Extraits

Quand je sortis de la salle de bains, Alex se tenait juste en face de moi, nu, regardant New-York qui s’étalait à ses pieds.

- Es-tu un exhibitionniste ? lui lançai-je.

Il se retourna pour me regarder.

- Peut-être…

Quand il vit mes yeux remplis de larmes, il accourut vers moi et me serra dans ses bras.

- Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-il. Tu as l’air bouleversée.

- Vraiment ?

- Oui.

- Alors, il ne faut vraiment pas se fier aux apparences…

Il secoua la tête pendant que j’essayai en vain de me reprendre.

- Jennifer, qu’est-ce qui ne va pas ?

- Rien ne va pas…

- Alors pourquoi pleures-tu ?

Quand je levai le test de grossesse devant ses yeux, il me regarda puis le fixa, éberlué.

- Je suis enceinte, lui dis-je en larmes. Je suis enfin enceinte !

Il prit le test de mes mains, le regarda un long moment en silence, puis me regarda avec un immense sourire sur le visage.

- Tu es enceinte ?

- Apparemment…

- Je n’arrive pas à y croire…

- Eh bien tu peux y croire, lui dis-je tandis qu’il me tirait vers lui et m’embrassait. Je suis finalement enceinte ! Nous allons avoir un enfant. Maintenant, refais-moi l’amour Alex… comme si c’était notre première fois !

- Merci d’avoir répondu au téléphone. Je me doute que ça doit être la folie là-bas, mais j’étais morte d’inquiétude, il fallait que je t’appelle. Je ne sais que dire sinon que je vous aime tous les deux !

- Nous aussi, nous t’aimons, répondis-je à celle qui était devenue comme la mère qui m’avait toujours fait défaut. Mais je dois te dire autre chose, Barbara.

- Oui, quoi ?

- La vie est trop courte. Je l’ai appris à mes dépends trop de fois. Alors, réfléchis très sérieusement à ta situation avec Marcus. Ne détruits pas ta vie par peur d’être déçue. Ce serait de la lâcheté de ta part, non ? Et tu n’es pas  lâche ! Donne une chance à Marcus. Si ce n’est que pour moi, donne-toi une chance aussi ! Sois la battante que tu vois en moi, et bats-toi pour ton propre bonheur.

Pendant un instant, Blackwell resta silencieuse.

- Tu es là ? demandai-je.

- Oui, répondit-elle d’une voix étranglée.

- Ça va ?

- C’est juste que c’était à la une de tous les journaux, mais sans aucune précision ni sur le nom des victimes, ni sur le déroulement des faits…

Elle s’arrêta.

- Nous sommes là, Barbara, dis-je.

- Merci mon Dieu !

L’émotion dans sa voix était sincère et profonde.

- On va bien, repris-je.

- Depuis que Tank m’a appelée, j’étais morte d’inquiétude. Je ne suis pas encore prête à dire adieu à qui que ce soit, surtout pas à Alex et toi ! Pas si vite… Pas si vite… Vous avez à peine commencé à vivre vos vies ! Je n’ai pas encore eu de petits-enfants de vous, ce qui va arriver. Tu verras, je sais que tu as des doutes, Jennifer, mais tu verras… Mais comment est-ce possible que vous soyez toujours des cibles pour certains ! Ça suffit, nom d’un chien !

- Jennifer, ma main !

C’était Alex. Il avait attendu le bon moment pour agir, pour me sauver.

Je lui attrapai la main et sentis le devant de ma robe se déchirer tandis qu’Alex me tirait loin de Rowe qui se tenait à mon jupon de sa main libre.

Ainsi exposée aux yeux de tous, je mis mes bras autour de ma poitrine mise à nue, avant de trébucher tandis qu’Alex se lançait sur Rowe et commençait à l’assener de coups de poing.

Il allait le tuer. J’en étais sûre. Ses coups étaient si intenses, hors de contrôle, que je savais que mon mari était dans un état second, un état qui me garderait protégée de Rowe à jamais.

