Arrêt cardiaque providentiel

Ce n’est pas la première fois que les Américains cherchent

à l’éliminer, mais il a toujours réussi à s’en sortir indemne. Ses partisans, dont le cheikh fait partie, attribuent son aubaine à la protection de Dieu.

Malheureusement, beaucoup d’innocents sont morts au cours de ces tentatives, comme la famille de Farouk dont il est le seul survivant.

Depuis ce traumatisme, sa vie a changé. Il a vécu seul, triste et renfermé sur lui-même. Par chance, le cheikh Ibrahim s’est occupé de lui. Le chef Abdel

Rahman s’est également montré généreux envers lui : fini l’élevage des chèvres !

Il ira à l’école, et dans quelques années, il rejoindra son oncle paternel en

France. Mais il n’a pas trouvé le repos pour autant. Le cauchemar de la journée fatidique le hantait sans cesse, et la voix du cheikh, à qui il rendait visite chaque

été, continuait à résonner dans ses oreilles : « N’oublie jamais, jeune Farouk : ce sont les Américains qui ont sauvagement massacré ta famille et détruit ton pays.

Un jour, tu auras ta revanche… »

Ces souvenirs défilaient encore dans sa tête lorsqu’il sentit une main tapoter son épaule. Il sursauta. C’était l’hôtesse de l’air.

— Réveillez-vous, monsieur, et attachez votre ceinture. Nous commençons notre descente sur Boston.

Rapidement, Farouk redressa son siège. Il voyageait en classe affaires dans un avion d’Air France. Il se sentait calme et serein, malgré le rêve douloureux qu’il venait de faire. Après des années d’attente, l’heure de la revanche avait sonné.

Il avait sans doute un peu hésité avant de prendre l’avion à Paris… Ce n’était pas parce qu’il avait eu peur… Au contraire, la mort n’était rien pour lui. Il avait cependant, préféré une attaque plus ciblée sans victimes collatérales. Il n’était pas d’accord avec l’idée que tous les Occidentaux sont mauvais. Les Français avaient été gentils avec lui, et grâce à la « République » dont il avait appris certaines valeurs, il avait réussi de belles études et avait obtenu un bon travail.

D’ailleurs, pour un court laps de temps, il avait cherché à s’intégrer en changeant de nom et avait choisi « Victor Jourdan ». Mais l’image de ses parents morts, et l’endoctrinement continu du cheikh, à qui il devait beaucoup, le ramenaient toujours au passé. Victor Jourdan, alias Farouk, était très reconnaissant envers ceux qui l’avaient aidé : le cheikh, le chef Abdel Rahman, tué quelques années auparavant, et l’organisation… Ils lui avaient sans cesse répété que sa réussite en

France était « de la poudre aux yeux », et qu’il devait accomplir son devoir, quel qu’en soit le prix. Il s’était donc décidé. Ne l’avait-il d’ailleurs pas juré sur la tombe de sa mère ce funeste jour qui avait bouleversé sa vie ?