Ma première lecture commune! Je vais par contre sûrement répété ce qui a déjà été dit, je m'en excuse.
Quand on débute la lecture d
'Au-delà du mal, il n'est pas forcément aisé de voir en quoi ce roman se démarque d'autres thrillers: en effet, il n'est plus inhabituel de lire des livres où le tueur est déjà connu de tous et où la psychologie de ce dernier est mise en avant. Cependant, il est bon ton de se rappeler l'époque d'écriture, le contexte et les avancées policières en ce temps là. Et là, sans avoir déjà tout lu on comprend le génie de Stevens. Sur fond de scandale politique et de contexte véridique, il se permet de tenter une approche différente d'une chasse à l'homme et c'est ce qui fait la réussite du récit.
Le début se met en place vraiment très doucement, et difficilement pour moi. Il m'a été difficile de rentrer complètement dans l'histoire avec le récit de Sarah qui ne m'a pas interpellée plus que cela. Tout comme le récit autour du père, que j'ai trouvé long et quasi inutile... jusqu'à ce que je revoie mon jugement à la fin de la lecture
puisque même ces détails trouvent une petite place dans l'enquête.
Je me suis retrouvée embarquée quand Bishop s'enfuit: l'intelligence dont il fait alors preuve est terrifiante et jouissive à la fois et on se demande bien jusqu'où il va aller avant qu'on ne le rattrape, si on le rattrape. Ce qui est intéressant à ce niveau là, outre la psychologie de Bishop, c'est de voir à quel point d'une la police n'a pas la réflexion adéquate à l'époque pour tenter de le retrouver, et de deux la facilité de disparaître à une époque où les gens faisaient peut être plus confiance qu'aujourd'hui.
Certains ont souligné qu'il n'était pas crédible pour un homme ayant grandi enfermé avec pour seul contact extérieur la télé de se trouver de faux papiers: je ne suis pas d'accord. Encore une fois, on parle d'une époque différente. Il est possible d'apprendre beaucoup de choses en regardant des films, mais surtout tout y était beaucoup plus simple. Alors qu'aujourd'hui il faut quand même justifier de beaucoup de choses pour prouver son identité, il en était différemment en 1973. La suspicion était moins présente, et cela se confirme avec l'idée de gueule d'ange de Bishop, qui lui permet de se fondre dans la masse. Qui pourrait imaginer qu'un homme charmant puisse commettre des actes aussi odieux? Pas les gens qu'il rencontrait en tout cas.
Le récit nous plonge vraiment dans une ambiance 70s et garde une bonne dose de suspense. Ce n'est pas parce qu'on connaît ( ou croit connaître) l'identité d'un meurtrier que tout retombe comme un soufflet. Bien au contraire, il est intéressant de suivre un récit d'un point de vue différent, et la tension est bien présente, tout simplement pour le fait que l'enquête et la poursuite sont présentes. L'intérêt réside dans la façon dont la vérité va surgir, et de ce côté là on reste dans un schéma classique. Mais le gros point positif c'est ici l'apparition du "profiler". Car c'est bel et bien ce qu'est Kenton qui se met dans la peau du tueur, réfléchissant comme il le fait. On a ici l'opposition entre l'analyse d'indices, méthode employée par les policiers et l'analyse du comportement que fait Kenton. Ce personnage donne d'ailleurs une dimension plus profonde à la troisième partie du roman et fait monter la pression jusqu'à un final génial.
Il va de soi que le livre n'est pas exempt de défauts. Au contraire, l'écriture de Stevens et ses digressions temporelles ainsi que la pluralité des personnages contraignent le lecteur à se concentrer un peu plus que d'habitude. Ce qui ne serait pas vraiment grave si on ne se perdait pas parfois dans des situations qui se retrouvent parfois sans lien direct avec ce qui nous intéresse: la chasse de Bishop. Si chaque protagoniste se retrouve avec un lien direct ou indirect avec Bishop, il n'en reste pas moins que Stevens se complaît à décrire des scènes parfois inutiles qui alourdissent le récit et dont on se passerait bien. Notamment le côté politique qui, sur fond de Watergate, nous démontre juste que ces hommes n'ont aucun scrupules et sont pourris jusqu'à la moelle. Ce qu'on peut deviner aisément, mais qui n'apporte rien de concret au final.
Les marqueurs de temps sont également difficiles au début à appréhender puisque l'auteur donne une date pour revenir dans le passé nous expliquer ce que les autres personnages ont fait entre temps. On se perd un peu au début avant de prendre le coup, même si cet exercice reste fatiguant.
Les personnages quant à eux sont intéressant. Bishop, pour sa folie meurtrière et ce qui l'a conduit à prendre ce chemin. Contrairement aux autres je n'ai par contre jamais ressenti de pitié ou affection pour lui. Son passé explique mais n'excuse en aucun cas ses actes immondes, et il n'en reste pas moins un monstre.
Quant à Kenton et autres personnages secondaires, chacun reste bien défini et crédible dans la fonction qu'ils représentent. Seules les femmes sont dépeintes de manières négatives dans leurs comportements (à 3 exceptions près) et Stevens en donnent vraiment une image nuisible qui justifierait presque (je grossis le trait) l'opinion de Bishop et de Kenton à leur propos.
Pour conclure, ce roman prend une direction innovante pour l'époque et n'hésite pas à se lancer dans une investigation haletante qui ne s'éloigne jamais de l'horreur, même si quelques longueurs fatiguent. Il reste une lecture à découvrir, notamment pour les fans de thrillers.
J'y ai vu pour ma part une analogie à Ted Bundy, ce "lady killer" qui a officié durant les années 70 dans au moins 7 états différents. Charmant et très intelligent, il ressemble fortement au portrait de Bishop.