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On pourrait à mon sens montrer (et les œuvres de Philip K. Dick nous serviraient de pièces principales) que l’obsession thématique de la SF pour la manipulation à la fois comme phénomène social et comme cauchemar peut être appréhendée comme une projection de la forme de la SF sur son contenu. Cela ne revient pas à nier l’urgence et l’évidence que possède le thème de la manipulation dans le monde où nous vivons, mais seulement à poser qu’il existe une relation privilégiée, une harmonie préétablie entre ce thème et les structures littéraires caractéristiques de la SF. En limitant provisoirement cette généralisation à Croisière sans escale, il me semble que ce n’est pas un hasard si la question sociale fondamentale à l’œuvre dans un livre où l’auteur joue avec son lecteur (changeant constamment d’orientation, déroutant les attentes du lecteur, dévoilant de faux indices génériques, et, plus généralement, utilisant son intrigue officielle comme un prétexte pour manipuler les réactions du lecteur) est celle de la manipulation de l’homme par l’homme. Dans Croisière, nous touchons à l’union de la forme et du contenu à ce point précis où se révèle l’identité fondamentale entre la structure narrative analysée auparavant et le problème politique soulevé par la fin du livre.

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On voudrait seulement rappeler que la « grande littérature » affirmait aussi autrefois de telles visées. Si datée que soit la notion d’hérédité que défendait Zola et si naïve qu’ait pu être sa fascination pour la description par Claude Bernard de la recherche expérimentale, le concept naturaliste du roman expérimental constituait précisément, à l’aube de l’émergence du modernisme, une réaffirmation de la fonction cognitive de la littérature. Le fait que cette assertion ait désormais perdu toute crédibilité montre simplement que l’environnement qui est le nôtre – le système total du capitalisme monopoliste tardif et de la société de consommation – nous paraît si immuable et sa réification si étouffante et impénétrable, que l’artiste sérieux n’est plus libre de le bricoler ni d’en imaginer des variations expérimentales. Les opportunités historiques offertes à la SF en tant que forme littéraire sont intimement liées à cette paralysie de la « grande littérature ». Le caractère officiellement « non sérieux » ou populaire de la SF constitue un élément indispensable de sa capacité à relâcher ce tyrannique « principe de réalité » qui censure, donc handicape le grand art, et de ce fait à permettre à la forme paralittéraire d’hériter de la vocation à nous offrir des visions alternatives d’un monde qui a partout ailleurs paru résister au changement, fût-il imaginaire.

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Car l’apparent réalisme, l’apparente représentationnalité de la SF, dissimule depuis toujours une structure temporelle bien plus complexe : il ne s’agit pas de nous donner des « images » du futur – quelle que soit la signification de telles images pour un lecteur qui, de toute façon, mourra avant qu’elles ne « se réalisent » –, mais de défamiliariser et de restructurer l’expérience que nous avons de notre présent, et ce sur un mode très spécifique, distinct de toute autre forme de défamiliarisation. Des grands empires intergalactiques d’un Asimov, de la Terre, dévastée et stérile, des romans post-catastrophiques d’un John Wyndham, au futur proche des banques d’organes et des mineurs de l’espace d’un Larry Niven, en passant par les conapts, autofabs, ou psycho-valises de l’univers de Philip K. Dick, toutes ces représentations apparemment pleines s’inscrivent dans un processus de distraction et de déplacement, de refoulement et de renouvellement latéral de la perception, dont on trouve des équivalents dans d’autres formes de la culture contemporaine.

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L’idée selon laquelle, dans le conservatisme croissant des années Reagan, la SF s’est rabattue sur des centres d’intérêt plus scientifiques (ou, mieux, que dans une dissociation de la sensibilité à la Eliot, ses énergies se sont divisées entre d’une part ce retour à la science, et d’autre part une reddition à la production à multiples tomes de la fantasy), cette idée paraît assez plausible, mais il serait indiqué de la nuancer. Je pense en effet que la fascination actuelle pour la science dure est tout aussi sociologique qu’épistémologique, notamment du fait de l’énorme récupération, aux États-Unis, de la science dure par les secteurs des affaires et de la défense. Cela signifie que, si nous avons un intérêt pour la science contemporaine, alors nous ne nous intéressons pas seulement aux théories mais aussi à la mécanique de l’expérimentation – aux procédures d’attribution de subventions, au lobbying grâce auquel les équipements nécessaires (des télescopes géants aux coûteux accélérateurs de particules) trouvent leurs sources de financement. Ce qui nous conduit enfin à  un intérêt pour la psychologie des nouveaux scientifiques qui ont, peut-être depuis « La double hélice », commencé à supplanter les artistes traditionnels comme déguisements caractérologiques et expressions déformées de la représentation de ce que pourrait être un travail utopique non aliéné. Mais à l’évidence, au moment où nous commençons à nous intéresser à l’activité scientifique comme question de collectif ou de corporation, en termes de professionnalisme, de dispositions et d’aptitudes psychologiques socialement déterminées – en d’autres termes, à la science yuppie, si je puis m’exprimer ainsi –, à ce moment, nous ne sommes pas loin de la réapparition convulsive de la politique générale.

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Voyez la capacité qu’avait Dick de traiter l’histoire. La société de consommation, la société des médias, la « société du spectacle », le capitalisme tardif – peu importe le nom que l’on donne à ce moment – se caractérise par la perte du sens de l’histoire, non seulement du passé mais aussi des futurs. Cette incapacité à imaginer la différence historique – ce que Marcuse appelait l’ « atrophie de l’imagination utopique » – constitue un symptôme pathologique du capitalisme tardif bien plus significatif que le « narcissisme ». L’ « art de nostalgie », d’ « American Graffiti » aux romans (du reste excellents) d’E.L. Doctorow, témoigne non d’un intérêt pour le passé, mais plutôt de sa transformation en une série de purs stéréotypes. Quant aux vieilles leçons de la théorie et de la pratique révolutionnaires, elles sont souvent – même elles – viciées par la nostalgie historique (« Reds » est aussi un film de nostalgie historique, hélas !).

On conçoit généralement la science-fiction comme la tentative d’imaginer des futurs inimaginables. Mais au fond, son sujet n’est peut-être autre que notre propre présent historique. L’avenir des romans de Dick rend notre présent historique en le transformant en passé d’un futur de fantasme, ainsi dans les passages les plus électrisants de ses livres.

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À mon sens, c’est la manière dont ces faits et découvertes scientifiques sont présentés qui possède la plus grande pertinence : ils sont ici mis en scène comme données et comme matériaux bruts destinés à résoudre des problèmes, plutôt que comme éléments abstraits et contemplatifs d’une épistémologie ou d’une image scientifique du monde. Non seulement les « problèmes » – les crises, les dilemmes, les catastrophes – ont une plus grande portée dramatique que les questions de science théorique qui classiquement restent sans réponse ; mais potentiellement, ils libèrent un type d’imagination très différent, et suscitent un ensemble de propositions et de solutions bien plus folles […].

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