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Les ados sont cruels, mais ils craquent si l'ont sait les prendre.
Afficher en entier<< Je déteste me lever. Tous les matins, quand le réveil sonne, je râle. Je plaque violemment la main dessus et je me retourne. Mais ça ne sert à rien. Si je voulais me remettre à ronfler, je devrais aussi arrêter le réveil des parents qui dorment dans la pièce à côté et qui, dès que c’est l’heure, sautent du lit comme des pucerons et me mitraillent de leurs phrases horribles depuis le couloir d’où ils se croient les maîtres. Ma mère a une voix de clairon qui percerait même des boules Quies. Mon père, c’est plutôt un saxo fatigué. Lui, il n’insiste pas trop mais ma mère, elle, est infatigable.
— Raphaël, debouuuut! Debout, Raphaëëëël! Tu vas arriver en retard au collège.
Si, au moins, elle me criait que des croissants chauds m’attendent dans la cuisine à côté d’une bonne tasse de chocolat brûlant, je ferais peut-être un effort pour m’extraire de mon sac de couchage, mais me parler de l’école, c’est du sadisme, une façon dégoûtante de me déclarer la guerre. Je ne dis pas amen à tous ses caprices. Je me roule en boule dans mon sac et tourne sur moi-même pour arriver au bord du lit. Je me laisse lentement glisser vers le sol, me relève et trottine ainsi jusque dans le couloir en tenant le dessus du sac entre les dents. Ça a l’art de mettre ma mère en rage. Elle me traite de limace et de paillasson en se pinçant les lèvres. Moi, ça m’amuse de la voir dans cet état. Elle qui rêvait d’un brave petit adolescent tout sage dormant dans de beaux draps blancs, elle est servie! Mon sac de couchage est une partie de ma personnalité et je ne supporte pas qu’elle me l’enlève.
Je trottine ainsi jusque dans la salle de bains et, là seulement, une fois la porte fermée à double tour derrière moi, je laisse tomber mon sac sur le carrelage. Chaque matin, ça me fait frissonner. Un peu comme si on enlevait la coquille à un escargot. En slip et dans l’intimité de la salle de bains, je m’observe dans la glace. Je suis beau. Je m’aime bien. Le léger duvet qui me pousse au-dessus des lèvres me donne un air d’acteur de cinéma. Si je me démenais plus au cours de gymnastique, j’aurais même des muscles. Mais, pour ça, il faudrait que je travaille pour un prof qui m’exaspère. Et, même si les copains me disent que j’ai plus la carrure de Renaud que celle de Silvester Stallone, j’en reste là. Ce paquet de muscles, je devrais le transporter tout le temps; ce serait épuisant.
— Alors, Narcisse, tu n’as pas bientôt fini ?
*
Aurélie et ses copines sont juste capables d’être premières de classe. Il y a quand même des buts plus intéressants dans l’existence! Être heureux, par exemple. Ça vaut tous les prix d’excellence, tous les diplômes. Et, moi, pour que je sois heureux, il faut que je me sente aimé. C’est pour cette raison que j’apprécie tellement mademoiselle Laurent. Elle nous accorde de la valeur. Avec elle, nous ne nous sentons pas méprisés comme avec la plupart des autres profs. Elle s’intéresse à nous. Pas comme le prof de math ou comme celui de géographie qui se contentent juste de nous enseigner une matière et de nous mépriser si nous ne la restituons pas comme ils le désirent. Mademoiselle Laurent, elle, veut savoir ce qui nous plaît, elle accorde de l’importance à notre avis, elle ne nous met pas en échec si nous n’avons pas la même opinion qu’elle et nous apprend à défendre notre position le mieux possible. >>
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