Les blessures anciennes sont peut-être les pires de toutes puisqu'elles massacrent le bonheur présent quand on s'y attend le moins.

La foule a applaudi. Les caméras ont tourné sur leurs pieds. Hannah m'a pris la main, et nous sommes entrés dans la lumière.

Le cœur sait toujours ce que l'esprit refuse d'accepter.

L'absence ne chasse pas les sentiments, pas plus qu'elle ne les attise.

Quoi que la vie nous réserve, elle est triste parce qu'elle doit se terminer.

Son carnet de notes était ouvert.

- Tu as commencé autre chose ?
- Mm.
- C'est quoi ?
- Notre histoire, a répondu Matt.

Il m'a scrutée, la tête inclinée sur le côté.

- Notre histoire ? ai-je répété, intriguée.

J'avais du mal à accepter celle du "Substitut". Comment pourrais-je accepter que Matt nous fasse virer à la tragédie ?

- C'est une histoire d'amour, Hannah.
- Comment ça se termine ?

Soudain, il a pris un air impénétrable.
Il a remonté ma jupe et m'a soulevée. J'ai enroulé mes jambes autour de sa taille.

- Il n'y a pas de fin, a-t-il dit en me portant hors du bureau.

Pour lui, ma perte était une présence...

... un trou dans sa vie qu'il lui était impossible de combler. C'était terminé, mais la fin était impossible puisqu'il ne pouvait pas oublier. Elle allait devenir tout ce vide. Cela lui apportait quelque réconfort.

Rien ne dure éternellement, et rien ne se termine vraiment.

J'avais de la chance.
Et j'étais malheureux.

J'avais besoin d'elle parce que je l'aimais - ou je l'aimais parce que j'avais besoin d'elle.

La plus petite séparation renvoie à un au revoir plus vaste.

J'allais le retrouver parce que je l'aimais, et que rien n'arrête l'amour.

Il était là parce qu'il était absent.

Je ne dirais pas que mon chagrin s'est atténué. Je dirais plutôt qu'il m'est devenu familier.

Dawn était ce dangereux battement de cœur, celui qu'on ne contrôle pas, celui qui nous rend nerveux et nous fait faire les choses les plus invraisemblables. Dawn était mon battement durant des années, elle était ce souvenir qui hantait, cette rage qui m'habitait, cette injustice que j'avais subie. Elle alimentait ma colère envers les autres, et me permettait de rester celui que j'étais, pour survivre dans ce monde, où seul le "mal" prend de l'ampleur.

Et lorsqu'elle est revenue, elle a tout chamboulé, elle est devenue cet autre dangereux battement, celui qui nous prouve que quoi qu'il se passe, c'est bien l'amour qui vous porte. Qu'importent les erreurs, qu'importent le passé et le caractère de chacun, c'est plus fort que tout.

- Oui, je te ferais du mal, parce que c'est ce qu'on sait mieux se faire l'un l'autre. Tu crois que ces douze ans loin de toi sachant que j'aurais pu t'avoir dès notre première nuit ne m'ont pas fait du mal ? Tu crois que te savoir malheureuse par ma faute, n'a pas blessé une partie de mon être ? Je ne pourrais pas te promettre de ne plus jamais te faire de mal, c'est impossible, parce que mon côté complètement allumé va aimer te mettre à bout, et il aimera encore plus le fait de devoir remuer ciel et terre pour se faire pardonner... Duck, regarde-moi, écoute ce que je t'ai dit...

Elle respirait vite, par à-coups. Fixait une espèce de zone centrale sur mon visage, pas tout à fait mes yeux.

- Des menaces, dit-elle en secouant la tête. C'est comme ça que je t'ai élevée ?
- Non, répondis-je avec froideur. C'est comme ça que JE me suis élevée.

- Loin de moi l'idée de jouer la carte de mon grand âge, je te le jure. Mais il y a une chose en laquelle je crois. Il faut aimer les choses et les gens quand on a la chance qu'ils soient là, les aimer passionnément, sans réserve, même si tu sais qu'un jour viendra où tu les perdras.

- Je ne sais pas... Je toussotai pour retrouver ma voix. Pourquoi ne lui demande-t-il pas de rester ? Il l'aime encore...

- Voilà pourquoi. Il la laisse partir parce qu'il l'aime.

- [...] Je veux te garder. Je veux continuer, et ne jamais te laisser m'échapper.

[...]

- Mais tu ne peux pas, répondis-je, tentant d'adoucir l'intensité du moment. Tu le sais... On ne peut pas retenir une étoile filante.

- Et si tu te trompais ? dis-je une fois à Wesley. Si la production de dopamine ne faiblissait jamais ? Si ça continuait de couler et couler jusqu'à...

Jusqu'à quoi ? Qu'y avait-il après ? Je pensai à Maman, gisant sur le sol du salon.

Plus vous en prenez, plus vous en avez besoin. Et vous en prendrez encore et encore jusqu'à l'overdose.

Pourquoi la beauté germe-t-elle dans la souffrance ?

Chris m'affronte enfin et je n'arrive pas bien à décrypter l'expression qu'il affiche.

- Je veux que tu m'abandonnes, Kate.
- Mais pourquoi ?

Un sanglot étranglé crache ces mots hors de mes lèvres.

- Parce que je t'aime.

C'est trop pour moi et les larmes reprennent leur impitoyable assaut pour déborder, inonder, rouler sur mes joues. Chris ne bouge pas ; on dirait qu'il a été pétrifié par Méduse elle-même.

Je suis là, à un mètre de lui. Chris Farwink, l'homme que j'aime de tout mon cœur, de toute mon âme.

- Je ne veux pas t'abandonner, Chris.

Une sombre tristesse envahit l'éclat de ses prunelles grises.

- Pourquoi ?

Un pauvre sourire étire ma bouche humide de mes larmes.

- Parce que je t'aime.