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Extrait ajouté par Bibounine 2023-10-28T09:59:14+02:00

Je réalisais ça très tôt. Même à sept ans, plantée face à « La Dame », dans la cuisine chaleureuse de Malou. Je me délectais de mon animosité toujours grandissante et l'offrais en cadeau, la jetais en pâture aux profondes inimitiés de ma grand-mère chérie.

« Prends ma Malou ! Voilà pour toi. Nourris-toi en ! »

Je lui rendais dans le silence, avec pudeur, ce qu'elle n'avait pas voulu me transmettre mais que ses non-dits m'avaient inconsciemment légué.

« Elle est belle Malou La Dame. Très belle même. Mais tu vois, je ne l'aime pas. Mais alors pas du tout ! »

C'est vrai qu'Edmée était belle, assise là à siroter son café, totalement indifférente à ma personne, plongée dans des pensées desquelles je me savais exclue.

Le soleil jouait dans les reflets bleus de ses longs cheveux noirs et mettait dans le gris pâle de ses yeux immenses des ombres étranges.

Elle me paraissait fascinante, exempte de tous défauts physiques, une créature si jeune et pourtant si obscure dont l'apparence parfaite me procurait des sensations dépourvues d'aménité.

Pourvu ne jamais lui ressembler ! Être laide et ainsi renier sa chair, son sang !

Peut-être pensait-elle des choses similaires à mon égard ?

Peut-être s'amusait-elle à rechercher dans cette maigrichonne petite fille, les courbes avenantes de son propre corps ? Dans mon hâle de campagnarde, le velouté de son teint de lait ? Dans ma gaucherie et mes gestes empruntés, la sophistication et l'aisance de ses propres gestes ? Peut-être ne trouvant que dissemblance entre nous, se félicitait-elle de son absence d'amour ?

Malou disait que je possédais les « yeux qui pleurent sans larmes » de mon père. En bon français, du moins de mon point de vue, cela signifie des yeux de cocker, de chien battu, des yeux tristes, éteints, mornes. Des yeux sans vie, des yeux d'idiot, de benêt, de bovin mâchonnant son brin d'herbe sans le moindre

éclair de lucidité. Des yeux de gentil, de couillon qui se laisse embobiner par la première diablesse venue – et pour le coup, cet imbécile de Paul avait parfaitement adhéré à cette sotte description ! –.

Malou trouvait ces yeux-là merveilleux, affirmant qu'ils donnent un regard attendrissant et toujours enfantin. Malou disait qu'elle adorait les yeux de son fils et que j'avais exactement les mêmes, mais alors exactement !

Edmée a dû remarquer mes yeux alors, puisqu'elle aussi aimait follement ceux de mon père !

Car Paul, mon père, était l'unique amour d'Edmée.

Et bien sûr, comme dans tous les contes de fées, Edmée, ma mère, était l'unique amour de Paul.

Tout cela n'est-il pas terriblement beau et romantique ? N'est-ce-pas glorifiant pour un enfant d'avoir été l'aboutissement, la concrétisation d'une histoire aussi passionnée ?

Je n'ai été pourtant l'aboutissement de rien.

Je n'ai été en fait qu'un point de départ, qu'une formalité à laquelle on sacrifie par obligation.

Je n'ai été qu’un passeport.

Un passeport pour le mariage !

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Extrait ajouté par Bibounine 2023-10-28T09:59:01+02:00

L'image la plus précise que je garde d'Edmée la trouve assise en face de moi dans la cuisine de ma grand-mère. J'avais sept ans.

Ce n'était pas la première fois que je la voyais, ni la dernière d'ailleurs. Mais ce souvenir reste ancré en moi plus qu'aucun autre. Je ne saurais en expliquer la raison.

Peut-être tout simplement que mon regard de petite fille s'était troublé de découvrir, au sein de ce lieu tant aimé, cette intruse, cette étrangère.

Oh, bien sûr, je savais qu'elle n'était pas réellement une étrangère !