- Debout ! hurla Alex en attrapant la veste de Rowe, tandis que la circulation sur Park ralentissait. Debout ! Bouge-toi !

Alex le balança contre le mur de la fondation.

- Tu penses que tu peux tuer ma femme, fils de pute ? La femme qui signifie tout pour moi ? Tu penses que tu peux juste revenir dans cette ville et tuer des gens sans aucune conséquence ? Tu penses vraiment que tu peux t’en sortir ? Eh bien, apprends une chose, salopard : tu ne peux pas !

Alors qu’Alex levait son poing sur Rowe et était sur point de l’abattre, j’entendis un crack derrière moi et vis la tête de Rowe exploser.

Couvert de sang et de morceaux de chair, Alex recula, décontenancé. Rowe fut pris de convulsions avant de tomber sur le côté, se figer et s’immobiliser. Mort.

Rowe se remit à parler, interrompant ma réflexion.

- Pour que vous le sachiez tous, voici comment je gère la trahison. J’ai fait tuer Meredith, j’ai massacré tous ces gens chez les  Witherhouses et j’ai tué Diana Crane et Mike Fine au passage. Aujourd’hui, j’ai tué Janice Jones. Et maintenant, tout sera fini avec celle-là, hurla-t-il en me serrant un peu plus contre lui. Tu m’entends, Alex ? Tout sera fini avec la mort de ta petite femme adorée !

La foule laissa échapper un petit cri quand il me souleva soudainement et me tira plus loin d’eux. Je me débattis. J’écrasai mon talon contre lui, l’entendis rire tandis qu’il écartait son pied, puis je me figeai quand il me murmura à l’oreille « À bientôt en enfer, salope. »

À ce moment-là, même si ma mort me paraissait imminente et inéluctable, mon instinct de survie reprit le dessus. Je me dis que je n’allais sûrement pas le laisser faire sans me battre !

- Alex, comment pourrais-je un jour être en colère contre toi ? Tu as fait exactement ce que tu devais faire. Je suis tellement fière de toi ! Et je suis ravie que Rudman et toi m’ayez fait la surprise de cette nouvelle. Je suis encore sous le choc, mais de façon positive. Je t’aime tellement ! Alors merci pour cette belle surprise ! Merci pour ces trois dernières années ! J’ai toujours l’impression d’être sur la lune avec toi, tu sais ?

- C’est vrai ?

- J’espère que tu peux le sentir.

- Je le sens. Parfois, c’est juste que je n’arrive pas à y croire.

- Pourquoi ?

Il fit une pause avant de poursuivre. J’avais l’impression qu’il était proche d’une limite qu’il ne voulait pas franchir, mais qu’il se sentait paradoxalement comme obligé de le faire.

- Parce que j’ai déjà été marié auparavant, répondit-il. Diana est morte dans un accident de voiture, mais bien avant que cela n’arrive, notre couple était déjà mort. Tu le sais. Et je ne veux pas que cela nous arrive. Je veux que nous vieillissions ensemble, Jennifer. Je veux toujours être ton premier amour, le premier homme avec lequel tu as fait l’amour et celui que tu aimeras toujours. Mais je ne suis pas naïf, je sais que le mariage n’est pas toujours quelque chose de simple, même si tout semble bizarrement facile avec toi. Contrairement à ce que j’ai vécu avec Diana. Ce qui me fait penser que tu es ma véritable âme sœur… J’espère que tu sens que je suis la tienne également, que tu sais que je le suis. Tu es l’amour de ma vie, Jennifer. Tu es tout ce que j’avais espéré, tout ce que je pensais ne jamais pouvoir trouver et qui est là, aujourd’hui, finalement,…

- Ne me fais pas pleurer !

Il me serra encore plus fort contre lui.

- Ce n’était pas mon intention.

- Mais c’est ce qui va se passer, répondis-je en clignant des yeux. Je pris une grande inspiration avant de lui caresser la nuque. Je le regardai dans les yeux. Je ne crois pas que tu sauras jamais à quel point tu comptes pour moi.

