Itinéraire d'un salaud ordinaire

Il redescendit au deuxième après avoir repris ses affaires civiles dans le placard. Ses études lui ayant appris l’esprit de synthèse, et s’étant familiarisé avec les claviers des machines à écrire au service juridique de la Compagnie du Métro, il ne lui fallut qu’un quart d’heure pour venir à bout du compte rendu. Ce qui l’avait le plus gêné, en fait, c’était les hurlements d’un type, peut-être celui du Normandie, de l’autre côté de la cloison. À sa demande, Simone, une brune sans âge au menton orné d’une verrue poilue, lui avait apporté le dossier regroupant les diverses instructions qui régissaient l’activité de la Direction générale des Renseignements généraux et des Jeux. Le premier document, adressé à tous les commissariats de Paris et des circonscriptions de banlieue, en date du 30 septembre 1940, précisait que « pour chaque affaire ayant un caractère politique », il fallait « aviser dès le début la 1re Section des Renseignements généraux (Automatique 315 et 316) pour demander qu’un inspecteur spécialisé soit envoyé afin de coopérer à l’affaire ». Il écarquilla les yeux en découvrant le nom de Roland Bricourt sur la toute dernière pièce, vieille d’à peine un mois, et qui portait la signature du directeur : « Je signale à la bienveillante attention de M. le préfet de police, la magnifique tenue des gradés et inspecteurs des brigades de répression communo-terroriste de ma direction. Cent cinquante-cinq hommes spécialisés mènent, de jour comme de nuit, un combat des plus rudes, sans souci des fatigues et des dangers. Animés du plus bel esprit de devoir, ils “servent” suivant les plus pures traditions de notre maison. Si tous méritent des éloges, je me permets de vous communiquer les noms de ceux qui se sont le plus particulièrement distingués au cours des affaires récentes dont les résultats importants vous ont été communiqués : Boutreau, Farlaque, Bricourt, Sadowsky. »