Le garçon du Rwanda

Excusez mon émotion. J’essaie comme je peux de rester cohérente. Revenons en 1994, au rez-de-chaussée de l’hôpital François-Rabelais. Me croirez-vous si je vous dis que je n’avais jamais vu un garçon africain ? Je n’en avais pas remarqué en tout cas.

Le pédiatre m’a fait sursauter en appelant mon nom dans la salle d’attente : « Esther Lyon ! » J’avais honte de tout. J’étais gênée d’être appelée lion devant un Africain, devant les gorilles et les zèbres peints par des Français pour égayer mes séjours au service des urgences. Honteuse qu’ils aient enrichi ce décor de jardin d’acclimatation de véritables enfants africains. Je le dis au pluriel puisqu’entre-temps j’avais remarqué qu’ils étaient tout un groupe, assis sagement le regard dans le vide – sauf le mien qui ne me quittait pas des yeux.

Le pédiatre, je le connaissais : c’était le docteur Ejnès. C’est lui qui m’avait accueillie quand j’avais amené la carte et la cassette de chants que notre classe avait préparées pour Aldina, la fameuse petite Bosniaque soignée à l’hôpital François-Rabelais.