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"Roy n'avait pas eu envie de venir. Jim le comprenait à présent. Roy était venu pour le sauver; il était venu parce qu'il craignait que son père se suicide. mais Roy n'avait éprouvé aucun intérêt pour ce retour à la terre."
Afficher en entierLes rêves de Roy devenaient récurrents. Dans l'un d'entre eux, il était recroquevillé dans une salle de bain à plier des serviettes rouges à mesure que d'autres serviettes s'empilaient et lui tombaient dessus, le comprimant de tous les côtés. Dans un autre, il était à bord d'un bus enseveli dans le sable qui glissaient lentement sur la pente d'une colline. Dans un autre encore, il était pendu à des crochets et devait choisir entre se tirer dessus une fois, ce qui serait rapide mais risquait de le tuer, ou être plongé dans une cuve pleine de fourmis rouges, ce qui ne le tuerait pas mais durerait une éternité.
Afficher en entierObservant l'ombre noir qui bougeait devant lui, il prit conscience que c'était précisément l'impression qu'il avait depuis trop longtemps ; que son père était une forme immatérielle et que s'il détournait le regard un instant, s'il l'oubliait ou ne marchait pas à sa vitesse, s'il n'avait pas la volonté de l'avoir là à ses côtés, alors son père disparaîtrait, comme si sa présence ne tenait qu'à la seule volonté de Roy.
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Il avait l'impression qu'il était seulement en train d'essayer de survivre au rêve de son père.
Afficher en entierSon père revint juste après la tombée de la nuit. Roy l'entendit descendre le sentier et il hurla : Papa ?
Ouais, répondit doucement son père avant de monter sous le porche, de taper des pieds et de regarder Roy, la carabine sur les genoux.
Je l'ai eu, dit-il.
Quoi ?
J'ai eu l'ours, dans un ravin à deux sommets d'ici.
Je l'ai eu ce matin. Tu n'as pas entendu les coups de feu ? Non.
Bon, c'était loin.
Il est où ? demanda Roy.
Je l'ai laissé là-bas. Je ne pouvais pas le porter.
Et je n'avais pas pris mon couteau. Juste le fusil. J'ai sacrement faim, maintenant. Il nous reste un peu de nourriture ? Tu as pêché quelque chose ?
Afficher en entierTu te rappelles ce que je t'ai raconté sur le monde qui n'était qu'un grand champ, à l'époque où la Terre était plate ?
Ouais, dit Roy. Comment tout est parti en vrille après que tu as rencontré Maman.
Hé là, dit son père. J'ai pas dit ça. Bref, j'y ai repensé et ça m'a fait réfléchir aux choses qui me manquent et au fait que je n'ai pas de religion alors que j'en ai quand même besoin.
Quoi ? demanda Roy.
En gros, je suis foutu. J'ai besoin d'un monde animé, j'ai besoin qu'il me renvoie à moi-même. J'ai besoin de savoir que, quand un glacier bouge ou qu'un ours pète, j'ai quelque chose à voir là-dedans. Mais je n'arrive pas non plus à croire à ces conneries, alors que j'en ai besoin.
Qu'est-ce que ça a à voir avec Maman ?
Je ne sais pas. Tu me déconcentres.
Ils terminèrent leur partie et se couchèrent. Roy ressassait le discours de son père, et la personne à ses côtés lui semblait être un père bien étrange. Plus que toute autre chose, c'était le ton de sa voix, comme si la création du monde menait invariablement vers le Gros Plantage. Mais Roy évitait de trop réfléchir. Il avait vraiment envie de dormir.
La neige s'installa à plus basse altitude, et ils cessèrent de pêcher, d'utiliser le fumoir ou de couper du bois.
On est parés, de toute façon, fit son père. Il est temps de s'installer et de se détendre. Il faudra environ deux semaines avant que je pète les plombs.
Quoi ?
Je plaisante, dit son père. C'était une blague.
Afficher en entierEt voilà, dit son père en levant les bras. Je suis bon à quelque chose, hein ?
Peut-être.
Son père rit. Peut-être, hein ? Mon garçon commence à avoir le sens de l'humour. On commence à se sentir chez soi, pas vrai ?
Roy sourit. Un petit peu, je dirais.
Très bien.
Ils fêtèrent cela en coupant plusieurs arbres qu'ils débitèrent en pieux pour les parois de la cache. Ils travaillèrent toute la journée.
À la nuit tombée, ils avaient transporté tous les pieux au bord du trou.
Afficher en entierGallmeister p150
"Pourquoi les gens mettaient-ils fin à leurs jours ? Qu'est-ce qui avait poussé Jim à se persuader qu'il en serait capable, lui aussi ? C'était difficile à croire même."
Afficher en entierIl avait l'impression qu'il était seulement en train d'essayer de survivre au rêve de son père.
Afficher en entier"La raison principale, c'est que je ne sais pas vivre seul. Et son père se remit à pleurer. Je sais que je ne suis pas seul, gémit-il. Je sais que tu es là. Mais je me sens tout de même trop seul. J'arrive pas à l'expliquer."
Roy attendait la suite, mais son père ne faisait plus que sangloter et cela continua ainsi un long moment. Roy ne comprenait pas comment il pouvait être là, juste à côté de son père, alors qu'aux yeux de ce dernier c'était comme s'il n'existait pas.
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