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— Vous avez entendu parler du meurtre ?
— Bien sûr ! On ne parle plus que de ça au village.
— Y en a qui dise que c’est le diable.
— Peuh ! Des sornettes !
— Mais… Et si c’était vrai ?
— L’pauvre gars a été saigné à mort. Égorgé, écorché ! Y s’est vidé d’son sang. Ça ruisselait sur les marches de la citerne de la Porte de Vézelay. J’l’ai vu, c’est moi qu’ai ramassé l’cadavre. Le diable, y peut pas faire ça. C’est une bête, j’vous dis, un chien errant !
— C’est qui le mort, d’ailleurs ?
— Y en a qui dise que c’est un comédien. Y serait arrivé hier avec sa troupe.
Les joueurs discutaillent ferme, oubliant d’abattre leurs cartes tant la découverte du matin a été terrifiante. Des hurlements avaient retenti cette nuit, cloîtrant les habitants chez eux, tremblant et priant, sous leurs draps. Au matin, ils comprirent. Ils avaient retrouvé le comédien à moitié dévoré. Les femmes s’étaient évanouies à la vue de la cervelle étalée et des corbeaux picorant les petits bouts de chair éparpillée. Les chiens flairaient et lapaient le sang sous les cris outrés de leurs maîtres. Les enfants regardaient la scène en grimaçant. On avait enlevé le cadavre. Maintenant, on spécule, on accuse, on se méfie.
— C’est un loup-garou, interrompt la petite fille.
Un joueur se tourne vers elle.
— T’as fini de dire des bêtises ?
— Même qu’il est blanc, poursuit la petite fille avant de s’en retourner jouer avec ses figurines.
« Un jeu d’enfants », de Clémence Chanel
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