Extraits

« — Eh bien, quelle belle journée pour ton mariage, Anne, fit Diana en passant un volumineux tablier sur sa robe de soie. Tu n’en aurais pas eu une plus belle si tu l’avais commandée chez Eaton.

— En vérité, beaucoup trop d’argent sort de cette Île pour aller au même Eaton, déclara Mme Lynde d’un ton indigné. Elle avait ses idées sur les magasins à rayons tentaculaires et ne perdait jamais une occasion de les faire savoir.

— Et quant à leurs catalogues, c’est à présent devenu la Bible des filles d’Avonlea, si vous voulez mon avis. Elles se plongent dedans le dimanche au lieu d’étudier les Saintes Écritures.

— Mon Dieu, ils amusent merveilleusement les enfants, fit remarquer Diana. Fred et la petite Anne peuvent passer des heures à regarder les images.

— J’ai amusé dix enfants sans l’aide du catalogue d’Eaton, objecta sévèrement Mme Rachel.

— Allez, vous deux, vous n’allez pas vous quereller à propos du catalogue d’Eaton, dit gaiement Anne. C’est mon grand jour, vous savez. Je suis si heureuse que je veux que tout le monde jouisse du même bonheur. »

- Reine Anne... ma Reine Anne... reine de mon cœur, de ma vie et de ma maison.

À cet instant, elle tendit sa main vers lui, leurs regards se croisèrent et leurs doutes furent balayés par une merveilleuse certitude. Ils étaient faits l'un pour l'autre ; et, quoi que la vie leur réserve, rien ne pourrait jamais altérer ce fait. Chacun d'eux tenait entre ses mains le bonheur de l'autre, et ils ne craignaient rien.

Anne tient à Gilbert à peu près ce discours sur le chemin du retour.

" Pourquoi n'essaierais-tu pas , Anne ?"

Elle secoua la tête.

" Non. J'aimerais tant en être capable. Mais ce n'est pas dans les cordes de mon don. Tu connais mon point fort, Gilbert : le fantaisiste, le féerique, le mignon. Pour écrire le livre du Capitaine Jim comme il devrait l'être, il faudrait quelqu'un qui soit virtuose d'un style vigoureux et pourtant subtil, un fin psychologue, un humoriste et un tragédien né. une rare combinaison de talents est nécessaire. Paul pourrait le faire, s'il était plus âgé. D'ailleurs, je vais lui demander de venir, l'été prochain, pour rencontrer le Capitaine Jim".

Le jardin s'était empli de l'atmosphère humide et parfumée d'un soir de printemps maritime. Il y avait une brume laiteuse à la lisière de la mer qu'une jeune lune embrassait, et une félicité d'étoiles argentées au-dessus de Glen. La cloche de l'église, de l'autre côté du port, sonnait avec une douceur rêveuse. Le tendre tintement dérivait dans le crépuscule pour se mêler au subtil gémissement printanier de la mer.

La splendeur de couleurs qui avait rayonné pendant des semaines le long des rivages de la baie s'était estompée en ce délicat gris-bleu des collines d'une fin d'automne. Vinrent alors de nombreux jours où les champs et les rives s'effacèrent sous une pluie brumeuse et frissonnèrent sous le souffle d'un vent marin mélancolique - il y eut également des nuits d'orage et de tempête durant lesquelles Anne se réveillait parfois pour prier qu'aucun navire ne dérive vers la morne grève au nord, car si cela arrivait, même le grand et fidèle phare balayant sans peur l'obscurité ne pourrait les guider vers un havre protecteur.

"(...) C'est terrifiant de n'avoir rien à aimer. La vie est si vide, et il n'y a rien de pire que le vide... et j'aurais pu tant aimer."

- Ne sois pas amère, Anne adorée. Tu sais que tu ne trouves pas ça désuet... Tu sais que tu as toi-même exactement la même opinion sur le caractère sacré d'assumer ses responsabilités. Et tu as raison. Se défiler face à ses responsabilités, c'est la malédiction de nos vies modernes : le secret de tous les conflits et de toutes les insatisfactions qui bouillonnent dans le monde.

"C'est pas ce que je veux. Je sais comment vous vous sentez, Dame Blythe...exactement comme j'me sens moi-même. Mais c'est pas nos sentiments qui doivent tenir la barre dans la vie...non, non, sinon on ferait naufrage sacrément souvent. Y a qu'une boussole qu'est fiable, et c'est d'après elle qu'on doit établir notre cap : ce qu'y a de plus juste à faire. Je suis d'accord avec le docteur. Si Spoiler(cliquez pour révéler)Dick a une chance, Leslie devrait le savoir. Y a pas deux camps dans cette affaire, à mon avis.

– J’imagine que vous êtes en faveur du droit de vote pour les femmes, Mademoiselle Cornelia, dit Gilbert.

– Oh, je ne cours pas après le droit de vote, croyez-moi, dit Mademoiselle Cornelia avec dédain. Je sais déjà ce que c’est que de nettoyer après les hommes. Mais un de ces jours, quand ils se rendront compte qu’ils ont mis le monde dans un bazar dont ils ne sont plus capables de se sortir, ils seront bien contents de nous donner le droit de voter et de se décharger de leurs problèmes. Voilà leur plan. Oh, heureusement que les femmes sont patientes, croyez-moi !