
— Tu es réveillée ? me demande-t-il doucement.
Je grogne quelque chose qui ressemble à un oui.
— Il faudrait qu'on discute.
J'hoche la tête, sans savoir s'il va le sentir.
— Te rendors pas Tal, insiste-t-il.
— Ouais c'est bon je t'écoute.
— Awa t'a dit pour la prochaine nuit de pluie ?
— Ouais...
Avant qu'il ne reprenne, je le coupe :
— Tu en penses quoi toi ? Vraiment ? Je t'ai entendu avec Teo l'autre jour, tu pensais que c'était une mauvaise idée.
— Je pense que ça va marcher, camouflé par la pluie... Mais je ne pense pas qu'on y arrive tous !
Sa réponse me serre le cœur, je ne veux pas perdre quelqu'un et je n'ai pas spécialement envie de crever non plus... Surtout qu'à tous les coups, ce sera très douloureux...
Il a dû sentir ma peur car il précise :
— Je pense quand même que plus s'en sortirons que si on s'attaque à Chaz, car même si on le tue, d'autres mecs vont vouloir la place de chef et tout va devenir tendu. Donc on repousse la chose. On a réussi à faire rentrer dans la tête de Chaz, à grand renfort de sous-entendus que s'il nous tuait, alors qu'on était mal en point, c'était lâche. Par contre, à savoir combien de temps il va se retenir...
— Ok, je vois. Et ça ne craint pas que tu sois là ? Il ne va pas croire qu'on complote avec Awa ?
— Sûrement, mais si on reste tous cloîtrés dans le box, on lui montre qu'on a peur et ce n'est pas mieux.
— C'est compliqué, je lâche dépitée.
— T'inquiète pas, Teo sait ce qu'il fait en général.
J'ai une soudaine envie de pleurer, alors je ne dis plus rien, restant couchée sur le côté contre Josh.
— Ca va Tal ?
— Ouais.
Ma voix m'a trahie, elle est sortie étranglée.
— Je ne suis ni ton frère ni ton mari, tu peux tout me dire à moi.
— Je sais Josh, je dis en me reprenant et me retournant pour lui faire face.
Il me serre dans ses bras.
L'envie de dormir m'a quittée, je profite juste de savoir qu'avec lui, je n'ai pas besoin de faire semblant d'encaisser et qu'à ce moment précis tout va bien. Il veille sur moi. En même temps, autant vivre au jour le jour car demain est vraiment très incertain. Notre survie va dépendre de la pluie... Il ne pleut presque jamais. Personne n'en a parlé et pourtant, on sait tous qu'on attend après quelque chose qui peut ne pas arriver.
Un silence plaisant s'installe puis Josh le rompt :
— Tu as mis des nichons quand même, avant c'était plus osseux quand tu te collais à moi comme ça.
J'éclate de rire, lui aussi.
Au bout d'un moment il demande :
— Si Otis vient te voir en bas, au bar, tu y seras vers quelle heure ?
— Je compte bosser à partir de midi et jusqu'à ce que j'en puisse plus.
— Ok, maintenant la question la plus difficile, s'il vient, tu te sens de le laisser t'embrasser ?
— Hein?!!!! je m'exclame.
— Bé la coutume ici, c'est un peu ça pour marquer son territoire. De toute façon, tu m'embrasses moi, ça revient au même. Tu partages aussi la salive de ton frère comme ça.
Je le frappe.
— Bordel Josh, t'es dégueulasse!!!
Il s'esclaffe et capitule :
— Ok, je lui dirais de ne pas t'embrasser.
— Pourquoi il est d'accord lui ?
— Non, dit-il en ricanant.
Je grogne. Il m'embrasse sur le crâne.
— Dors maintenant."
Je me retourne pour être dans une position plus confortable. Josh me capture littéralement dans ses bras me serrant presque au point de m'étouffer. Je ne dis rien car ça me fait du bien et je suis persuadée que ça lui en fait aussi.
Quand je me réveille, il n'est pas près de moi et j'entends l'eau couler dans la salle de bain. J'ai envie d'aller aux toilettes, alors je vais pour le déloger de la pièce.
Je toque avant d'entrer, même si je sais que lui ne le fait jamais.
