Extraits

Il ne retrouva ses esprits qu'après un court moment. Une lueur de désir illuminant son regard magnétique, il se tourna vers moi, le coude planté dans le matelas.

- Alera...Ca va ?

- Narian, il ne faut pas.

Notre égarement m'avait profondément choquée.

Il fronça les sourcils, passa la main dans sa chevelure en désordre, respira profondément avant d'ouvrir la bouche. Mais rien ne sortit, si ce n'est cette question hésitante :

- Mais...pourquoi ?

- Parce que nous ne sommes pas mariés ! m'écriais-je en me redressant.

Il se rassit de même et alluma la lanterne de ma table de chevet. La conversation prenait un tour sérieux et il voulait voir mon visage. Je rajustai les bretelles de ma camisole et serrai les genoux contre ma poitrine, attentive.

- Ainsi donc, d'après toi..il faut être marié pour..ceci, résuma-t-il, s'efforçant de comprendre la raison de mon refus.

- Oui, répondis-je avec ferveur. Tu ne crois pas ?

Il lança un regard aux draps froissés, comme s'il s'attendait à ce qui allait suivre.

- Eh bien, non. Le mariage n'existe pas à Cokyri.

J'ouvris de grands yeux.

- Le mariage..n'existe pas ? Mais alors..comment..je veux dire..Comment faites-vous pour avoir des enfants ?

- On choisit simplement un partenaire, répondit-il sans relever la bêtise de ma question. C'est la femme qui choisit l'homme et, s'il accepte, on lui tatoue l'avant-bras. Cette marque est un grand honneur. A Cokyri, les hommes l'arborent avec fierté.

- Mais il faut que nous soyons mariés.

Il me scruta longuement et comprit que je ne plaisantais nullement.

- Très bien, alors marions-nous.

- Là, maintenant ? bégayais-je, les sourcils écarquillés.

- Pourquoi pas ?

- Il faut publier les bans six semaines avant les noces !

- Narian ne vous fait pas confiance, London, le repris-je.

Si London, comme il le prétendait, se rangeait à mes vues, cette méfiance ne pouvait que l'ennuyer.

- Est-il une personne au monde à laquelle il se fie ? répliqua-t-il, avec un haussement d'épaules désinvolte.

- Il se fierait volontiers à vous tous. Mais il faut lui donner des gages, comme Cannan l'a fait.

London s'immobilisa, la main sur la porte de ma chambre.

- Je n'avais pas l'intention de vous froisser, Altesse, répondit-il avec un léger sourire.

-Un souci me demanda Grayden d'une voix douce.

- Ne vous inquiétez pas, c'est une petite poussière dans l’œil.

Je soutins son regard, me forçant à sourire.

- Ah, je vois. l'air frais vous fera peut-être du bien, ajouta-t-il, avec plus d'astuce que je ne lui en accordais.

Il lança un regard à Steldor, lequel nous congédia d'un geste nonchalant.

- Dans le jardin, Shaselle, il faudra crier pus fort fut son seul commentaire.

Des mois durant, leur royaume avait été assiégé, leur peuple vivant dans la peur. Les Cokyriens les avaient vaincus. Le grand seigneur, guerrier cruel et brutal, avait massacré leurs chefs militaires comme du bétail avant de tomber à son tour. Contre toute attente Cannan et quelques compagnons s’étaient rebellés, se cachant dans les montagnes pour venir en aide à leur peuple, avant de se résigner à vivre sous la botte de l’ennemi. Mais la lutte n’était pas finie. Non, elle allait même recommencer, il était temps de reconquérir ce qui avait été perdu.