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Extrait

Chapitre premier

C'était la Saint-Patrick et je portais un seul truc vert - un badge qui annonçait : « Pincez-moi et vous êtes mort. »

La veille au soir, je m'étais pointée au boulot avec un chemisier vert, mais un poulet me l'avait bousillé. Parfaitement : un poulet. Larry Kirkland, apprenti réanimateur de zombies, avait laissé tomber le volatile décapité, qui avait esquissé la danse du poulet sans tête, nous aspergeant tous les deux de son sang. J'avais réussi à rattraper la bestiole, mais mon chemisier était irrécupérable. Comme le reste de ma tenue.

J'avais couru chez moi me changer. Par bonheur, ma veste de tailleur anthracite était dans la voiture. Je l'avais enfilée par-dessus un chemisier noir, une jupe noire, un collant noir et des escarpins noirs. Bert, mon patron, n'aime pas qu'on porte du noir au boulot. Mais si je devais retourner à l'agence à 7 heures du matin sans avoir dormi, il faudrait bien qu'il s'en accommode.

Penchée sur une chope de café aussi noir que possible, j'observais une série d'agrandissements photographiques brillants étalés sur mon bureau. Sur le premier figurait une colline éventrée, probablement par un bulldozer. Une main squelettique jaillissait de la terre nue. Le cliché suivant montrait que quelqu'un avait tenté de nettoyer soigneusement la terre, révélant un cercueil défoncé, avec des os sur le côté. Un nouveau corps. Le bulldozer était revenu. Il avait fouillé la terre rouge et mis au jour un champ d'ossements qui pointaient hors du sol telles des fleurs éparses.

Un crâne où une mèche de cheveux pâle s'accrochait encore ouvrait ses mâchoires sur un cri silencieux. Le tissu sombre et souillé qui enveloppait le cadavre semblait être un vestige de robe. Je repérai au moins trois fémurs à proximité. À moins que cette femme ait eu une jambe de plus que la normale, nous avions affaire à un véritable puzzle.

Les photos étaient de bonne qualité, donc vaguement répugnantes. Grâce à la couleur, on distinguait plus facilement les corps les uns des autres. Mais pourquoi avoir choisi de les développer en brillant plutôt qu'en mat ? On eût dit des clichés de morgue pris par un photographe de mode. Il existait sûrement à New York une galerie d'art contemporain capable d'exposer ces trucs et de servir du vin et du fromage pendant que les visiteurs hocheraient la tête en déclarant : « Puissant, très puissant. »

Oui, ils étaient puissants. Et infiniment tristes.

Il n'y avait que ces photos. Pas la moindre explication. Bert m'avait ordonné de passer dans son bureau après les avoir examinées. Il me raconterait tout, avait-il promis. Ouais, bien sûr. Et le Lapin de Pâques est un de mes meilleurs amis.

Je ramassai les clichés, les fourrai dans leur enveloppe, pris ma chope de café et avançai vers la porte.

Il n'y avait personne à l'accueil. Craig était rentré chez lui, et Mary, notre secrétaire de jour, n'arrive jamais avant 8 heures. Que Bert m'ait convoquée alors que nous étions seuls à l'agence me préoccupait un peu. Pourquoi tant de mystère ?

La porte était grande ouverte. Assis derrière son bureau, mon patron buvait du café en feuilletant des documents. Il leva les yeux vers moi, sourit et me fit signe d'approcher. Son sourire m'inquiéta encore plus que le reste. Bert ne prend jamais la peine de se montrer aimable, à moins d'avoir quelque chose à demander. Quelque chose qui ne sera pas plaisant, en général.

Les revers de sa veste de costard à mille dollars encadraient une chemise blanche et une cravate ton sur ton. Ses yeux gris pétillaient de bonne humeur. Pas une mince affaire, vu qu'ils ont la couleur d'une vitre sale. Il avait dû passer chez le coiffeur récemment. Ses cheveux d'un blond très clair étaient coupés si court que je voyais son crâne.

— Assieds-toi, Anita.

Je jetai l'enveloppe sur son bureau et obéis.

— Que mijotes-tu encore, Bert ?

Son sourire s'élargit. D'habitude, il le réserve aux clients. Il ne le gaspille pas avec ses employés, et surtout pas avec la plus têtue : moi.

— Tu as regardé les photos ?

— Ouais, et alors ?

— Tu crois pouvoir réanimer ces gens ?

Je fronçai les sourcils et bus une gorgée de café.

— De quand datent-ils ?

— Tu n'arrives pas à le deviner ?

Je risquerais une estimation si je les avais sous le nez, mais pas d'après des photos.

— Réponds à ma question.

— Environ deux siècles.

— Les réanimateurs ne pourraient pas relever des zombies aussi vieux sans un sacrifice humain.

— Mais toi, tu en es capable, dit calmement Bert.

— C'est vrai. Je n'ai pas vu de pierres tombales sur les photos. Tu as des noms ?

— Pourquoi ?

Je secouai la tête.