"Entre, sois pas con ! s'exclame-t-il
— Bonjour, dis-je en entrant.
Mes yeux se posent directement sur son dos et descendent le long de sa colonne, jusqu'à ses fesses. Il est nu en train de se faire couler un bain.
Je rougis. C'est vraiment débile, je l'ai vu nu des centaines de fois. Mais je ne sais pas, c'est comme si seule avec lui, sa nudité sous entendait autre chose.
— Reste pas plantée à la porte Tal, je vais profiter de ta baignoire le temps que la pâte à pain pose. De toute façon, ta baignoire est trop tentante.
J'entre dans la pièce et je demande un peu gênée en bafouillant :
— Heu... tu... tu peux sortir ? Il faut que je pisse.
Il se met à rire.
— Sérieux, avec tout ce qu'on a vécu, tu fais ta pudique pour vider ta vessie ?
Ce n'était pas vraiment une question car après l'avoir posée, il s'allonge dans la baignoire et ajoute :
— Fais comme tu le sens.
Je grogne et vais m’asseoir sur les chiottes parce que je n'en peux plus.
Après avoir fait mon affaire, je me dirige pour quitter la pièce, mais Josh m'interpelle et avec les mêmes arguments habituels, du style : donner le change, être en sécurité et tout ça il me convainc à entrer dans la baignoire avec lui.
Je pense qu'il fait tout ça pour me voir rougir.
Mais après m'être détendue, j'avoue passer un bon moment. On essaie toutes les fonctions de l'appareil, on se cherche, on rigole.
Je fais le plein de ces bon moments, car à peine Josh parti, je retourne au bar.
Tout se confond, le deuxième type est parti, j'arrive à tout faire mécaniquement : que ce soit boire, baiser, m'habiller. On prend vite ce genre de pli.
J'espère quand même que ce coup-ci, il y aura mon frère en bas. Qu'il soit là ou pas de toute façon, je n'irai pas au delà de cinq hommes. Je n'ai pas encore mal, mais mon intimité fatigue déjà ainsi que mon esprit.
Je quitte mon box d'un pas las, quand une voix masculine m'interpelle, ou plutôt, m'ordonne de m'arrêter. J'obéis instantanément et me retourne.
Ma gorge se noue, Chaz est là, devant moi affichant un petit sourire satisfait, le regard illuminé par une violence et un sadisme sourd.
— Déjà au premier, hein ?! Awa fait des fleurs maintenant ?
— Non, je me suis battue pour ce box, je réponds avec hargne.
Heureusement que sa remarque m'a mise en colère, car je suis à deux doigts de me décomposer.
— Intéressant ! Tu me fais visiter ?
C'est une vraie question, mais je n'ai pas le choix de la réponse. J'hausse les épaules et ouvre mon Box, l'invitant à passer devant moi.
C'est plus parce que j'ai peur de ce qu'il pourrait me faire dans le dos que par politesse.
Il entre et s'installe avec décontraction sur une chaise avant de dire :
— Tu suintes la peur à dix milles, c'est un régal.
Je lutte pour délier ma langue et pour parler avec aplomb.
— Je peux vous aider ?
— Je ne veux pas te baiser, bien que juste pour faire chier tes amis ou peu importe ce qu'ils sont pour toi, je le ferai bien.
— Je suis une pute, je lâche, ne voulant pas rentrer dans son jeu et n'ayant pas la force de garder une voix égale pour de longues phrases.
Il rit. Je reste debout près de la porte ne sachant pas quoi faire.
— Je me demandais... commence-t-il, avant de se reprendre presque comme s'il se parlait à lui même :
— Bon le type famélique, Otis si ma mémoire est bonne, je me doute que tu le connais bien. Certains disent qu'il serait ton frère, à part que vous êtes arrivés à moitié mort de faim, je ne vous vois aucun point commun. A part vos yeux marrons, mais à ce compte là, tu ressembles à Teofrast aussi. Donc je pense que vous êtes deux gosses de Foyer, proches, comme l'étaient Awa et Yorick en arrivant ici. Bien qu'il a fallu longtemps à Yorick pour qu'il comprenne qu'Awa l'aimait... Je me perds. Donc, je me demandais si ces trois mecs s'embarrassent de toi parce que sexuellement tu sais faire des choses particulières, ou juste parce qu'avec ta petite taille, tu leur donnes envie de te protéger ?
