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Si tu arrêtes de te demander pourquoi c'est toi qui as été tuée et non quelqu'un d'autre, si tu arrêtes d'explorer le vide que ta perte a laissé, si tu arrêtes de te demander ce que ressent toute personne laissée sur la Terre, tu pourras être libre. Dit plus simplement, il te faut abandonner la Terre.
Afficher en entierOn est aussi seul sur Terre qu'au paradis.
Afficher en entierLa première phrase
Nom de famille : Salmon, saumon comme le poisson ; prénom : Susie. Assassinée à l'âge de quatorze ans, le 6 décembre 1973.
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La dernière phrase
Je vous souhaite à tous une longue vie de bonheur.
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Morceau choisi
Mr. Harvey pressait ses lèvres contre les miennes. Elles étaient couleur myrtille, et mouillées, j'avais envie de crier parce que j'avais trop peur et que j'étais trop épuisée pour la lutte.J'avais été embrassée une fois par quelqu'un que j'aimais. Il s'appelait Ray et il était indien. Il avait un accent et le teint mat. Je n'étais pas supposée l'aimer. Clarissa trouvait que ses grands yeux aux paupières à moitié closes étaient 'psychédélices', mais il était gentil et intelligent et m'avait aidée à tricher pour mon interro d'algèbre tout en faisant semblant du contraire. Il m'avait embrassée près de mon casier. Je me souviens que ses lèvres étaient gercées.
'Non, Mr. Harvey', ai-je réussi à dire, et j'ai continué à répéter ce mot plusieurs fois. Non. Puis j'ai dit je vous en supplie beaucoup de fois aussi. Franny m'a expliqué que presque tout le monde disait "je vous en supplie" avant de mourir.
Afficher en entier« "Pourquoi ?" a redemandé mon frère.
Mon père n'avait pas envie de répondre : "parce que la vie est injuste" ni : "parce que c'est comme ça". Il voulait quelque chose de chouette, de susceptible d'expliquer la mort à un gamin de quatre ans. Il a posé la main au creux du dos de Buckley.
"Susie est morte" lui a-t-il dit, incapable de faire en sorte que ça colle avec les règles d'un jeu quelconque.»
Afficher en entierLe matin du 10 décembre, mon père a vidé la bouteille de scotch dans l'évier de la cuisine et Lindsey lui a demandé pourquoi.
«J'ai peur de le boire.
- C'était quoi l'appel?
- Quel appel?
- J'ai entendu ta description habituelle du sourire de Susie, les étoiles qui explosent.
- J'ai dit ça?
- Tu as un peu perdu la boule. C'était un flic, non?
- Tu veux la vérité?
- Oui.
- Ils ont retrouvé un bout de corps. Qui appartient peut-être à Susie.»
Ce fut pour elle un fameux coup dans l'estomac. «Quoi?
- On n'est jamais sûr de rien», a avancé mon père.
Lindsey s'est assise à la table de la cuisine. «Je vais vomir, a-t-elle prévenu.
- Ma chérie?
- P'pa, je veux que tu me dises quel bout de corps c'était, et après ça je devrai vomir.»
Mon père est allé chercher un grand saladier métallique. Il l'a apporté, l'a posé sur la table à côté de Lindsey puis il s'est assis.
«O. K., dis-moi, lui a-t-elle demandé.
- C'était un coude. Trouvé par le chien des Gilbert.»
Il lui a tenu la main et elle a vomi, comme prédit, dans le saladier métallique luisant.
Afficher en entierMa mère connaissait la signification de chaque breloque sur mon bracelet, elle savait où on l'avait acheté et pourquoi il me plaisait. Elle avait dressé une liste méticuleuse de tout ce que j'avais pu porter et user. Si on retrouvait ces indices traînant à des kilomètres de là sur le bord d'une route, ils conduiraient peut-être un policier du coin à faire le rapport avec ma disparition.
Afficher en entierElle savait maintenant qu’être mère était une vocation. Beaucoup de jeunes filles aspirent à ce statut mais elle, elle n’en avait jamais rêvé, et elle avait été punie de la façon la plus horrible qui soit pour ne pas m’avoir désirée.
Afficher en entier"Je t'aime Susie", dit-ele.
J'avais si souvent entendu ces mots-là dans la bouche de mon père que là, ils me choquèrent ; j'avais attendu, sans le savoir, de les entendre dire par elle. Il lui avait fallu le temps d'apprendre que cet amour ne la détruirait pas et je savais maintenant que je lui avais laissé ce temps-là, d'autant plus facilement que j'en avais à revendre.
Afficher en entierUn soir de l'été 1975, ma mère se tourna vers mon père et lui demanda :
"Tu as déjà fait l'amour dans l'océan ?"
Et il répondu : "Non.
- Moi non plus. Alors imagine que l'océan est là, que je m'en vais, et que peut être nous ne nous reverrons jamais."
Le lendemain elle partit pour le chalet de mon père, dans le New Hampshire.
Afficher en entierMon prof préféré était celui de sciences naturelles, Mr Botte, qui aimait faire danser les grenouilles et les écrevisses à disséquer dans leur bocal paraffiné, comme pour leur rendre vie. Ce n'est^pas Mr Botte qui m'a tuée, au fait. Et ne vous imaginez pas que tous ceux que vous allez croiser ici sont suspects. C'est bien ça le problème. On n'est jamais sûr de rien... C'est un voisin qui m'a tué.
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