Extraits

♂

« Allons faire un tour à la plage ! » dis-je à mon amie. C’est le midi d’une journée éclatante agrémentée par une légère brise. La mer ondulée de vagues lèche nos pieds tandis que nous nous dirigeons vers la réserve naturelle.

— On se tient par la main ?

— Si tu veux.

Comme je serre délicatement sa menotte, nos épaules se rapprochent, nos hanches se frôlent.

— J’ai eu longtemps envie de ce contact, il me fait du bien, sans compter la fierté d’accompagner une jeune femme aussi splendide que toi.

Le contraste est fort, même si je suis svelte et plutôt bien conservé. Elle est d’une beauté à mettre simplement les hommes à genou, sans coquetterie. Son esprit n’est pas en reste, logique mais d’un naturel inventif.

Je lui montre l’écriteau indiquant le début de la plage naturiste. Sauf quelques rares adeptes, nous sommes seuls.

— Cela ne te gêne pas qu’on se dénude ?

— Je t’ai déjà vu à poil, mon vieux.

— Oui mais ce n’est pas réciproque.

— Bon, je consens à ce que tu te rinces l’œil.

Elle me détaille quand j’enlève mon slip de bain puis, me gratifiant d’un franc sourire, ôte son bikini et se jette dans mes bras. Peau contre peau, mon cœur bat plus fort, j’adore le parfum de sa chevelure, la tête me tourne, je bande subitement.

— Halte-là ! s’exclame-t-elle en s’écartant doucement. Continuons à marcher, veux-tu ?

Mon regard se perd dans le sien avant que le décor ne reprenne sa place. Alors que nous longeons le rivage, je laisse ma main sur sa hanche.

— J’aime aussi être près de toi comme cela, dit-elle en m’enlaçant de son bras. Dis-moi, est-ce que tu as des fantasmes, à part moi bien sûr ?

— Pourquoi ? Voudrais-tu me parler d’un de tes secrets ?

— Raconte-moi plutôt les tiens aujourd’hui !

Il y a dans la situation quelque chose d’irréel. La caresse de la brise, l’immensité marine, cet univers minéral baigné d’une lumière éclatante, la tendre sensualité de mon amie. Je ne réfléchis plus.

— Le conte que je m’apprête à te narrer risque de te choquer.

— Relax, je t’écoute, m’aiguillonne-t-elle en effleurant mes fesses.

♀

Je me sens bien dans ma peau, chaude et lisse, caressée par la brise légère. Confortablement installée sur la terrasse de la villa, je contemple le reflet de la pleine lune illuminer la crête des vagues d’une irréelle blancheur. La silhouette mélancolique d’un homme se profile sur le rivage immobile. Je récapitule mentalement les derniers événements. En acceptant l’invitation de mon ami, je ne prévoyais pas une aventure de vacances mais un repos bien mérité. Et en effet, je suis ravie par sa courtoisie et la facilité avec laquelle nous organisons nos journées. Un peu grisée par le vin rosé accompagnant le dîner de ce soir – salade verte, olives, thon rouge poêlé – je suis prise par un sentiment bienvenu de liberté qui tranche avec la fatigue que m’inspirent généralement les hommes. Je me saisis du pourpre de la cartagène, la porte à mes lèvres, laisse sa douceur couler en moi, mais je m’étouffe malencontreusement en prenant une aspiration pour dire quelque chose d’aimable. Mon ami réprime un rire en me tapotant gentiment le dos.

« Santé ma chère ! » Il lève son verre et nous buvons alors qu’il me couve d’un regard brillant. Je me sens si bien que c’est avec le plus grand des naturels que je débute mon récit.

⛢

Un rayon de soleil pointant entre les persiennes le réveille. Le plus délicatement possible, il s’assoit pour la regarder. Le drap couvre sa hanche, son épaule cuivrée luit légèrement, sa longue chevelure se déploie sur l’oreiller. Il soupire devant tant de beauté avant de se lever à regret pour faire du café. Il règne à cette heure matinale un calme propice à la réflexion. Au-delà de la plage, la mer lisse s’étire jusqu’au scintillement de l’horizon.

Il réalise que cela fera bientôt dix ans que Julie et lui se connaissent. Elle terminait ses études lorsqu’ils ont été amenés à collaborer à un travail de recherche en biologie. En tant que méthodologue, il a apprécié la clarté de sa démarche et la vivacité de son esprit. Ils ont pris l’habitude de se retrouver pour le pot de fin de journée, parfois avec des amis mais aussi en tête à tête. Au fil du temps, la sympathie s’est enrichie de confiance pour se transformer en amitié. Et quand elle a ouvert son cabinet de médecine, il a tout naturellement demandé à être son patient.

La villa qu’il possède l’accueille chaque fois qu’il a du temps libre, le plus souvent en solitaire. Il n’avait pas de visée érotique en invitant Julie, du moins pas explicitement. Cela s’est fait d’instinct, la sensualité de la nature, l’absence de lien amoureux ayant sans doute contribué à ce rapprochement. Entre temps, les fictions qu’ils se sont racontées les animent à tel point qu’elles sont devenues comme une seconde réalité.