Extraits

— J'aimais Tommy. Je lui ai donné tout l'amour qu'il y avait en moi, et il n'en reste plus.

— Ce sont des bêtises !

— C'est ainsi, Banallt, assura-t-elle en tendant la main pour rectifier une dernière fois son nœud de cravate. Quelquefois, je repense à ces palpitations dans l'estomac, à cette émotion vertigineuse qui vous donne l'impression que vous allez mourir s'il ne vous sourit pas. Cette part de moi qui aimait ainsi Tommy me rend malade. En moi, il n'y a plus que des cendres. Mon cœur s'est consumé. Je n'ai plus rien à offrir à un mariage.

Après un instant, il sourit.

— Je suis certain que votre frère trouverait quelque chose à donner en prime. Une livre ou deux, peut-être. Et il vous offrirait une cérémonie magnifique.

— Soyez donc un peu sérieux, protesta-t-elle en lui donnant une tape sur l'épaule.

— Je le suis, très chère. Plus que vous ne l'imaginez. Vous méritez un mariage scandaleusement extravagant. À Saint-Paul. Avec une robe ravissante et des fleurs dans les cheveux. Et suivi d'un banquet auquel assistera la moitié de Londres.

Tous deux se retournèrent en entendant des bruits de voix sur le palier. Quelqu'un appela Banallt. Il se leva, commença à dire quelque chose, puis se ravisa.

— Eh bien, je vais vous laisser à vos travaux de copie, madame Evans. Tâchez de ne pas recourir à l'enlèvement.

— Un petit cambriolage, alors ? Le vol d'un collier ?

— Vous...

— Banallt ? fit une autre voix.

Il quitta la pièce, et Sophie se retrouva seule> avec le souvenir de la caresse de ses cheveux sur ses doigts, et du trouble qu'elle en avait éprouvé.

Était-il possible que le comte fût la raison pour laquelle elle ne voulait pas épouser Tallboys ? s'interrogea-t-elle.

Quel désastre ce serait !

Tu m'avais juré ne pas être un poète.

— Je ne le suis pas. Pourtant, ajouta-t-il après s'être incliné pour reposer son verre sur la table, tu m'inspires de telles envolées de désir que tu me transformes.

Du bout du doigt, elle lui effleura la main depuis le poignet jusqu'à l'extrémité du majeur.

— Ce soir, tu es un poète.

— C'est une base solide sur laquelle édifier une vie ensemble, non ? Un poète et une romancière ne peuvent-ils pas trouver le bonheur ?

Il lui caressa la joue d'un revers de main avant d'ajouter :

— J'ai l'intention de te prouver que tu te trompes à mon sujet. Tu m'as transformé en chien fidèle.

— Chien ou poète, il faut choisir, observa-t-elle avec une ombre de sourire.

— Impossible, je suis les deux.

S'il voulait se persuader qu'elle ne le fascinait plus, il échoua totalement. Encore et toujours, il aurait fait n'importe quoi pour l'attirer dans son lit.

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