Ajouter un extrait
Liste des extraits
« En fait, c’était principalement Jake qui parlait. Mon rôle était habituellement d’être à l’écoute. De temps en temps, il posait des questions que je rangeais dans la catégorie « style de vie gay » : combien de fois par mois faisais-je l’amour ? (Euh… Est-ce qu’on parlait en termes de temps terrestre ?) Quand avais-je fait mon coming out ? (Après la fac, quand il était trop tard pour que ma mère puisse me punir.) Quels lieux je fréquentais pour rencontrer des hommes ? (Les scènes de crime ?) Même si Jake était plus vieux et probablement plus expérimenté, je me sentais parfois comme son mentor gay ou un Big Brother homo. Je ne me sentais jamais comme son amant. »
Afficher en entier- La terre ne peut t'appartenir. Tu appartiens à la terre.
- Tu fais allusion aux taxes foncières ou à quelque chose de plus spirituel ?
Afficher en entier- As-tu la moindre idée de la valeur qu'a un demi-hectare de marijuana dans la rue ?
J'activais mes petites cellules grises.
- Il faudrait que tu sois capable de le transformer et de le mettre sur le marché. Cela dépendrait de l'échelon ... et d'une rue en particulier.
- En prenant tout cela en compte, as-tu la moindre notion de la quantité de fric que cela représente ?
- Non.
Afficher en entier- Est-ce qu'on vous a déjà dit que vous ressembliez à ce vieil acteur ? demanda soudain Kevin.
- Un vieil acteur ?
- Enfin, je ne veux pas dire qu'il était vieux. Pas à l'époque. Il jouait le prêtre dans ce film de Hitchcock.
- Je te fais penser à un vieux prêtre ...
Kevin gloussa.
- Vous savez bien ce que je veux dire. Il était vraiment très séduisant.
- Pour un vieux prêtre.
Afficher en entier- Bébé, dit-il finalement et presque avec bienveillance. Tu as trop d'imagination. C'est bien pour un auteur mais pas pour un ... euh ... détective.
- Il me semble me rappeler que tu m'as dit une fois qu'un bon détective n'a pas peur de faire appel à son imagination.
- Est-ce que tu notes tout ce que je raconte ? s'enquit-il d'un air exaspéré.
- Il y a tellement de contradictions que ça aide à suivre.
Afficher en entier- Hier soir, tu parlais d'instinct de flic. Mon instinct me dit que ces deux choses ne sont pas liées.
- Espérons que la machine fonctionne, cette fois-ci, fis-je remarquer. Il y a deux mois, ton instinct te disait que j'étais un tueur en série.
Les yeux de Jake se plissèrent comme ceux d'un tigre fatigué de jouer avec sa nourriture.
- Rembobine.
Il se tapota le front de l'index.
- Je ne pensais pas que tu étais un tueur en série. Je pensais que tu ne me disais pas tout ce que tu savais, ce qui était vrai. Je croyais qu'on ne te harcelait pas.
- Ce qui était faux.
- Ce qui était ...
Il prit une longue inspiration.
- Faux, proposai-je.
- Faux, admit-il.
Je souris.
- Je voulais juste te l'entendre dire.
Afficher en entier- Tu as prévu de rester ?
- Seulement jusqu'à ce que tu retrouves la raison.
- Je suis flatté de savoir que tu penses que c'est une possibilité.
- Ouais, heureusement que j'ai accumulé pas mal de congés.
Je vacillais jusqu'au canapé et Jake me demanda :
- Tu veux déjeuner ?
- Salaud, ajoutai-je en pleurnichant, tu n'entends pas les tam-tams ?
- Non. Qu'est-ce que ça dit ?
- Homme blanc besoin plus antidouleur.
- Je pensais que tu étais du genre à souffrir en silence.
- Moi ? Tu fais visiblement allusion à l'un de tes amis tout de cuir vêtu.
Afficher en entierIl prit sa tête dans ses mains.
— Adrien, qu’est-ce que je vais faire ?
J’avais peur qu’il ne commence à pleurer. Je m’approchai de lui sur le canapé et mis mon bras sur ses épaules. Ce n’était qu’une accolade de grand frère, cela dit.
Mais ensuite Kevin passa ses bras autour de moi et sembla d’humeur moins fraternelle que moi.
— Euh… Kevin, commençai-je, essayant de m’en défaire.
Et là, avec le sens du timing d’une farce de comédie de boulevard, Jake ouvrit la porte. Il resta immobile. Je pouvais entendre le tic-tac de l’horloge sur la cheminée. Je ne l’avais pas entendu revenir. Je n’avais pas entendu la porte d’entrée. Et je n’avais rien à dire qui me vint en tête.
Mais Jake si. À point nommé, il lança d’une voix traînante :
— Pendant ce temps-là, au ranch…
Afficher en entierDe temps en temps, je levais les yeux de mon livre et avais un aperçu de Jake de l’autre côté de la fe-nêtre, arrangeant le volet cassé à coups de marteau, évacuant son agressivité dans un projet de rénova-tion. J’étais surpris qu’il ne crache pas simplement les clous dans le bois tel Popeye. Alors qu’il s’échinait, il sifflait d’un air grave, les clous pincés entre ses lèvres.
Quand il en eut fini avec le volet, il se mit à réparer le treillage cassé des roses.
L’homme par excellence.
Afficher en entierIls me regardèrent avec la même impassibilité qu’une vache sur le bord de la route. Un effet accentué par Dwayne qui ruminait sa chique.
— Vous êtes un de ces drôles de garçons, c’est ça ? demanda Billingsly lentement d’un air grave.
J’eus du mal à parler, mon cœur essayant de remonter dans ma gorge. Tout homme gay faisait face à cette question à un moment ou à un autre, sur ce ton-là, si ce n’était avec d’autres mots. Je ne sais pas si le vrai courage réside dans le fait de faire tomber les barricades ou dans celui de ne pas nier la vérité. Je sais juste que je dus rassembler toutes mes forces pour dire :
— Je suis gay, si c’est ça que vous demandez.
— Votre pote, Riordan. C’en est un aussi ?
— Vous devrez lui demander.
Dwayne cracha un jet de tabac juteux à un centimètre de ma botte.
Ils continuèrent à me fixer.
Pourquoi attendre les forces de l’ordre ? Pendons-le ! Sauf qu’ils étaient les forces de l’ordre.
Afficher en entier