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Boire en voulant éviter l'ivresse est aussi déshonorant que d'écouter de la musique sacrée en se protégeant contre le sentiment du sublime.
Afficher en entier«Elle aurait pu avoir pour devise: "Ce qui me nourrit me détruit." La grande littérature, qui avait constitué l'essentiel de son alimentation , était aussi ce qui l'avait maintenue à l'écart des siens, creusant entre elle et eux un fossé d'autant plus infranchissable que son clan ne la comprenait pas. »
P.113
Afficher en entierLe réel s’empresse toujours de vous montrer à quel point vous manquez d’imagination.
Afficher en entierL'ivresse ne s'improvise pas. Elle relève de l'art, qui exige don et souci. Boire au hasard ne mène nulle part.
Si la première cuite est si souvent miraculeuse, c'est uniquement grâce à la fameuse chance du débutant : par définition, elle ne se reproduira pas.
Pendant des années, j'ai bu comme tout le monde, au gré des soirées, des choses plus ou moins fortes, dans l'espoir d'atteindre la griserie qui aurait rendu l'existence acceptable : la gueule de bois a été mon principal résultat. Je n'ai pourtant jamais cessé de soupçonner qu'il y avait un meilleur parti à tirer de cette quête.
Mon tempérament expérimental a pris le dessus. À l'exemple des chamans amazoniens qui s'infligent des diètes cruelles avant de mâchouiller une plante inconnue dans le but d'en découvrir les pouvoirs, j'ai eu recours à la technique d'investigation la plus vieille du monde : j'ai jeûné. L'ascèse est un moyen instinctif de créer en soi le vide indispensable à la découverte scientifique.
Rien ne me désole plus que ces gens qui, au moment de goûter un grand vin, exigent de «manger un truc» : c'est une insulte à la nourriture et plus encore à la boisson. «Sinon, je deviens pompette», bredouillent-ils, aggravant leur cas. J'ai envie de leur suggérer d'éviter de regarder de jolies filles : ils risqueraient d'être charmés.
Boire en voulant éviter l'ivresse est aussi déshonorant que d'écouter de la musique sacrée en se protégeant contre le sentiment du sublime.
Donc, j'ai jeûné. Et j'ai rompu le jeûne avec un veuve-clicquot. L'idée était de commencer par un bon Champagne, la Veuve ne constituait pas un mauvais choix.
Pourquoi du Champagne ? Parce que son ivresse ne ressemble à nulle autre. Chaque alcool possède une force de frappe particulière ; le Champagne est l'un des seuls à ne pas susciter de métaphore grossière. Il élève l'âme vers ce que dut être la condition de gentilhomme à l'époque où ce beau mot avait du sens. Il rend gracieux, à la fois léger et profond, désintéressé, il exalte l'amour et confère de l'élégance à la perte de celui-ci. Pour ces motifs, j'avais pensé qu'on pouvait tirer de cet élixir un parti encore meilleur.
Dès la première gorgée, j'ai su que j'avais raison : jamais le Champagne n'avait été à ce point exquis. Les trente-six heures de jeûne avaient affûté mes papilles gustatives qui décelaient les moindres saveurs de l'alliage et tressaillaient d'une volupté neuve, d'abord virtuose, bientôt brillante, enfin transie.
J'ai continué courageusement à boire et, à mesure que je vidais la bouteille, j'ai senti que l'expérience changeait de nature : ce que j'atteignais méritait moins le nom d'ivresse que ce que l'on appelle, dans la pompe scientifique d'aujourd'hui, un «état augmenté de conscience». Un chaman aurait qualifié cela de transe, un toxicomane aurait parlé de trip. J'ai commencé à avoir des visions.
Afficher en entier" J'ai beau savoir qu'écrire est dangereux et qu'on y risque a sa vie, je m'y laisse toujours prendre."
Afficher en entier« Comment avais-je pu croire qu'elle exécutait ce numéro pour l'argent ? Et comment avait-elle pu affirmer qu'elle avait testé des médicaments dans un but lucratif ? Si Pétronille s'était mise et se mettait à nouveau à ce point en danger, c'était pour connaître cette exaltation suprême, cette dilution extatique du sentiment d'exister. »
P.166
Afficher en entier« - On se trompe. Ce n'est pas une question de talent . Je t'ai observée : je ne dis pas que tu n'as pas de talent, je dis, pour t'avoir examinée longtemps, que ça ne suffit pas. Le secret, c'est ta folie.
- Tu es mille fois plus folle que moi, avec ou sans tes médicaments !
- C'est ta folie, j'ai dit: ta manière d'être folle. Des gens fous, il y en a partout. Des fous comme toi, ça n'existe pas. Personne ne sait en quoi consiste ta folie. Pas même toi.»
P.150
Afficher en entier« Savait-elle à qui elle s'adressait ? J'en vins à espérer que non. Mieux valait encore être ignorée de cette femme que de subir un tel affront.
Je me conduisis comme une Japonaise : je ris.
Il me semblait avoir touché le fond. Même si le penser porte malheur. Le réel s'empresse toujours de vous montrer à quel point vous manquez d'imagination. »
P.63
Afficher en entier« - L'un des buts de la vie me paraît d'être pompette, la nuit, dans de belles villes. »
P.49
Afficher en entier« - Madame Westwood, n’avez-vous jamais songé à écrire ?
Au comble du mépris, elle gloussa :
- Ecrire ! Ne soyez pas vulgaire, je vous prie. Il n’y a pas plus commun qu’écrire. Aujourd’hui, le moindre footballeur écrit. Non, je n’écris pas. Je laisse cela aux autres. »
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