Extraits

Il lui reprit la main. « Je vois un avenir pour nous, souffla-t-il.

– Pour nous deux ?

– Pourquoi pas ?

– Et que dirait Gilda si nous étions ensemble ?

– Agatha, Agatha, ma chérie, cette pauvre Gilda n’est qu’une associée. »

Agatha retira sa main et s’appuya au dossier de sa chaise. « C’est votre fiancée, non ? »

Il resta bouche bée.

« Vous avez un fragment d’épinard sur les dents, commenta Agatha. Assorti à vos yeux. »

Il frotta furieusement ses dents de devant avec sa serviette.

Elle vit George foncer dans le bâtiment et se hâta derrière lui, Toni sur les talons. George disparut par une porte à l’arrière, desservant un escalier qui menait au clocher. Agatha monta les marches quatre à quatre, et arriva en haut tout essoufflée. Elle chancelait en débouchant sur le toit.

Mrs Andrews était debout sur le parapet.

« Je sais voler, dit-elle d’un ton rêveur. Comme Superman. »

George se précipita vers elle, mais trop tard. Avec un drôle de petit rire, Mrs Andrews s’était élancée dans le vide. George, Agatha et Toni tendirent le cou par-dessus le parapet et virent Mrs Andrews gisant dans une mare de sang sombre sur la pierre tombale où elle s’était écrasée.

Avec un soupir d’aise, elle sortit un paquet de Benson & Hedges.

« Vous n’allez pas fumer ! s’exclama Fred.

– Je vais me gêner ! répliqua Agatha, qui alluma sa cigarette avec délectation.

– Eh bien, vivement que l’interdiction de fumer entre en vigueur, dit Fred. Le tabagisme passif ne vous inquiète donc pas ? Moi si.

– La porte du pub est ouverte et l’air circule tout autour de nous. J’ai remarqué une Land Rover garée devant chez vous. Votre empreinte carbone doit être du quarante-deux fillette. La mienne a la taille d’un orteil, à peine.

– Vous a-t-on jamais dit que vous êtes très mal élevée ?

– Peut-être, mais personne ne m’a jamais accusée d’empiéter sur la liberté de qui que ce soit. Oh, trêve de baratin, je sais ce qui vous chagrine. Vous êtes une ancienne fumeuse, non ?

– Oui, mais…

– J’en étais sûre, dit sombrement Agatha. Vous êtes pires que des catholiques convertis, vous autres. “Moi, je ne prends plus de plaisir, donc vous ne devez plus en prendre non plus.” C’est comme cette histoire de réchauffement climatique. On prétend que si on vous taxe tout votre fric, c’est pour sauver la planète. Foutaises, oui ! Tout ça, ça va dans le trou noir du budget, ça disparaît définitivement et la planète reste en rade. »

– Tu ne devrais pas mettre de gel sur tes cheveux par cette chaleur. Il fond et on dirait que tu as de la bave d’escargot sur une joue. »

– Ils sont superbes, ces pots, s’exclama Roy, examinant un banc chargé de tasses à café, saladiers et vases, tous joliment vernissés de couleurs vives. Vous pourriez les vendre dans des boutiques de luxe à Londres.

– C’est ce que je fais déjà.

– Ah oui ? Combien coûte ce saladier ?

– Environ deux cents livres.

– Ben dites donc ! Vous devriez avoir un appartement à Kensington au lieu d’habiter ce minuscule cottage.

– Nous sommes très bien dans ce village. Ou plus exactement, nous l’étions avant qu’un serpent nommé Agatha Raisin ne s’introduise dans notre vie.

Agatha tirait sur une cigarette.

« Qu’est-ce que tu vas faire quand l’interdiction de fumer entrera en vigueur en juillet ? demanda Roy.

– Je continuerai, bien évidemment. Sauf si ces salauds font voter une loi interdisant de fumer chez soi.

– Mais la campagne est un endroit où l’air est pur.

– Tu parles ! Je viens de lire un article disant qu’une vache qui pète fait plus de dégâts dans la couche d’ozone qu’un 4×4.

Elle commençait à avoir la désagréable impression que cette affaire allait être celle qu’elle ne parviendrait pas à élucider.

Mrs Bloxby sonna. Une grande femme vêtue en tout et pour tout d'un justaucorps de danseuse leur ouvrit. Elle avait les cheveux teints couleur aubergine, longs et raides, et des traits quelconques : bouche mince et étroite, longs yeux étroits, nez mince, curieusement bossu au milieu, comme s'il avait été cassé et mal remis. Elle doit friser la quarantaine, se dit Agatha.

Mais son enthousiasme retomba quand on lui annonça les festivités prévues : un concert pour la fanfare du village et des danses Morris exécutées par un groupe local. Il y aurait, en outre, les concours des meilleurs gâteaux, pains, pickles ou gourmandises, et le clou de la manifestation serait une dégustation de confitures maison.

Plus tard ce soir-là, Mrs Bloxby écouta les projets de son amie, non sans inquiétude. Agatha avait mis le paquet, aussi était-il trop tard pour la détourner de son entreprise. Et quand elle commença à s'extasier sur l'incroyable beauté des Costwolds au printemps, Mrs Bloxby retint un gémissement.