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« — C’est le mode de transport le plus inconfortable qui existe, je soupire en me frottant le bas du dos. Peut-être que si les selles étaient plus rembourrées… Ou peut-être que ce sont mes fesses, qui mériteraient un peu plus de rembourrage.

Prenant conscience de ce que je viens de dire, je m’empresse d’ajouter :

— Si tu regardes mes fesses, je t’étripe, Al’Sol.

J’agite un doigt menaçant dans sa direction, ce qui lui tire un rire sonore face auquel je perds mon sérieux.

— Aubrey, si je voulais regarder tes fesses, ce n’est pas ta pauvre menace qui m’en dissuaderait. 

Sur ce, il remonte à cheval avec cette aisance agaçante qui me pousse à le titiller encore :

— Gnagnagna, Aubrey, gnagnagna, regarder tes fesses…

Je crois qu’il rit mais je suis trop occupée à essayer de remonter en selle pour m’en assurer. »

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« Conclusion : c’est un sadique, je le déteste, et le fait qu’il soit extrêmement attirant n’a aucune importance. »

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« — Te battre contre moi ne va rien changer à la situation, reprend-il très vite d’une voix intelligible, cette fois.

— Sans doute pas, mais au moins je vais me défouler.

— Ravi d’être ton exutoire, rétorque-t-il, l’ironie suintant de chacun de ses mots. »

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Et puis, peut-on vraiment échapper à son destin? Emprunter une autre route pour tenter de l'éviter, n'est ce pas justement jouer son jeu?

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Quand on vit dans un pays en guerre, la mort fait partie du quotidien. On sait qu’elle peut nous trouver à tout instant. Pourtant, rien ne nous prépare vraiment à lui faire face.

Je savais que ce moment allait arriver et, Oria m’en est témoin, j’ai tout fait pour m’habituer à son imminence. J’ai entretenu l’espoir vain de changer le cours des choses en peaufinant mes talents et en m’appuyant sur mes alliés. J’ai cherché des échappatoires qui n’existaient pas avant de finalement accepter cette idée… Du moins, je le croyais. Car, aujourd’hui, face à la bataille qui s’annonce, je me sens aussi démunie qu’une enfant.

La scène sous mes yeux semble sortie d’un de mes pires cauchemars. Je frissonne, terrifiée, entourée par des rangées de soldats aux armes rutilantes qui chatoient dans la semi-obscurité. Eux aussi ont peur : je le devine à

leurs expressions torturées et aux prières s’élevant dans le silence de mort qui règne sur la plaine. Au loin, nos ennemis approchent. Le claquement de leurs ailes fait régulièrement sursauter les vétérans autant que les novices.

Novices, comme moi. C’est ma première bataille et… Je m’efforce de refouler la voix qui résonne dans mon esprit.

« Ta première bataille surviendra bientôt, jeune fille, et elle sera synonyme de fin. »

La fin.

Pour une fois, les paroles de l’Oracle sont limpides.

C’est ici que je meurs.

Une certitude affreuse contre laquelle tout mon corps se révolte, mais, pire encore que la sentence de mort qui plane au-dessus de ma tête et se rapproche de seconde en seconde, c’est son inéluctabilité qui me donne envie de hurler. Nous avons pourtant essayé d’y échapper, de forcer les

événements… mais rien ne peut changer ce qui est écrit.

C’est ici que je meurs.

Et personne ne peut l’éviter.

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— On n'est pas là pour devenir meilleurs amis, me coupe-t-il de nouveau. Je t'accompagne, c'est tout.

— J'ai l'impression que je suis aussi un bon prétexte pour fuir tes parents, je rétorque, acide.

— Comme quoi, tu peux parfois faire autre chose que me casser les pieds.

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— Soldate Aubrey, ton tour viendra. Si tu agis de nouyeau comme tu l'as fait ici, nul doute qu'Oria ỉac-compagnera et que les honneurs suivront. Poursuis sur cette lancée. Quant à toi, ajoute-t-il en regardant Rylen, continue à bien l'entraîner. Elle a du potentiel : ne la lâche pas des yeux.

La réponse de Rylen est prononcée d'un ton que j'ai du mal à interpréter, mais elle m'envoie des frissons dans tout le corps, ce qui m'agace prodigieusement.

- C'est bien mon intention.

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Ne pense pas à tuer le dragon avant d'avoir survécu à la formation de la légion.

- Dicton populaire parmi les soldats

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« Sans même m’en rendre compte, je fais un pas en avant pour appuyer rageusement un doigt sur son torse, martelant chaque mot que je lui assène.

— Oh, non, il n’y a vraiment que toi, qui déclenches cette réaction viscérale, chez moi !

Il me regarde d’un air intrigué puis baisse les yeux vers le doigt que j’ai enfoncé dans sa poitrine, et brusquement je prends conscience de ce que je suis en train de faire. Je recule avec précipitation avant qu’il ait l’idée de se saisir de mon index pour me faire une prise de super-guerrier dont il a le secret. »

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— Merci.

— Merci.

Nous avons parlé en même temps, et cela nous fait rire, malgré l'émotion qui nous submerge.

— C'est moi qui te remercie, vieux bougre. Tu m'as sauvé la vie et accueillie quand je n'avais rien. Tu m'as donné un foyer.

— Et toi, tu es la fille que je n'ai jamais eue, le premier enfant que j'ai adopté bien malgré moi. Tu m'as donné une famille.

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