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Pendant une pause du match de basket Heat vs Pistons, le commentateur signale au public la présence d'une célébrité dans les gradins du stade American Airlines :
- Mesdames et messieurs, Jon Roberts de Miami, l'authentique cocaïne cowboy, est parmi nous ce soir !
Les écrans géants sont envahis par des images de l'intéressé, la soixantaine sportive, les cheveux argentés peignés en arrière, le visage inexpressif. Ne se sachant pas filmé, il regarde droit devant lui; ses yeux enfoncés lui donnent un air de prédateur. Ses voisins se lèvent pour le prendre en photo avec leurs téléphones portables. En se voyant sur les écrans, Roberts esquisse un sourire affligé, genre «OK, vous m'avez piégé», et enlace son fils de huit ans assis à ses côtés. Julian incline la tête contre 1 épaule de son père, la relevant de temps en temps pour sourire tandis que les flashs crépitent. Son père est la plus grande star du stade !
Il y a une quinzaine d'années, Jon Roberts était un fugitif désigné par les autorités comme le principal contact du cartel de Medellin aux États-Unis ; inculpé pour l'importation de milliards de dollars de cocaïne, on voyait sa tronche sur les affiches WANTED de tous les bureaux de poste. Avec un petit groupe d'associés américains, il avait créé à partir de Miami un véritable «réseau FedEx» du trafic de drogue. Ils utilisaient des aérodromes secrets, des bornes d'écoute pour espionner les communications des garde-côtes, des radiophares sophistiqués pour suivre la cocaïne transportée par bateau : toute une organisation qui avait déjoué la surveillance des autorités américaines pendant près de dix ans. Cet épisode du parcours scandaleux de Roberts, raconté en 2006 dans le documentaire choc Cocaïne Cowboys, illustre la folie du style de vie associé au trafic de coke à Miami dans les années 1980.
Certains éléments clés de l'extraordinaire vie criminelle de Roberts restaient inconnus : son ascension dans un puissant clan de la Mafia new-yorkaise, les meurtres ayant précipité son exil à Miami, son accord secret avec les autorités par l'intermédiaire d'un agent de la CIA... Roberts possédait un atout peu commun chez les tueurs présumés : le charme. Un homme ayant fait affaire avec lui à New York quand il appartenait à la Mafia, et devenu prêtre à la suite de cette expérience, m'a confié :
- Jon était adorable, de très bonne compagnie. Derrière cette apparence, il y avait un type capable du pire. Dr Jekyll et Mr Hyde !
Roberts ne cache pas ce qu'il est ; son honnêteté est mâtinée d'un humour sardonique assez déstabilisant. Avant qu'on se rencontre pour évoquer l'histoire de sa vie, il m'a dit au téléphone :
- Peut-être que je suis un psychopathe. La majeure partie du temps que j'ai passée sur cette terre, je n'ai eu aucun respect pour la vie humaine. C'a été la clé de ma réussite.
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