— Voilà cinq ans que tu diriges cette agence. Comment peux-tu être aussi ignare en matière de réanimation ?

Le sourire de Bert se flétrit.

— Pourquoi as-tu besoin de noms ?

— Pour appeler les zombies.

— Sans ça, tu ne peux pas les relever ?

— Théoriquement, non.

— Mais en pratique, oui.

Je n'aimais pas sa belle assurance.

— Je ne suis pas la seule dans ce cas. John...

— Les clients ne veulent pas de John, coupa Bert.

Je finis mon café.

— Qui sont-ils ?

— Beadle, Beadle, Stirling et Lowenstein.

— Un cabinet d'avocats ?

Bert hocha la tête.

— Assez joué ! m'impatientai-je. Dis-moi de quoi il retourne.

— Beadle, Beadle, Stirling et Lowenstein sont spécialisés dans le droit commercial. Ils travaillent pour un promoteur qui veut construire un complexe hôtelier ultra haut de gamme dans les montagnes, près de Branson. Quelque chose de très chic. Un endroit où les gens riches et célèbres qui n'ont pas de maison dans les parages iront pour échapper à la foule. Il y a des millions de dollars en jeu.

— Quel rapport avec ce vieux cimetière ?

— Deux familles se disputaient la propriété du terrain à bâtir. Le tribunal a donné raison aux Kelly, qui ont reçu une grosse somme d'argent. Les Bouvier disaient que le terrain était à eux, et qu'il abritait le cimetière de leurs ancêtres. Mais jusque-là, personne n'avait réussi à le retrouver.

— Jusque-là, répétai-je.

— Les bulldozers ont bien mis au jour un ancien cimetière, mais qui n'était pas nécessairement celui de la famille Bouvier.

— Du coup, ils veulent relever les morts pour leur demander leur nom ?

— Exactement, dit Bert.

Je haussai les épaules.

— Je peux réanimer deux ou trois corps pas trop esquintés pour les interroger. Que se passera-t-il si ce sont bien des Bouvier ?

— Il faudra que le promoteur achète le terrain une seconde fois. On suppose qu'une partie des corps seulement appartiennent à des Bouvier. Voilà pourquoi il faudra tous les relever.

— J'espère que tu plaisantes ! lançai-je.

Bert secoua la tête avec une grimace satisfaite.

— Alors, tu peux le faire ?

— Je ne sais pas trop... Repasse-moi les photos.

Je posai ma chope sur le bureau pour examiner les clichés une nouvelle fois.

— Un vrai bordel..., gémis-je. Une fosse commune. Les bulldozers ont mélangé tous les os. Je connais un seul cas où un réanimateur a relevé un zombie d'une fosse commune. Mais c'était une personne spécifique, avec un nom. Dans le cas présent, ça risque de ne pas être possible.

— Pourrais-tu au moins essayer ? insista Bert.

J'étalai les photos sur le bureau et les étudiai. La moitié supérieure d'un crâne était retournée comme un bol. Deux phalanges attachées par un morceau de peau desséchée gisaient à côté. Des ossements partout, mais pas un seul nom...

Pouvais-je le faire ? Honnêtement, je n'en savais rien. Étais-je prête à essayer ?

— Oui, soupirai-je.

— Merveilleux ! jubila Bert.

— Mais même si je réussis, en comptant quatre ou cinq zombies par nuit, il me faudra des semaines pour venir à bout de ce cimetière. Ça irait plus vite avec l'aide de John.

— Un retard pareil coûterait des millions de plus au promoteur ! Lança Bert.

—Il n'y a pas d'autre moyen.

— Le mois dernier, tu as relevé toute la famille Davidson d'un coup, même l'arrière-grand-père qui n'intéressait personne.

— C'était un accident, ils voulaient réanimer trois membres de leur famille. J'ai pensé leur faire économiser de l'argent en procédant en une seule fois. Tu sais combien j'aime frimer.

— Peu importe. Tu as relevé dix personnes alors qu'on t'en demandait trois.

— Où veux-tu en venir ?

— Tu pourrais faire la même chose avec les occupants de ce cimetière...

— En une seule nuit ? Tu es cinglé !

— Tu peux réussir ça, oui ou non ?

J'ouvris la bouche pour répondre « non », mais je la refermai sans rien dire. Il m'était déjà arrivé de réanimer un cimetière entier d'un coup. Tous les cadavres n'étaient pas aussi vieux, mais certains l'étaient encore plus - dans les trois siècles à vue de nez. Et je les avais tous relevés. Évidemment, je disposais du pouvoir conféré par deux sacrifices humains. Comment m'étais-je retrouvée avec deux personnes agonisantes dans un cercle de pouvoir ? Une longue histoire de légitime défense... Mais la magie s'en moque. Pour elle, une mort est une mort.

Pouvais-je le faire ?

— Je n'en sais rien, Bert.

— Ce n'est pas un « non », constata mon patron.

— Ces avocats t'ont offert un paquet de fric ?

— Nous avons répondu à un appel d'offres.

— Je te demande pardon ?

