Extraits

Le regard de Drayton s’intensifia.

— Avec une telle opinion, vous avez dû explorer de nombreux genres. Vous cantonnez-vous aux auteurs britanniques ou lisez-vous également des ouvrages étrangers ?

L’occasion de lui faire comprendre que je n’avais rien perdu de ses critiques était trop belle.

— Ce serait présomptueux de croire que seules les œuvres anglaises présentent un intérêt. J’apprécie la diversité qu’offre la littérature étrangère. J’ai d’ailleurs récemment relu un classique français, La Dame aux Camélias , d’Alexandre Dumas fils. Un roman que, j’en suis certaine, vous connaissez également, Damon.

Pendant une fraction de seconde il me sembla le voir ciller, mais il se reprit rapidement :

— Vous êtes décidément une fine observatrice. En effet, j’ai eu le bonheur de découvrir cet ouvrage lorsque j’étais plus jeune. La manière dont la courtisane réussit à séduire sa proie m’a toujours fasciné. Je pense que cette histoire est intemporelle. De nos jours, il y a beaucoup de femmes prêtes à tout pour mettre le grappin sur un homme riche, tout comme l’était Marguerite Gautier.

— Vous oubliez qu’elle abandonne une vie facile pour Armand et que c’est lui qui finit par l’abandonner.

Non, c’était une plaisanterie, ce n’était pas possible. Je devais mal entendre, il ne pouvait pas être en train de me faire une déclaration ! Pas lui ! Je plongeai dans son regard et mon souffle de bloqua dans ma poitrine. Il semblait vraiment sincère.

Il se pencha sur moi. Surprise par son geste, je ne songeai pas à bouger. Ses lèvres se posèrent sur les miennes pour un baiser léger avant de s’enhardir. Mon cœur accéléra et je m’abandonnai dans ses bras. Je n’avais pas la force de résister. Je n’en avais aucune envie. Il m’enlaça, étroitement alors qu’il continuait à m’embrasser avec fougue. Je perdis pied pour de bon. Je ne savais plus où j’étais. Plus rien ne comptait à part sa bouche sur la mienne. Ses mains caressèrent mon dos et je l’étreignis à mon tour. Ses cheveux soyeux glissèrent sous mes doigts et je sentis son parfum délicatement musqué alors qu’il me pressait conte lui. Une vague de désir monta en moi et je m’accrochai à lui, le cœur battant à tout rompre. Je ne voulais pas que ça s’arrête. Jamais.

- Je croyais que vous n’aimiez pas danser.

- Vraiment ? s’étonna Drayton. Au contraire, j’adore ça.

Je pris brusquement conscience de la chaleur de sa main contre mon dos et je déglutis.

- Vous savez qu’il est parfois appréciable de discuter avec son partenaire ?

Je sentis ses doigts s’affermir autour des miens tandis qu’il me faisait à nouveau tourner avant de me ramener contre son torse.

- De quoi souhaitez-vous que nous parlions Cassandra ?

Je ne répondis tout d’abord pas, en vérité, j’éprouvais de plus en plus de peine à penser à autre chose qu’à son corps contre le mien. Je me forçai à reprendre mes esprits et lui souris.

Je m’apprêtai à répondre lorsque Moira me devança.

— Assez parlé travail ! J’ai envie de m’amuser ce soir, allons rejoindre les autres pour danser.

Tout en parlant, elle posa sa main sur le bras de Drayton mais il secoua la tête de gauche à droite.

— Je passe mon tour.

Sans plus de cérémonie, il se tourna à nouveau vers son ami et le visage de Moira se contracta. Je ne savais pas lequel des deux je plaignais le plus : Moira dont les efforts pour attirer son attention étaient inutiles ou Drayton qui en déployait tout autant pour lui échapper élégamment.

Une odeur appétissante flottait dans la maison lorsque nous y entrâmes et, tandis que Britt s’installait confortablement dans le canapé, Maman remercia, avec beaucoup d’effusion, Matthew et Moira du soin qu’ils avaient pris de ma sœur pendant sa brève hospitalisation. Tandis que sa sœur détaillait d’un air dédaigneux le petit salon dans lequel nous nous étions entassés, Matthew assura qu’il avait tenu compagnie à Britt avec plaisir et qu’il regrettait simplement que ce ne se soit pas produit dans de meilleures circonstances.

Brittany accueillit ces paroles avec un sourire radieux et leurs yeux se croisèrent brièvement tandis qu’il s’efforçait de répondre aux questions de notre mère. Il fut rapidement décidé que Matthew et Moira resteraient dîner.

Les Lorley furent au centre des conversations les jours qui suivirent le cocktail et tout le monde y alla de son avis. Matthew était jugé charmant, sentiment que je partageais, et plus abordable que ce à quoi nous nous attendions pour un chef d’entreprise. Nikki ne tarissait pas d’éloges sur sa sœur, Moira, qui lui avait fait une grande impression. Quant à Drayton, le sentiment général était qu’il s’était montré particulièrement hautain et désagréable. Malgré l’avalanche de critiques à son égard, je m’abstins de révéler le bref échange que nous avions eu. Ce dernier avait assez écorné mon orgueil pour que je n’aie envie de l’entendre commenter. Se voir qualifiée de « godiche » n’était pas spécialement glorifiant !

Comme chaque fois qu’elle n’était pas au centre des conversations, notre cadette était contrariée. Seulement, on ne pouvait pas raisonnablement attendre d’elle qu’elle séduise un homme de plus de dix ans son aîné. Maman, pour une fois, concentrait donc ses efforts sur Brittany, même si cette dernière se serait sans doute bien passée de ses conseils.

Comme à chaque fois que j’ouvrais ce livre, je ne pus m’empêcher de songer à la justesse des premiers mots de l’auteure. Si Jane Austen avait vécu à notre époque, elle aurait sans doute commencé son roman par une mise en garde à l’intention du célibataire riche et célèbre, proie d’élection des starlettes qui s’étalaient dans les téléréalités ou les journaux que ma mère dévorait à longueur de journée.

Justement quand on parlait de Maman…

J'avais rarement vu un homme aussi séduisant.

Il avait les cheveux très sombres et son visage aux traits bien dessinés suffisait à le faire remarquer, mais, plus que le reste, ce furent ses yeux qui retinrent mon regard; de couleur claire, j'imaginai qu'ils étaient bleus. Quel dommage qu'il affiche une mine aussi renfrognée ! Je me demandai qui il était ... Un frère ? Non, l'article publié dans le journal ne mentionnait qu'une soeur, peut-être était-il son fiancé ? Je me penchai à l'oreille d'Emily. Elle, qui était toujours au courant de tout serait sûrement capable de me renseigner