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Je découvre que l'absence a une consistance. Peut-être celle des eaux sombres d'un fleuve, on jurerait du pétrole, en tout cas un liquide gluant, qui salit, dans lequel on se débattrait, se noierait. Ou alors une épaisseur, celle de la nuit, un espace indéfini, où l'on ne possède pas de repères, où l'on pourrait se cogner, où l'on cher je une lumière, simplement une lueur, quelque chose à quoi se raccrocher, quelque chose pour nous guider. Mais l'absence, c'est d'abord, évidemment, le silence, ce silence enveloppant, qui appuie sur les épaules, dans lequel on sursaute dès que se fait entendre un bruit imprévu, non identifiable, ou la rumeur du dehors.
Afficher en entier"Plus tard, j'écrirai sur le manque. Sur la privation insupportable de l'autre. Sur le dénuement provoqué par cette privation; une pauvreté qui s'abat. J'écrirai sur la tristesse qui ronge, la folie qui menace. Cela deviendra la matrice de mes livres, presque malgré moi. Je me demande quelquefois si j'ai même jamais écrit sur autre chose."
Afficher en entier" J'ai dix-sept ans.
Je ne sais pas que je n'aurai plus jamais dix-sept ans, je ne sais pas que la jeunesse, ça ne dure pas, que ça n'est qu'un instant, que ça disparaît et quand on s'en rend compte il est trop tard, c'est fini, elle s'est volatilisée, on l'a perdue, certains autour de moi le pressentent et le disent pourtant, les adultes le répètent, mais je ne les écoute pas, leurs paroles roulent sur moi, ne s'accrochent pas, de l'eau sur les plumes d'un canard, je suis un idiot, un idiot insouciant."
Afficher en entier"Je dis: courage, mais il s'agit peut-être d'autre chose. Ceux qui n'ont pas franchi le pas, qui ne se sont pas mis en accord avec leur nature profonde, ne sont pas forcément des effrayés, ils sont peut-être des désemparés, des désorientés; perdus comme on l'est au milieu d'une forêt trop vaste ou trop dense ou trop sombre."
Afficher en entierComme si la vie, c'était ça, simplement ça, se fréquenter et se perdre de vue et continuer à vivre, comme s'il n'y avait pas des déchirements, des séparations qui laissent exsangues, des ruptures dont on peine à se remettre, des regrets qui vous poursuivent longtemps après.
Afficher en entierMais surtout, nous ne retrouverons pas ce qui nous a poussés l'un vers l'autre, un jour. Cette urgence très pure. Ce moment unique. Il y a eu des circonstances, une conjonction de hasards, une somme de coïncidences, une simultanéité de désirs, quelque chose dans l'air, quelque chose aussi qui tenait à l'époque, à l'endroit, et ça a formé un moment, et ça a provoqué la rencontre, mais tout s'est distendu, tout est reparti dans des directions différentes, tout a éclaté, à la manière d'un feu d'artifice dont les fusées explosent au ciel nocturne dans tous les sens et dont les éclats retombent en pluie, et meurent à mesure qu'ils chutent et disparaissent avant de pouvoir toucher le sol, pour que ça ne brûle personne, pour que ça ne blesse personne, et le moment terminé, mort, il ne reviendra pas ; c'est cela qui nous est arrivé.
Afficher en entierEn fin de compte, l'amour n'a été possible que parce qu'il m'a vu non pas tel que j'étais, mais tel que j'allais devenir.
Afficher en entierParce que tu partiras et que nous resterons.
Afficher en entierAujourd'hui, quand je croise des enfants sur cette plage, quand je les vois courir dans les dunes, ou s'allonger sur la pierre chaude du muret qui fait office de digue, je les contemple en souriant. Je me souviens que j'ai été comme eux, dans l'insouciance, la légèreté, le soleil. On ne se défait jamais de son enfance. Surtout quand elle a été heureuse.
Afficher en entier"La mort de beaucoup de mes amis, dans le plus jeune âge, aggravera ce travers, cette douleur. Leur disparition prématurée me plongera dans des abîmes de chagrin et de perplexité. Je devrai apprendre à leur survivre. Et l'écriture peut être un bon moyen pour survivre. Et pour ne pas oublier les disparus. Pour continuer le dialogue avec eux. Mais le manque prend probablement sa source dans cette première défection, dans une imbécile brûlure amoureuse.
Je découvre que l'absence a une consistance. Peut-être celle des eaux sombres d'un fleuve, on jurerait du pétrole, en tout cas un liquide gluant, qui salit, dans lequel on se débattrait, on se noierait. Ou alors une épaisseur, celle de la nuit, un espace indéfini, où l'on ne possède pas de repères, où l'on pourrait se cogner, où l'on cherche une lumière, simplement une lueur, quelque chose à quoi se raccrocher, quelque chose pour nous guider. Mais l'absence, c'est d'abord, évidemment, le silence, ce silence enveloppant, qui appuie sur les épaules, dans lequel on sursaute dés que se fait entendre un bruit imprévu, non identifiable, ou la rumeur du dehors."
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