— Qu'est-ce que ça peut vous faire ? je demande étant à deux doigts de défaillir, car je ne comprends pas ce qu'il me veut.
— Tu évites de répondre à toutes mes questions ma belle... Je n'aime pas ça, j'ai l'impression que tu me caches quelque chose !
— Non, je réponds reculant malgré moi.
— Tu mens très mal et tu es aussi facile à lire qu'un livre. Tu sais que j'ai été étonné que Josh ne me défie pas avant que Teofrast ne le fasse. Je n'ai pas envie de les tuer contrairement à ce qu'ils pensent tous...
Je dois sourire ou quelque chose doit trahir une certaine joie car il continue :
— Mais malgré tout l'amour que j'ai pour Yorick et même pour Teofrast, je les aime comme des fils tu sais ? Donc malgré mon affection pour eux, je tiens à ma vie et ces jeunes fringants me mettent en péril.
— C'est n'importe quoi, je souffle.
Il rit à nouveau, ce mec est fou.
— Ah bon, ils ne veulent pas me tuer ?
— Ils veulent juste vivre, je lance ne voulant pas mentir.
— Tu es presque attendrissante, on veut tous vivre, déclare-t-il et sans que je ne comprenne pourquoi il déclare :
— Sais-tu pourquoi je sors de chez Awa ?
— Non.
— Je viens lui demander de relâcher les femmes dans le camp, il me scrute en disant ça et que je le veuille ou non, mon incompréhension se voit, il m'éclaire non sans avoir l'air d'y prendre du plaisir :
— Tu sais que les femmes ont peur de moi ?
Je fais signe que oui.
— Je hais les femmes car vous êtes toutes sournoises et manipulatrices, jouant et abusant de ce corps qui fait tourner la tête de tous les hommes...
Il continue sur sa haine des femmes, je crois que ce mec aime s'écouter parler. Je ne dis rien et j'attends. J'attends qu'il en vienne à cette histoire de libérer les femmes.
— ... quand j'étais énervé, toutes ces pouffiasses aguicheuses me tapaient sur le système et faible, comme le sont toutes les femmes au bout de quelques coups, elles mouraient. Donc cette reine des putes qu'est Awa a décrété que les femmes ne sortiraient plus de votre entrepôt. Ça m'a bien fait chier, car les hommes ont pu moins baiser car tout est devenu payant et ça a créé de plus en plus de tension dans le camp.
Je ne suis pas sûre de le suivre, en fait il veut que ses hommes soient plus obnubilés par les femmes et le sexe en les laissant circuler librement entre les entrepôts. Je suppose que c'est pour contrôler la masse pour moins se sentir en danger... du moins c'est ce que j'en conclu avec ceux que Toe m'a lâché sur son compte mais avec lui comment savoir...
Il se lève de sa chaise et s'approche de moi.
Je recule. Un pas. Un autre. La porte.
— Tu penses que ce serait Teofrast ou Josh le premier à me défier, si je te faisais quelque chose ?
Je n'arrive pas à répondre, la folie que je vois dans ses yeux me liquéfie.
Il éclate de rire en reculant.
— Pour qu'Awa accède à ma requête, je lui ai promis de ne plus tuer de fille et même en le voulant, tu n'as rien pour me faire bander ma belle. Dommage, hein ? Ça aurait été sympa que le dénouement arrive plus vite."
Il me pousse avec brutalité sur le côté pour dégager la sortie et s'en va.
Je tremble. J'ai cru que c'était fini. Ce mec nous comprend tous, la seule chose qu'il n'ait pas mentionné c'est notre fuite, quoi que l'on fasse on marche dans son jeu.
Je me laisse glisser au sol, me laissant happer par mes pensées.
Je reste un temps indéterminé comme ça, ce sont des pieds nus et sales dans mon champ de vision qui me font revenir à la réalité.
Chapitre dix-neuf
Purée, la nana pendant trois jours elle va marcher comme un cow-boy ! J'ai mal pour elle 