- Je ressens la même chose. J’essaye de te le montrer, mais j’ai toujours l’impression de ne pas y arriver.

- Depuis quand tu n’y arrives pas ? Regarde-nous. Tout le monde nous observe et semble nous envier, pour une bonne raison. Parce que tout comme Tank et Lisa, et j’espère Epifania et Rudman un jour, nous avons trouvé dans l’autre ce que beaucoup ne trouveront jamais. Une véritable âme-sœur. L’amour qui dépasse tout.

Il y a des années, Cutter ne m’aurait jamais parlé de façon aussi personnelle, mais après ce que nous avions traversé sur l’île, une grande partie de cette barrière était tombée. Et nous étions juste amis à présent.

- Ça va ? demanda-t-il.

J’hésitai à lui parler de ma rencontre fortuite avec Janice avant de la partager avec mon mari.

- Ça va, répondis-je. Ce qui vient de se passer était quelque chose… mais je crois que j’ai géré aussi bien que faire se peut. Je ne vais pas t’embêter avec ça, mais dès que j’en aurai parlé à Alex, je te le ferai savoir, OK ?

- D’accord.

- Tu sais, je ne pense pas que tu saches à quel point tu comptes pour un grand nombre d’entre nous. Ne dis rien. Je suis tellement heureuse que tu ailles bien et que tu sois en vie et dans une relation qui semble promise à un bel avenir. Tout come Tank, tu es devenu mon autre frère. Je voulais que tu le saches. En silence, Cutter continua à conduire, mais quand nos regards se croisèrent de nouveau dans le rétroviseur, je sus qu’il ressentait la même chose que moi.

- D’accord. La vérité, c’est qu’il y a trois ans de cela, nous sommes entrées dans ma vieille guimbarde, Gretta the Jetta et on a quitté le Maine pour venir ici faire quelque chose de nos vies. On peut dire qu’on a réussi au moins ça ! Mais nos vies ne peuvent pas juste être nos carrières, Jennifer. Ce n’est pas possible. Il faut qu’on prenne le temps pour nous de nouveau, et nous le ferons.

- Eh bien, c’est fait. Et je vais juste te dire un dernier mot à ce sujet parce que je ne veux pas te mettre plus la pression. Lisa, tu dois savoir que la vie n’est pas éternelle. J’ai découvert ça récemment, quand Alex et moi avons failli être abattus par ces terroristes qui ont tué et blessé nombreux de nos amis ainsi que des gens que nous ne connaissions pas. Écoute-moi, veux-tu finir tes jours en regrettant de ne pas avoir épousé Tank à cause de ce que ses parents pensent de toi ? Allons, sois sérieuse ! La vie est courte. Après ce qui s’est passé l’autre fois, je peux te le dire de façon certaine. Alors, tu dois te foutre de ce que ses parents pensent. Ce qui importe, c’est ton bonheur et celui de Tank. Le fait qu’il ait essayé de te pousser à l’épouser après votre Noël avec eux veut tout dire. Il se fout de ce qu’ils pensent, et tu devrais suivre son exemple. Réfléchis-y sérieusement.

- Je te l’ai déjà dit plusieurs fois, mais je ne pense pas que tu réalises à quel point je suis heureuse qu’Alex et toi ayez survécu à cette soirée. Je ne sais pas ce que je ferais sans vous dans ma vie. Vous faites partie de ma famille maintenant !

- Et toi, Daniella et Alexa êtes notre famille.

- Famille… c’est drôle le sens que cela prend en vieillissant, n’est-ce pas ? Le cercle se réduit. Les personnes qui t’entourent prennent une importance inattendue. Les liens de sang ne font pas une famille. Il fut un temps, je pensais que c’était le cas, mais plus maintenant. Ma famille est composée de mes filles, Alex et toi, Lisa et Tank, et Cutter. Maintenant, viens me faire la bise, dit-elle en se levant de son bureau.

Je posai mon café et l’embrassai.

- Je t’aime, Barbara. Merci d’être ma mère de substitution, ma matrice de remplacement.