AprilDevil a écrit :Pari tenu, je suis à jour !
Avec ces chapitres 7 et 8, tu continues à nous offrir un récit de qualité, riche en émotions et en actions. J'imagine la patience requise pour parvenir à la maîtrise d'un univers tel que le tien. Tu laisses fleurir ton imagination, mêlant adroitement le drame et l'humour, mais je n'ai pas eu l'impression que tu t'égarais et je n'ai pas relevé de longueurs. Honnêtement, je commence à développer un réel attachement pour cette foule de personnages, et une certaine addiction - ou une addiction certaine, aha - à ton travail. C'est très intéressant d'observer l'apparition, au fil des pages, d'une véritable "patte". Tu as un style bien à toi, même si je n'arrive pas à mettre le doigt sur ce qui me permet d'affirmer ça. Je crois te l'avoir déjà dit dans un commentaire précédent, mais à travers ton style en amélioration, on te sent de plus en plus affirmé, plus sûr de toi, et à travers ça on sent que malgré les heures de travail qu'il y a derrière, l'écriture c'est ton plaisir, ou plutôt, un plaisir partagé entre ton lecteur et toi.
Le chapitre 7 m'a particulièrement plu.
Son début est très mystérieux, on replonge dans les entrailles de la ville, et on a un court aperçu du Temple et de la vie communautaire qui s'organise autour. Dans les faits, on peut se dire que ça ne sert pas directement l'histoire puisque ce n'est "qu'en passant". Mais moi, j'apprécie le fait que tu ne mettes pas en lumière que les aspects de ton univers directement liés à ton héroïne principale. Beaucoup d'écrivains bâtissent les fondations d'un monde sans jamais les développer au cours de leurs romans : leurs univers sont tellement complexes qu'ils passent complètement sous silence certains aspects de leurs monde, qu'ils ont eux-mêmes oubliés. Et quelque part, ça les "arrange" aussi peut-être de placer de vastes concepts sans jamais rien mettre à l'intérieur. A contrario, tu t'efforces de nous rappeler que le monde du Temps des Surplombs ne gravite ni autour de Yulia, ni autour d'Angora, ni autour d'aucun autre de tes personnages. Oui, il y a la majorité du temps une focalisation interne qui montre le point de vue de Yulia. Mais ça ne veut pas dire que le monde entier gravite autour d'elle, et que le reste fait partie du décor.
D'ailleurs, il y a une véritable recherche autour des perspectives dans ce chapitre, puisque tu nous présentes trois points de vue distincts : celui de Yulia, celui de Angora, et enfin celui des serviteurs restés dans la maison de l'Amiral. C'était très bien pensé. Ainsi, avec une alternance rythmée des points de vue, on a plus de suspense, et évidemment pas le temps de s'ennuyer. L'histoire est extrêmement prenante, la tension monte encore d'un cran par rapport au chapitre 6, qui marquait déjà une rupture de taille avec les cinq premiers chapitres.
J'ai aimé en apprendre plus sur le passé des personnages. ça fait du bien de voir qu'Angora est bien une humaine, avec ses fêlures, ses doutes, ses peurs ; elle entretient un rapport complexe au meurtre et une relation tumultueuse avec le Sénat. C'était aussi habile de faire de courts retours en arrière pour éclairer le passé familial de la maison de Yulia, en donnant du relief aux relations cordiales du trio Senex/Marisa/Angora. Car on comprend que si soudain, toutes ces précisions débarquent, c'est pour une raison précise... Nous en apprenons plus sur Senex et Marisa au moment de leurs morts. Comme si, finalement, on voyait défiler des bribes de souvenirs, des tranches de vies avant le point final.
Ces morts sont glaçantes, même si tu ne donnes pas dans le détail glauque - c'est un bon point. Car si violence il y a, c'est une violence qui ne se contente pas de lieux communs, mais qui est aussi beaucoup dans l'évocation. Ainsi, on découvre une scène de carnage très cinématographique, qui joue tant sur les tensions politiques que sur la confrontation même de deux systèmes de valeurs (le Sénat avec sa cruauté et son avidité du pouvoir d'un côté, un érudit et une gouvernante maternelle de l'autre). Tu introduits également des pouvoirs magiques avec ce personnage de Sagaryne qui n'a rien d'humain, qui n'a aucune empathie et qui n'a même pas un fonctionnement corporel "normal". Les derniers mots de Senex sont émouvants, car lui conserve son humanité et sa dignité jusqu'à la fin. De son côté, Yulia est aussi très courageuse et surprenante : tout comme Viral, je ne l'aurais pas crue capable de tirer de sang froid. Quant à Angora... Mention spéciale à la scène du sauvetage de Yulia. Une scène apocalyptique avec un formidable jeu sur la couleur rouge : la guerrière aux cheveux rouges qui émerge des flammes, comme une survivante... Angora est le personnage qui va permettre au lecteur de reprendre son souffle après ce chapitre de crise qui le tient en haleine.
Le début du chapitre 8 m'a beaucoup émue ; il représente un semblant de calme après le passage de la tempête. Yulia est dans un état qu'on qualifierait presque de post-traumatique : c'est la fin de l'enfance, et le début de l'exil. L'image de la robe est bien choisie et touchante. Pourtant, une fois encore on ne tombe pas dans le pathos. Angora est le seul soutien auquel Yulia peut encore se rattacher, on sent une complicité hors-normes entre ces deux personnages que tant de choses opposent pourtant.
Il y a un passage que je trouve très beau :
Il s’était passé tellement de choses, autour d’elle comme en elle-même, qu’elle ne pensait plus être capable d’avoir peur. Rien ne pouvait être pire que ce qu’elle venait de traverser
Comme une nécessité d'aller de l'avant pour survivre, sans se poser de questions. Avancer.
Pourtant, cette survie a un prix au sujet duquel Yulia ne cesse de s'interroger : quel rôle conférer aux armes, quelle place accorder à la violence ? Quel est le prix à payer pour (sur)vivre ?
Enfin, la dernière partie du chapitre amène un brin d'humour avec l'évasion des pirates qui donne une once de légèreté à ce contexte bien sombre.
Concernant l'accompagnement musical, j'ai aimé écouter les musiques que tu avais proposées pour le chapitre 1 en lisant ces deux chapitres (eh oui, toujours un temps de retard
). Sinon, certaines chansons du groupe de metal symphonique Nightwish correspondent bien à l'ambiance je trouve (en même temps, Nightwish c'est ce qu'il faut dès qu'on touche à l'épique
).