Extraits

"Même les aveugles peuvent voir la lumière: il suffit que quelqu'un de bon leur parle." p.93

"Mon plus beau cadeau de Noël ce serait qu'on m'amène devant un saule pleureur, couvert de givre et qu'on me dise: "Voilà, c'est pour toi." Ensuite je repartirais les mains vides, ébloui." p.75

"Je revenais de l'école. Je n'avais plus que quelques mètres à faire avant de rentrer chez moi quand je surpris des enfants, à peine plus âgés que moi, s'acharnant sur un des leurs, dans cet espace que j'imaginais sacré entre la barrière et l'église. Les injures avaient dû s'épuiser avant ma venue. Je vis un enfant en empoigner un autre et le plaquer contre le mur, tandis que le reste de la bande se disposait autour de lui en demi-cercle. Je devinais la joie mauvaise courant sur les visages de plomb des assaillants. L'orage des coups éclata sans bruits. Le silence des agresseurs et celui de leur victime qui tombait au ralenti donnaient à cette scène crépusculaire l'éclat d'une icône noire à quoi s'opposait, sans l'affaiblir, la chaude lumière jaune que je voyais aux fenêtres de ma maison. Je me suis précipité chez moi avec ce mystère: on pouvait aimer faire le mal, à l'ombre d'un Dieu dont on était sûr qu'il n'interviendrait pas." p.31-34

"J'ai été seul pendant deux mille ans - le temps de l'enfance. De cette solitude, personne n'est responsable. Je buvais du silence, je mangeais du ciel bleu. J'attendais. Entre le monde et moi il y avait un rempart sur lequel un ange montait la garde, tenant dans sa main gauche une fleur d'hortensia - une sorte de boule de neige bleue. Pendant ces deux mille ans de captivité j'ai interrogé beaucoup de livres. Je lisais comme à l'étranger on déplie une carte pour trouver le point où l'on est, avant de chercher celui où l'on veut aller." p.15-16

Il faut renoncer à être heureux pour entrer au paradis.

Un poète rencontre toujours un poète plus grand qui lui arrache le cœur d'admiration. J'ai rencontré le givre.

J'écris ce livre pour tous ces gens qui ont une vie simple et très belle, mais qui finissent par en douter parce qu'on ne leur propose que du spectaculaire.

Une suie de néant se dépose sur notre visage au long de notre vie. La mort est le gant de crin avec lequel Dieu nous débarbouille. L'attention commence ce travail.

Un fou c'est quelqu'un qui a laissé la souffrance prendre sa place.

J'ai été seul pendant deux mille ans - le temps de l'enfance. De cette solitude, personne n'est responsable. Je buvais du silence, je mangeais du ciel bleu. J'attendais.