Mamie Malou prenait bien soin, avant chacune des visites de celle que je ne pouvais surnommer que « La Dame », de me faire mille recommandations :

« Diane, ta maman va venir demain. Essaie d'être un peu plus souriante avec elle. Dis-lui quelques mots. Ne fais pas ta petite sauvage. Elle vient pour toi tu sais. Fais un effort ! »

Je promettais toujours. Et ces promesses que je savais ne pouvoir tenir, mettaient des sourires dans les yeux noisette de Mamie Malou. Elle me serrait un peu plus dans ses bras ronds et me tapotait la tête avec une affection empreinte de chagrin.

Mamie Malou avait été élevée « à l'ancienne ». C'est-à-dire dans une vraie famille, avec un vrai papa symbole de force et d'autorité, et une vraie maman fleurant bon l'eau de Cologne, le lait sucré, le pain chaud et les bisous mouillés.

Elle avait reproduit ce même schéma avec son fils et ne pouvait admettre la situation dans laquelle j'évoluais.

À ses yeux, j'étais une sorte d'orpheline, une Cosette des temps modernes, sans parents, sans amour, sans repaires. Une enfant forcément malheureuse et victime de la cruauté de mes vils géniteurs.

Elle s'employait à me donner le plus de tendresse possible afin de pallier à mes manques supposés, déployant une énergie considérable afin que rien ne puisse me heurter.

Malheur à l'enfant qui me faisait pleurer, à l'instituteur qui me punissait, au rocher qui m'entaillait le genou.

Elle n'en faisait jamais trop pour moi et passait ses nuits à se reprocher tout ce qu'elle n'avait pu m'éviter.

« Ma pauvre petite Diane pourras-tu jamais me pardonner de n'être qu'une vieille bonne femme imparfaite ?

— Mais Malou, tout va bien, je suis si bien avec toi. Je te le jure ma Malou. »

Elle était heureuse de m'avoir, heureuse de vivre près de moi, mais ne pouvait décemment imaginer que je puisse me contenter de cela.

Si je riais, elle pensait aussitôt que par générosité envers elle, je me forçais à

paraître bien.

Si je pleurais, elle pleurait aussi, solidaire de cette pauvre enfant à bout de nerf qui, enfin, donnait libre cours à son chagrin.

Si j'étais gentille, elle me regardait avec les larmes aux yeux en songeant avec commisération aux efforts désespérés qu'elle me croyait obligée de déployer pour obtenir plus d'amour.

Si j'étais vilaine, elle me disait « Vas-y mon bébé, défoule-toi ! Tu as le droit de te mettre en colère. Frappe, cogne, mords ! Sois méchante si tu le veux car la vie est méchante parfois, même pour les petits enfants. »

Elle ne me parlait jamais d'eux – « les salauds » comme je l'avais entendue les nommer une fois à son amie madame Rieux – en mal.

Elle n'aurait jamais osé même me suggérer de considérer mes parents comme indignes de leurs fonctions et de leurs devoirs envers moi. Mais sa façon d'agir, avec son amour et sa tendresse teintés de compassion, les désignait bien plus sûrement que si le mot avait été prononcé : coupables !

Ma mère était coupable de m'avoir expulsée de son corps et de sa vie du même coup.

Mon père était coupable d'avoir tranché le cordon de nos relations plutôt que celui de mon ombilic.

Dans l'esprit de Malou ils avaient fait de moi une sorte d'enfant amoindrie, une handicapée de la vie.

Et à force de trop de condescendance dans cet amour exclusif qu'elle me vouait, à force de trop de silences imposés à la rancœur hurlante et vociférante de ses sentiments, elle avait fini par me faire prendre conscience de cela.

Ma différence, mon infériorité, ma plaie.

J'avais vécu dans l'insouciance, le bonheur très simple de vivre avec ma grandmère. Elle. Moi. Quoi de mieux et de plus normal ?

J'avais vécu en sachant que j'avais des parents vivants, mais peu disponibles.

Que je les verrais quelquefois et que ces fois-là, je me devais, en bonne petite fille, de leur témoigner autre chose que ce désintéressement poli que je ne me forçais même pas à adopter en leur présence.

