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J'avais tant besoin de m'isoler. Les gens ne le comprenaient pas, mais la solitude était une amie qui ne décevait jamais. Compréhensive et constante. Elle me faisait du bien quand, autour de moi, il n'y avait que le chaos et les incompréhensions.
Afficher en entier" Ça venait de partout à la fois à mesure que je le regardais. Les lignes d'une partition, les noires et les blanches. Les clefs de Sol et leur arrondi majestueux. La musique. Mais pas seulement. Le fil ténu d'un souffle, d'une voix, le chant ensorcelant d'une mélodie qui ne s'oublie pas. Je plissai des yeux, immobile, en détaillant. Et je savais que je paraissais dément, étrange, dérangé. Que je re devenais ce gamin gamin bizarre qui tapait le tempo sur une feuille, en faisant peur aux copains de ses frères. Je savais que je redevenais ce fils auquel mes parents n'avaient jamais rien compris. Mais c'était sous mes doigts.
Juste...sous mes doigts
Je quittais le ponton au pas de course, filant vers la maison. Vers le salon. Vers le piano de Destiny. Je m'assis sur le tabouret et ouvris le clavier. Pour la toute première fois. J'en avais les membres qui tremblaient, le coeur qui battait trop vite. Enfin ! Je l'ouvrais. Enfin ! Il était à moi
Logan me suivit, j'y prêtai à peine attention, posant déjà deux doigts sur les touches, mon pied sur une pédale et...
Do...
Je fermais les yeux.
Un Fa...
Ma seconde main.
Un Ré...
Accolade et accelerando.
Coulé et demi-ton.
Crescendo et Quatre.
Technique et émotion.
Un art particulier."
Afficher en entierJ’ouvris la mallette et sortis le compresseur, le masque, le tube et la chambre. Je fouillai au fond pour attraper une dose d’Atrovent. Tout était là. Le dernier recours avant les urgences. C’était souvent suffisant. Souvent, mais pas tout le temps. Je recommençais déjà à avoir du mal à respirer. Je me dépêchai de casser le petit bouchon du médicament, le versai dans le tube du nébuliseur et le reliai au compresseur que je branchai à la prise électrique au-dessus du grille-pain.
Appuyer sur la touche on. Mettre le masque. S’assoir bien droit sur une chaise. Et respirer profondément. Par la bouche. Fermer les yeux et compter. Se calmer.
Combien de fois faisais-je ces gestes dans un mois ? Quatre ou cinq fois, quand ils étaient bons. Huit, neuf, dix, pour les pires. Et combien dans une année ? Depuis que j’étais né ? Je comptabilisais un nombre incalculable de bronchites, bronchiolites, pharyngites et trachéites. Deux crises d’asthme par semaine – en moyenne. C’était devenu mon quotidien. Je dormais sur un matelas antiallergique et dans ma chambre se trouvait un brumisateur pour assainir l’air de la pièce. Le matin en me levant, je contrôlais mon débit expiratoire avec mon débitmètre, qui trainait toujours près de mon piano – pour ne pas oublier. Sur ma table de nuit une série d’aérosols. Bleu, orange, violet. Ventoline, Flixotide, Seretide. Et j’en passais. Dans un tiroir, mon bracelet identifiant que je ne portais jamais.
J’aurais aimé sauter en parachute. Faire du ski nautique. De la voile. Descendre une piste noire en snowboard. Courir… Loin, très loin… Participer au marathon de la ville et à un rallye. Construire une maison de mes mains et imaginer ce que chaque pièce enfermerait, comme le racontait mon père quand je n’étais qu’un gamin. Faire l’amour… Non. Baiser ! Oui, baiser toute une nuit et adorer ça. Transpirer. Me couler sur un corps chaud, en dessous, contre. Me laisser emporter par la folie…
Respirer, respirer et respirer encore.
Afficher en entierUn demi-sourire apparut sur ses lèvres. Le premier que je lui vis. Et ce fut voir le monde changer soudain de couleur. C'était une symphonie, un millier d'instruments, un milliard de sons, une harmonie infinie. Un concert de perfection. Dans ma tête, un maître d'orchestre monta haut sa baguette, resta un petit instant silencieux, avant de l'abaisser doucement, en même temps que la musique s'élevait, magnifique.
Un concert.
Un vrai concert.
Afficher en entierUn rayon de soleil, une goutte de pluie. Une larme que je pouvais voir couler sur sa joue. Je n'avais pas le droit de le faire souffrir. Je l'avais toujours fait quand même.
Afficher en entier"Logan. Je vois tout.
De la noirceur à la lumière.
De l'obscurité à la lueur.
De la profondeur à la hauteur."
Afficher en entierJ'avançais tranquillement, des projections vertes s'envolant autour de moi. J'éternuai une fois. Mon nez piquait, comme lorsqu'il y avait trop de pollen dans les environs. Des petites fleurs sauvages recouvraient le gazon tel un tapis blanc et jaune. Je continuai, refusant de me laisser intimider par des pâquerettes. Je n'étais pas misérable à ce point ! Une erreur, évidemment.
Afficher en entierUne ou deux vibrations qui ébranlèrent mes certitudes. Un truc qui devint flou. Comme le début d’un vent de panique. J’aurais aimé disparaitre, me fondre parmi mes notes de musique, devenir aussi aérien, aussi intemporel. Inoubliable. J’aurais souhaité être un autre. Ne plus avoir peur du rythme de l’existence. Des regards posés sur moi. Libéré du poids de tout ce qui m’étouffait. De cette différence et d’une certaine forme de talent. Ce génie que je cachais entre les murs d’une pièce dans laquelle je m’enfermais. C’était plus simple, plus sûr. Pas d’écorchures, pas de blessures. Pas de ces douleurs qui brisent tout. Rien d’autre que quelques rayons de soleil pour réchauffer la monotonie d’un quotidien plat, linéaire. Sans risque et sans passion. Et quelques fois, un peu de pluie pour chanter une nouvelle mélodie.
Juste le temps d’une espérance.
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