— Ces photos ont été envoyées à notre agence, à la Compagnie de Résurrection Californienne et à l'Élan Vital de La Nouvelle-Orléans.

Élan Vital. J'ai toujours trouvé que ce nom évoquait un salon de beauté, mais on ne me demande jamais mon avis.

— Si je comprends bien, le tarif le plus bas l'emporte ?

— C'était l'idée de départ, approuva Bert avec un sourire étincelant.

— Je sens qu'il y a un « mais... », marmonnai-je.

— Dans le pays, combien y a-t-il de réanimateurs capables de relever des zombies aussi vieux sans recourir à un sacrifice humain ? Non, inutile de me répondre. Il y a toi, John et Phillipa Freestone de la CRC.

— Probablement. Et alors ?

— Phillipa pourrait-elle agir sans un nom ?

— Je n'en sais rien. Peut-être. John en serait capable, lui.

— Mais l'un d'eux pourrait-il relever des zombies à partir d'ossements mélangés ? Je ne te parle pas de ceux qui sont dans des cercueils.

— Comment veux-tu que je le sache ?

— Et l'un ou l'autre aurait-il une chance de réanimer tout le cimetière ? enchaîna Bert.

— Ça t'amuse ?

— Contente-toi de me répondre, Anita.

— Je sais que John n'y arriverait pas. Et comme je pense que Phillipa n'est pas aussi bonne que lui... Non, ils n'auraient pas la moindre chance.

— Donc, je vais faire monter les enchères, conclut triomphalement Bert.

— Monter les enchères ?

— Personne ne peut le faire. À part toi. Ils ont essayé de traiter ça comme un problème ordinaire. Mais aucune autre agence ne pourra proposer ses services, quel que soit le tarif.

— Probablement pas.

— CQFD, fit Bert. Voilà pourquoi je vais vider leur compte bancaire.

Je secouai la tête.

— Tu es vraiment un fils de pute cupide.

— N'oublie pas que tu toucheras un pourcentage.

— Je n'oublie pas. (Nous nous défiâmes du regard par-dessus son bureau.) Et si je n'arrive pas à les relever tous en une seule nuit ?

— Du moment que tu finis par tous les relever quand même...

— À ta place, j'éviterais de dépenser l'argent avant que j'aie terminé. Maintenant, je rentre me coucher.

— Ils attendent mon offre ce matin. S'ils acceptent nos conditions, un hélicoptère te conduira sur les lieux.

— Un hélicoptère ? Tu sais que je déteste voler.

— Pour une somme pareille, force-toi !

— Génial...

— Tiens-toi prête à partir.

— N'abuse pas trop, Bert.

Arrivée devant la porte, j'hésitai.

— Laisse-moi emmener Larry.

— Pourquoi ? Si John ne peut pas le faire, comment veux-tu qu'un simple apprenti y arrive ?

Je haussai les épaules.

— Il y a des façons de combiner le pouvoir, pendant une réanimation. Si je ne réussis pas seule, j'aurai peut-être besoin de renforts.

Bert se mordilla pensivement la lèvre inférieure.

— Alors, pourquoi ne pas plutôt emmener John ?

— Il faudrait qu'il accepte de me donner son pouvoir. Tu te vois en train de lui dire que les clients ne veulent pas de lui ? Que tu as proposé ses services, et qu'ils ont insisté pour m'avoir ?

— Non, admit Bert.

— C'est pour ça que tu m'as convoquée à cette heure, compris-je. Pour ne pas avoir de témoins.

— Le temps presse, Anita.

— Bien sûr. Mais la vérité, c'est que tu ne voulais pas affronter M. John Burke et lui avouer qu'un client important m'avait encore préférée à lui.

Bert baissa les yeux vers ses grosses mains, croisées sur le bureau. Quand il releva la tête, son expression était très sérieuse.

— John est presque aussi bon que toi, Anita. Je ne veux pas le perdre.

— Tu crois qu'il démissionnerait pour ça ?

— Sa fierté en a pris un sacré coup depuis qu'il bosse pour cette agence.

— Elle est si grosse qu'elle fait un excellent punching-ball...

— C'est ta faute... Si tu l'asticotais un peu moins...

Je haussai les épaules. Je ne voulais pas avoir l'air mesquin, mais c'était lui qui avait commencé. Nous avions essayé de sortir ensemble, et John ne supportait pas que je sois son alter ego féminin.

— Rectification : il ne supportait pas que je sois son alter ego en plus fort.

— Tâche de tenir ta langue, Anita. Larry n'est pas encore prêt à bosser seul et nous avons besoin de John.

— Je tiens toujours ma langue, Bert. Crois-moi, je suis loin de dire tout ce que je pense.

Il soupira.

— Si tu ne me faisais pas gagner autant de fric, il y a un bail que j'aurais mis un terme à ton contrat.

— Idem pour moi.

Cela résumait à merveille notre relation. Nous ne nous appréciions pas, mais notre professionnalisme nous permettait de traiter des affaires ensemble. Vive la libre entreprise.

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