Extraits

Winterfell était la seule maison qu’il ait jamais connue. Sa mère disait souvent que Bran avait appris à grimper avant de savoir marcher, et l’endroit qu’il préférait escalader entre tous était la tour en ruine.

Ce n’était pas juste. Sansa savait tout. Sansa savait broder, danser et chanter. Elle écrivait de la poésie. Elle savait s’habiller. Pire que tout, elle était belle. Sansa était née deux ans avant elle. Peut-être qu’au moment de la naissance d’Arya, toutes les qualités avaient été déjà été attribuées à sa sœur. Les gens l’appelaient Arya Face-de-cheval, et hennissaient quand elle approchait.

Mais Nymeria l’aimait, même si personne d’autre ne semblait se soucier d’elle. Elle avait baptisé sa louve comme la reine guerrière de Rhoynar. Sansa, bien sûr, avait appelé la sienne ‘Lady’.

Le jour s’était levé, frais et clair, et le fond de l’air piquant laissait présager la fin de l’été. Pour la première fois, Bran avait été autorisé à accompagner son père et ses frères - Robb et Jon - pour assister à l’exécution de la justice du roi.

Eddard Stark : Au nom du roi Robert de la maison Baratheon, premier du nom, roi des Andals, de Rhoynar et des Premiers Hommes, suzerain de Sept Couronnes et Protecteur du Royaume, moi, Eddard, de la maison Stark, seigneur de Winterfell et Gouverneur du Nord, je te condamne à mort.

Jon Snow avait sept ans de plus que Bran et avait l’habitude d’assister à l’exécution de la justice du roi.

A Vivesaigues, où Catelyn était née, le bois sacré était un jardin clair et lumineux. Les dieux de Winterfell régnaient sur un bois d’une toute autre sorte.

Dans le Nord, chaque château avait son bois sacré, chaque bois sacré son arbre-cœur. Et chaque arbre-cœur avait un visage.

Dany avait toujours cru qu’elle épouserait Viserys. Les dragons ne s’accouplaient pas avec les bêtes des champs, et les Targaryen ne diluaient pas leur sang avec celui des êtres inférieurs. Et pourtant, il complotait pour la vendre à un étranger. Un barbare.

Elle était née à Peyredragon neuf lunes après leur fuite, tandis qu’au-dehors une tempête d’été menaçait de ravager la forteresse de l’île. Elle ne se rappelait pas non plus de Peyredragon.

La garnison avait été sur le point de les vendre à l’Usurpateur, lorsqu’une nuit, ser Willem Darry et quatre hommes loyaux avaient pénétré dans leur chambre et mis voile sous couvert des ténèbres. Ils vécurent ensuite à Braavos, dans une maison qui avait une grande porte rouge. Daenerys avait sa propre chambre, et un citronnier poussait sous sa fenêtre.

Quand ser Willem mourut, les serviteurs volèrent le peu qu’il leur restait. Peu de temps après, ils avaient été chassés de la grande maison. Dany avait fondu en larmes quand la grande porte rouge s’était renfermée derrière eux pour toujours. Depuis lors, ils erraient.

Viserys était un enfant quand ils avaient fui Port-Réal pour échapper à l’avancée des armées de l’Usurpateur, mais Daenerys n’était qu’une palpitation dans le ventre de leur mère. Pourtant, parfois, Dany parvenait à s’imaginer ces événements, si souvent lui avaient-ils été racontés par son frère.

Leur frère Rhaegar se battant contre l’Usurpateur dans les eaux sanglantes du Trident et donnant sa vie pour la femme qu’ils aimaient tous deux.

Le sac de Port-Réal par les hommes que Viserys appelait les chiens de l’Usurpateur, les seigneurs Lannister et Stark. La princesse Élia de Dorne implorant merci tandis que l’héritier de Rhaegar était arraché de son sein et assassiné sous ses yeux.

Les crânes polis des derniers dragons, contemplant de leurs orbites vides la salle du trône où le Régicide avait tranché la gorge de son père avec une épée d’or.

De l’autre côté du Détroit se trouve un pays de douces collines, de plaines fleuries et de vives rivières. Les Dothrakis l’appelaient Rhaesh Andali, le Pays des Andals. Les cités libres le désignaient sous le nom de Westeros, les royaumes du soleil couchant. Notre pays, l’appelait son frère.

Notre héritage, dérobé par traîtrise, disait Viserys. Mais on ne vole pas le dragon. Le dragon se souvient.

Peut-être le dragon se souvenait-il, mais Dany, elle, n’en gardait guère de souvenirs.