Les Guerriers, tome 1 : Le retour du guerrier

— Voici la petite jument des moissons ! cria Gwilym de la cour.

Apparemment satisfaite de voir tout le monde sur le pied de guerre, la gouvernante ouvrit la porte. Une silhouette se détacha sur le seuil, puis Gwilym se rua dans la cuisine. Il fut aussitôt trempé par un véritable barrage d'eau, puis submergé de femmes. Près de Jacques, armé d'une louche, Roanna les regardait sans oser croire qu'elles étaient en train de le dépouiller de ses vêtements.

— Pas lui ! cria Mamaeth.

Les femmes se précipitèrent aussitôt vers d'autres seaux tandis qu'un groupe d'hommes essayait d'entrer. L'eau jaillit de tous les côtés, puis les femmes commencèrent à fouiller et déshabiller tous ceux qui leur tombaient sous la main. Ce qui paraissait d'ailleurs mettre en joie leurs victimes.

Roanna se détendit. C'est alors qu'Emryss fit son apparition, toujours aussi souriant. Un instant, leurs regards se croisèrent, et il lui adressa un clin d'œil espiègle.

Elle remarqua quelques brins de paille qui dépassaient de sa chemise. D'un geste vif, elle s'empara de la louche de Jacques.

— Mon Dieu ! Mon Dieu ! s'exclama le malheureux cuisinier.

Se précipitant vers le seau le plus proche, Roanna y plongea la louche, sans quitter des yeux Emryss qui avançait lentement le long du mur. Il faisait mine de s'amuser avec les autres des mimiques des hommes et des femmes.

Derrière lui, Roanna s'approchait petit à petit, sa louche à la main. Elle attendit qu'il regarde dans la direction de Mamaeth.

Alors, avec une détermination dont elle ne se fût pas crue capable, elle en versa tout le contenu sur la tête d'Emryss.

Celui-ci laissa échapper une vocifération mais, déjà, Roanna passait la main sous sa chemise et attrapait la paille tressée.

Il lui enserra le bras, l'empêchant ainsi de brandir la jument des moissons.

Roanna le regarda. Elle vit alors son visage ruisselant d'eau. Il paraissait tellement surpris, furieux et trempé, qu'elle partit d'un irrépressible éclat de rire.

Cette fois il la lâcha, encore plus abasourdi. Puis il la prit dans ses bras.

— S'il ne fallait qu'un peu d'eau pour vous entendre enfin rire ! lui murmura-t-il à l'oreille.

Désireuse de savourer pleinement son triomphe, Roanna se déroba et brandit son trophée de paille.

Les femmes l'acclamèrent.

Soudain, cependant, Emryss lui arracha la paille des mains. Roanna faillit tomber à genoux, elle se récupéra de justesse pendant qu'il bondissait vers la cheminée et accrochait le caseg fedi au crochet.

A leur tour, les hommes acclamèrent Emryss, qui se pavanait, les bras croisés devant l'âtre. En fait, il paraissait tellement content de lui que Roanna ne put s'empêcher de réagir.

S'emparant d'un plein seau d'eau, elle s'approcha de lui et l'en coiffa.

Il poussa un cri de surprise tandis qu'elle s'enfuyait de la cuisine, suivie de toutes les femmes.

A la vérité, Roanna se demandait encore comment elle avait été capable d'accomplir une chose pareille. Comment avait-elle pu faire montre de cette audace et de cette impudence devant tous les métayers ?

Riant aux éclats, Bronwyn l'embrassa, et Roanna se retrouva bientôt encerclée de femmes qui la complimentaient pour sa témérité. Alors, elle se mit à rire elle aussi, follement heureuse. Elle était acceptée, enfin !