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Ils pensent tous que je vais échouer. On a bien le droit d’échouer. De tenter seulement de faire un peu de lumière et des ombres, comme la lampe dans l’escalier, et de s’éteindre ensuite sans bruit.
Afficher en entierTes frères, Antigone, sont maintenant plus en paix que nous, ils n'ont plus à défendre leur vie.
Afficher en entierje ne connais rien d'autre que vivre
Afficher en entier[...] je ne pourrai pas te protéger, tu ne veux pas l'être. T'aider peut-être, un peu.
Afficher en entierŒdipe, un jour, s’est brusquement tourné vers moi et a dit : « Tu n’as jamais été sur la mer, Antigone, et pourtant tu es un vrai marin. Sans voiles, sans gouvernail, voici des années que tu navigues, sans chavirer, dans ton aveuglement, mes vertiges, la folie de Clios et la mienne. » Je retrouve en moi cet instant de bonheur sur la route invisible où nous ne cessions de nous perdre.
Afficher en entierLes jumeaux s'enfoncent dans le crime, c'est vrai, mais ils y entrent avec amour, avec haine, avec une sauvage grandeur. Le crime aussi est une route sur laquelle on peut marcher. On ne sait pas où mène cette route, mais comment pourrais-tu la nier, comment pourrais-tu condamner les criminels, toi, qui leur as été envoyée ? Pourquoi à eux ? On l'ignore, c'est ce qui est écrit jusqu'ici dans ta vie. Le sort des jumeaux est trop dur, bien trop vaste pour toi, tu ne peux rien pour eux. Rien que les aimer tels qu'ils sont.
Afficher en entierJe ne refuse pas les lois de la cité, ce sont des lois pour les vivants, elles ne peuvent s'imposer aux morts. Pour ceux-ci, il existe une autre loi qui est inscrite dans le corps des femmes. Tout nos corps, ceux des vivants et ceux des morts, sont nés un jour d'une femme, ils ont été portés, soignés, et chéris par elle. Une intime certitude assure aux femmes que ces corps, lorsque la vie les quitte, ont droits aux honneurs funèbres et à entrer à la foi dans l'oubli et l'infini respect.
Afficher en entierPuisque tu le veux, Antigone, je parle, je parle, et tu te tais. Pourtant nous parlons puisque je me saisis de ton silence et parviens parfois à lui donner un sens. Je parle, je vais, je viens, je tourne autour de toi, je me fâche, j’éclate de rire tandis que toi, assise devant ton établi, tu regardes sans fin ce que pour te faire sortir de tes gonds, j’appelle tes bûches. Qui ne sont plus des bûches depuis que Main d’or les a fait devenir de superbes disques, bombés couleur de miel où l’on peut croire que l’image, obstinément royale, de notre mère va surgir.
Afficher en entierC'est beau, Antigone. C'est elle et ce sont eux. C'est la beauté de notre mère, non pas comme elle était mais dans leurs regards. Etéocle qui sait qu'il est fasciné, presque aveuglé, et Polynice qui l'est aussi mais qui, enfermé dans sa gloire, l'ignore.
C'est aussi tellement toi, Antigone, cette confiance intarissable dans l'action de la vérité, dont on ne sait si elle est magnifique ou seulement idiote. Crois-tu qu'on peut sans délirer, espérer comme tu fais ? Est-ce que tu penses que les jumeaux te comprendront et que même s'ils te comprennent, cela les fera sortir de leur passions ? J'ai peur de l'esprit d'incendie que je vois dans notre famille. Moi aussi, souvent, je suis folle. Je voulais te dire : Pars, pars vite avec Hémon et je me suis rétractée. Je me rétracte encore en te disant : Ne pars pas, ne m'abandonne pas à Thèbes pour la deuxième fois. Va à la catastrophe avec nous, puisque c'est ce que veut ton courage.
Tes sculptures sont une œuvre d'amour. Elle touchera, elle blessera les jumeaux, elle ne les arrêtera pas. La destruction les fascine comme elle a fasciné un jour notre mère. Est-ce qu'aujourd'hui elle ne te fascine pas, toi aussi ?
Afficher en entierJ’ai dû résister à Créon mais je n’ai pas de haine pour lui. Ce n’est pas pour haïr que je suis née, c’est pour aimer que je me suis autrefois enfuie sur la route et que j’ai suivie Œdipe jusqu’au lieu de sa clairvoyance.
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