Extraits

– Quoi qu’il en soit, j’ai envie de passer voir Bill .

– Tu ne l’appelles pas pour l’avertir ?

– Non, répondit Agatha après une hésitation, allons-y sans prévenir. À moins que tu n’aies d’autres projets ?

– Aucun, affirma Charles, maussade. Je laisse tomber les femmes.

Ce qui signifie que je n’en suis pas une, conclut Agatha en son for intérieur .

Les stridentes vocalises de Miss Simms parvinrent à ses oreilles-une imitation de Cher, soi-disant , mais une Cher en pleine opération de liposuccion .

Et passe-moi une cigarette.

– Tu ne fumes pas, que je sache.

– Non, sauf les cigarettes des autres. Je leur rends service en réduisant leur consommation.

– Et ça te fait faire des économies par la même occasion .

L'ambition - c'était bien cela le nœud du problème. Parfaitement, Agatha Raisin ! Tu n'es qu'une ambitieuse qui rêve de prouver à la police que tu es capable de l'évincer.

- Je n'en peux plus, avoua-t-elle. Les hommes me dégoûtent. Tous des salauds.

- Pas tous, non. Seulement ceux dont vous semblez rechercher la compagnie .

À en croire les plus cyniques, Evesham était célèbre pour ses chômeurs et ses asperges. Bien que sise sur les rives de l’Avon, dans la vallée d’Evesham, le jardin de l’Angleterre, connue pour ses pépinières, ses vergers et, bien entendu, ses asperges, la localité pouvait apparaître aux visiteurs attirés par ses monuments historiques comme une ville en décrépitude. Malgré une population en hausse, bon nombre de commerces mettaient la clé sous la porte, et les artistes du cru décoraient les devantures condamnées de scènes illustrant le passé d’Evesham, si bien que la ville semblait se résumer à ses fresques et à ses magasins d’articles d’occasion. De volumineuses jeunes femmes y promenaient des marmots en poussette, immanquablement affublées de leggings et de chemises informes. Anne Robinson, chroniqueuse et star de la télévision, avait même émis l’hypothèse que le legging était fourni avec le bébé et la poussette.

Charles lui glissa gentiment, remarquant l’ombre qui traversait son regard :

– Ça n’aurait jamais marché, tu sais. James entre dans la catégorie des Vingt Pour Cent.

– Qu’est-ce que tu veux dire ?

– Que tu fais quatre-vingts pour cent des efforts, et que lui ne donne que vingt pour cent. Ça ne dépend même pas de sa volonté, il est comme ça, voilà tout. Beaucoup d’hommes sont dans ce cas, mais les femmes refusent de se le mettre dans la tête. Elles persistent à donner d’elles-mêmes et s’imaginent que si elles apportent encore quinze pour cent en couchant avec le type, elles se réveilleront miraculeusement à côté d’un monsieur Cent Pour Cent. Grossière erreur. Déjà bien beau s’il est encore là le lendemain matin. Plus probable qu’elles trouvent un petit mot sur l’oreiller : « Rentré à la maison pour nourrir le chien. »

Celui qui l’apostrophait de la sorte n'était autre que Charles, campé devant eux, les poings sur les hanches. Sur le moment, elle fut tellement interloquée qu'elle en oublia qu'il s'agissait d'une mise en scène.

- John et moi sommes sortis dîner, expliqua-t-elle. Charles, tu permets que je te présente à ...

- Je ne tiens pas à connaître ce genre de racaille, coupa l'intéressé, lui empoignant le bras pour l'attirer vers lui sans ménagement.

La secousse fit valser le sac à mains d'Agatha , son contenu s'éparpilla sur le sol, bien visible sous l'éclairage de sécurité qui venait de s'allumer devant le cottage. Le petit magnétophone noir, après un vol plané, atterrit sur les pavés de la rue, juste aux pieds de Mr John.

Charles se figea tandis qu'il ramassait le sac, la main sur le bras d'Agatha.

- C'est à vous, je suppose, fis Mr John en lui tendant l'appareil, qu'elle prit d'une main mal assuré. Un lueur ironique et méchante brillait dans les yeux du coiffeur.

Sans un mot de plus, il monta en voiture après un petit geste d'adieu et démarra en trombe.

-Actuellement, renchérit l'employé en pouffant de rire, on ne sert plus de "mouton", mais de l'agneau.

- Bon, lui retourna Agatha sans aménité, vous allez arrêter vos simagrées et nous laisser un peu respirer. On vous sonnera quand on aura choisi.

-Mais je n'ai jamais...protesta Henry d'un air pincé.

- Qu'est ce que ça peut me faire si vous êtes toujours puceau? Allez ouste, du vent.

Mavis ne put retenir ses larmes, et ils attendirent qu'elle ait essuyé son nez et surmonté son trouble