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(…) d'avoir eu le temps de penser que les histoires de cul sont préférables aux histoires d'amour mais que parfois on n'a pas le choix.
Afficher en entierJe découvre que l'absence a une consistance. Peut-être celle des eaux sombres d'un fleuve, on jurerait du pétrole, en tout cas un liquide gluant, qui salit, dans lequel on se débattrait, se noierait. Ou alors une épaisseur, celle de la nuit, un espace indéfini, où l'on ne possède pas de repères, où l'on pourrait se cogner, où l'on cher je une lumière, simplement une lueur, quelque chose à quoi se raccrocher, quelque chose pour nous guider. Mais l'absence, c'est d'abord, évidemment, le silence, ce silence enveloppant, qui appuie sur les épaules, dans lequel on sursaute dès que se fait entendre un bruit imprévu, non identifiable, ou la rumeur du dehors.
Afficher en entierJe ne cherche pas une diversion, ni une façon de calmer la douleur, je ne cherche pas davantage une alternative, non, vraiment, je cède à la facilité, c'est tout.
Afficher en entierAujourd'hui, quand je croise des enfants sur cette plage, quand je les vois courir dans les dunes, ou s'allonger sur la pierre chaude du muret qui fait office de digue, je les contemple en souriant. Je me souviens que j'ai été comme eux, dans l'insouciance, la légèreté, le soleil. On ne se défait jamais de son enfance. Surtout quand elle a été heureuse.
Afficher en entierIl dit : votre numéro à vous, c'est quoi ? Non, je vous le demande parce que vous êtes le genre à ne pas appeler.
Afficher en entierLa vérité, la vérité toute nue, c'est que j'étais amoureux. Autant employer les mots précis.
Tout de même, je me suis demandé si cela pouvait être une invention. Vous savez maintenant que j'inventais tout le temps et j'y mettais tant de vraisemblance qu'on finissait par me croire (et il m'arrivait moi-même de ne plus être capable de démêler le vrai du faux). Plus tard, j'en ai fait un métier, je suis devenu romancier. Cette histoire, est-ce que j'aurais pu la fabriquer de toutes pièces ? Est-ce que j'aurais pu transformer une obsession érotique en passion ? Oui, c'est possible.
Afficher en entierJ'ignore qu'un jour, je ferai des livres. C'est une hypothèse qui n'est même pas concevable, qui n'entre aucunement dans le champ des possibles, qui dépasse ma simple imagination. Et si, par extraordinaire, elle devait traverser mon esprit, je l'en chasserais aussitôt. Le fils du directeur d'école, un saltimbanque ? Jamais. Faire des livres, ce ne serait pas une occupation convenable, et surtout ça n'est pas un métier, ça ne rapporte pas d'argent, ça ne procure pas la sécurité, un statut. Il y a aussi que ce n'est pas dans la vraie vie, l'écriture, c'est en dehors ou à côté. Or la vraie vie, il faut s'y frotter, il faut l'empoigner. Non, jamais, mon fils, n'y pense même pas ! Je l'entends de là, mon père.
Afficher en entierPlus tard, j’écrirai sur le manque. Sur la privation insupportable de l’autre. Sur le dénuement provoqué par cette privation ; une pauvreté qui s’abat. J’écrirai sur la tristesse qui ronge, la folie qui menace. Cela deviendra la matrice de mes livres, presque malgré moi. Je me demande quelquefois si j’ai même jamais écrit sur autre chose. Comme si je ne m’étais jamais remis de ça : l’autre devenu inaccessible. Comme si ça occupait tout l’espace mental.
Afficher en entierJe découvre la morsure de l'attente. Parce qu'il y a ce refus de s'avouer vaincu, de croire que c'est sans lendemain, que ça ne se reproduira pas. Je me persuade qu'il accomplira un geste dans ma direction, que c'est impossible autrement, que la mémoire des corps emmêlés vaincra sa résistance. Je me dis que ce n'était pas seulement une histoire de corps, mais de nécessité. Qu'on ne lutte pas contre la nécessité. Ou, si on lutte, elle finit par avoir raison de nous.
Afficher en entierL'écriture peut être un bon moyen pour survivre. Et pour ne pas oublier les disparus. Pour continuer le dialogue avec eux.
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