À Suspicious River

Je suis une grande admiratrice de Laura Kasischke. Quand je l'ai découverte, je me suis empressée de lire toute sa bibliographie. J'ai adoré la plupart, apprécié certains mais celui-ci est le seul qui m'a vraiment déplu. Dommage !

La descente aux enfers de Leïla dans un climat pesant et asphyxiant ne laisse pas le lecteur indifférent. On est secoué, dérangé, écoeuré par cette autodestruction racontée par l'auteure dans uns style mêlant violence et poésie. A déconseiller aux personnes déprimées!

Le souffle me manque au sortir de ce huis-clos terrifiant et glauque.

Il ne fait pas bon vivre à Suspicious River ! A part les cygnes et leur majesté, peu de lumière dans cette ville du Michigan où passent des hommes-abuseurs, des hommes-profiteurs, des hommes-voleurs de vie.

Leila, depuis son enfance, attire sur elle tous les démons de la terre.

Tout ce qu'elle doit affronter est si dur qu'elle se détache petit à petit de sa vie terrestre, de ses émotions, de son corps qu'elle livre à qui le veut.

Quelle drôle de sensation d'être un lecteur-voyeur, assistant à la descente aux enfers de l'héroïne sans pouvoir (vouloir ?) y mettre un terme.

On attend un ange gardien, un signe du ciel, une fleur dans ce désert émotionnel. On attend encore...

C'est le deuxième roman de Laura Kasischke que je lis et je suis sous le charme de sa capacité à glisser de la poésie, de la beauté dans ce monde brut et violent.

Alors, si vous n'avez pas peur d'être dérangés, déroutés, rendez-vous au Swan Motel et buvez la coupe de la violence jusqu'à la lie.

Vous n'en ressortirez pas indemnes.

Leila a vingt-quatre ans. Elle est réceptionniste au Swan Motel, à Suspicious River, une petite ville tranquille du Michigan. Et pour quelques dollars de plus, elle peut être comprise dans le prix de la chambre. Elle vend son corps sans passion, sans tristesse, sans avidité de l'argent non plus.

Ma note : 18/20

L'histoire peut paraître vulgaire, grossière et trop crue, et en effet, c'est très crue, mais très loin d'être vulgaire, à aucun moment ce n'est dégoûtant, il y a tant de poésie qui émane des mots de cette femme que même ce qui pourrait être vulgaire ne parvient pas à l'être.

Et je n'arriverai sûrement pas à rendre justice à sa plume, à cette poésie, ce lyrisme si doux et si extraordinaire !

De plus, on se sent vraiment pris dans l'histoire,comme si la seule façon pour nous d'en sortir était de finir le livre, ou d'y rester coincé à jamais.

Quant aux personnages, ils sont particuliers et singuliers, on reconnaît bien le style de l'écrivain, et, à dire vrai, pas que pour les personnages, sa façon d'amener le récit, de nous y plonger, et de nous en sortir, comme après une longue apnée, bref, je disais, les personnages sont si modestes et décrits de manière un peu banale, ils sont n’importe qui, et même moins, ce qui les rend étonnamment vivants et humains, mais d'une manière dégradante et qui nous pousse à réfléchir peut-être un peu.

Leila, elle, la protagoniste, m'a tout simplement ému, elle est si étrange, j'ai encore du mal à la comprendre, et pourtant j'ai le sentiment de la connaître, comme si je lisais en elle comme dans un livre ouvert, mais qu'elle avait encore des secrets pour moi.

Et finalement, je pense que personne ne l'a comprise.

Finalement, pour faire un point sur l'écriture, le style, je le trouve subjuguant ! Il mêle tellement de choses ensemble, de la plume de Laura Kasischke coule, non de l'encre, mais de la poésie.

Elle est très talentueuse, ça c'est sûr ! Mais un talent à part, à garder à l’œil.

Elle transforme les choses, ce qui a l'air dégoûtant, vulgaire, elle le rend beau, intelligent. Elle nous offre des choses si belles, et si douces, et en même temps, elle nous fait prendre du recul, elle nous montre le monde tel qu'il est, la vie dans son ensemble et dans sa véracité.

C'est un coup de cœur, le premier de cette année, et je pense que beaucoup d'entres ses lecteurs l'ont mal jugé, quand je vois qu'il n'a qu'un 14/20 sur Livraddict, je me dis que certains n'ont pas su voir au delà des scènes sexuelles et trop crues, n'ont pas su les comprendre.

Moi, je lui mets 18/20 parce que, oui, au début j'étais choquée, un peu ébranlée, mais ensuite j'ai compris, et remarqué la beauté, la réflexion, le sens de cette œuvre.

Ne nous fions pas à la couverture bien colorée du livre (à condition bien sûr d'avoir entre les mains l'édition "Le livre de poche"). En effet, au fil de la lecture, impossible pour moi d'imaginer des espaces, des décors ou des scènes colorés. Le gris baveux, poisseux, s'impose tout au long des pages. Seul le rouge vient à quelques moments clés du livre, s'imposer à l'esprit du lecteur et faire frémir encore et encore le coeur de l'héroïne... Lecture plaisante grâce au style de l'auteur et à la structure du roman. Mais alors quelle passivité de Leila, notre réceptionniste, prête à endurer bassesses, ignominies, brutalités. Pourtant, nous n'avons pas affaire, à mon sens, à du masochisme car le plaisir est aux abonnés absents en ce qui la concerne. Il est plutôt question d'une descente aux enfers plus ou moins souhaitée, d'une destruction engendrée par les marques indélébiles du passé.

Pfououuuuu... Difficile de commenter ce roman ! C'est glauque, c'est tragique et pourtant... on continue à lire, comme fasciné par tout ce qui arrive à Leila. On se demande si elle est folle, un peu schizo peut-être, elle a vécu des choses très dures, qu'elle ne peut oublier, digérer. Elle semble indifférente à ce qu'il lui arrive... On a envie de la protéger, de la secourir mais aussi de la secouer ! En tous cas, difficile de rester indifférent à la lecture de ce roman...