Et c'était fini. La meilleure des personnes m'avait inculqué sans le vouloir les pires intentions.

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Extrait ajouté par Bibounine 2023-10-28T09:58:47+02:00

DIANE

1

Edmée et Paul sont morts et enterrés.

Et je n'ai pas assisté aux funérailles.

Ni à celles de Paul il y a deux mois, ni à celles d'Edmée la semaine dernière.

Pourquoi l'aurais-je fait ?

Mes chers parents n'ont jamais daigné m'inclure dans leur vie, alors pour quelle raison me serais-je abaissée à leur rendre cet ultime hommage qu'à mes yeux ils ne méritaient pas ?

Je n'ai pas honte.

Je n'ai pas de remords.

Je ne leur devais rien, voilà tout !

Cette indifférence avouée, clamée même, me vaudrait sans doute l'opprobre de tous, mais ça m'est bien égal. Quelques-uns pourraient me traiter de « sans cœur » ou de « fille indigne ». J'accepterais les reproches. Je les voudrais. Je les réclamerais.

Oui si j'en avais eu la possibilité, j'aurais laissé crever mes parents sans avoir le plus petit désir de les aider, de les assister.

Non, je n'aurais pas eu le moindre sursaut d'humanité envers ces deux êtres qui m'ont donné la vie.

Insultez-moi, incriminez-moi. Cela me rend forte, cela me renforce.

La puissance de mon insensibilité se nourrira du mal dont vous pourriez m'accuser.

Je ne les aimais pas. Je ne les détestais pas non plus. La haine est un sentiment bien trop fort. Et j'ai toujours mis un point d'honneur à ne jamais inclure la moindre ardeur, même négative, dans les rapports que je n'entretenais pas avec

Paul et Edmée.

Mon mépris – car je pense ne leur avoir jamais voué que cela – est constant.

Il est né il y a de cela de longues années. Il n'a ni grandi, ni diminué. Il s'est simplement installé plus profondément en moi.

Il est presque devenu palpable, un peu comme un fœtus bien présent, bien vivant, qui refuserait la délivrance pour se lover indéfiniment au creux de mon corps, au creux de mon esprit.

Parfois, la nuit, je m'éveillais d'un bond, le souffle court, le cœur affolé. Je m'étais vue en rêve, face à mes parents !

« Paul, Edmée, me voilà ! Je vous pardonne tout. Repartons de zéro. Essayons de nous aimer. »

C'était mon pire cauchemar.

J'avais capitulé. J'avais cédé à un reste d'amour filial. Je m'étais humiliée.

Les journées succédant à ces terribles nuits, étaient pleines d'angoisse. J'en venais à imaginer que mes terreurs se réaliseraient. Qu'un jour ou l'autre, pleine d'une nouvelle et stupide bonne volonté, j'irais ramper aux pieds de mes chers ennemis, leur réclamant cette tendresse qu'ils n'ont jamais pu, ou jamais voulu me prodiguer.

C'est pour cela qu'aujourd'hui, tout le mal que l'on pourrait dire de moi ne me toucherait pas. Je l'apprécierais au contraire car il serait la preuve de ma persistance.

À la mort de mes parents, j'ai été libérée de ma peur la plus tenace : la peur des regrets. Quand Paul a disparu, je n'ai rien ressenti, et quand Edmée l'a rejoint, dévorée par le manque, un immense soulagement s'est emparé de moi, me plongeant dans une agréable et savoureuse plénitude.

Je connais le cimetière où ils reposent et en fermant les yeux, je peux deviner leurs deux corps ensevelis, leurs deux corps réunis à nouveau et ce, pour l'éternité.

La mort a créé entre eux ce lien indestructible auquel ils aspiraient tant et je suis intimement persuadée que leur bonheur se trouve là. Un bonheur violent, agressif, prêt à sauter au visage de toute personne susceptible de venir fleurir ce tombeau.

Ils avaient baptisé leur maison l’Éden. Mais leur véritable Éden, leur seul paradis se trouve, je le sens, sous cette terre où ils pourrissent ensemble.

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