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— Pourquoi est-il seul ? A demandé Charlotte.
— On est toujours seul, ai-je répondu.
Et, comme so' visage s'était rembruni brusquement :
— Non. Ce n'est pas vrai. La preuve, tu es là, près de moi.
Afficher en entierEt elle a ajouté :
— Je voudrais être forte comme elle.
— Tu l'es, mais tu 'e le sais pas encore.
Le silence est revenu, Charlotte réfléchissant a ce qu'elle ve ait d'entendre. Puis elle a murmuré :
— Je voudrais tant que tu aies raison
— J'ai raison, tu verras. Tu franchiras les obstables, comme elle. D'ailleurs, tu l'as déjà fait.
Afficher en entierC'est à l'instant précis où j'ai démarré qu'une image est venue me frapper brutalement : cette forêt violentée, déchiquetée, meurtrie, jusque dans son cœur, désormais, pour moi, elle aurait le visage de Charlotte.
Afficher en entierIl avait patiemment réalisé cette entreprise, m'apprenant tout du mystère des chênes, des sapins, des hêtres, des charmes, des bouleaux, des douglas, des mélèzes, des pins sylvestres, tous ceux qui poussent sur ces hautes terres, à neuf cent mètres d'altitude, un pays de vent et de neige, où il faut être fort pour survivre.
Chapitre 2
Afficher en entierJ'avais compris que Solange aurait accepté de venir vivre avec moi après la mort de Louise, ma femme, mais je m'y étais refusé. C'eût été trahir celle qui avait partagé ma vie. Une conviction incompréhensible aujourd'hui à tous ceux qui se séparent pour un oui ou pour un non, même dans les campagnes, mais avec laquelle je n'ai jamais songé à transiger. c'est ainsi : la fidélité au-delç de la mort témoigne à mes yeux de la droiture et de la force. celle des arbres comme celles des hommes.
Chapitre 2
Afficher en entierBien des années plus tard, fidèle comme un arbre à la terre qui m'a vu naître, j'ai été incapable d'aller voir ailleurs ce que vivent les hommes. Car je sais, moi, que ce ne sont pas les hommes qui comptent, mais le monde : celui des montagnes, du ciel et des forêts - un monde qui pourrait très bien se passer d'eux. Je sais aussi qu'il a existé avant les hommes, le monde, et il est bien probable qu'il finira sans eux. je ne crois pas qu'il faille s'en désoler : ils lui ont fait assez de tort. c'est peut-être pour cette raison qu'il se venge parfois, comme lors de cette tempête de 1999 qui a jeté par terre des milliers de feuillus et de résineux, fruits d'une grande patience anéantie en quelques heures d'une nuit devenue, hélas, mémorable.
Chapitre 2
Afficher en entierCar le travail dans la forêt est d'une grande violence. Il y faut de la force, de la puissance, peut-être même de la folie. Les chocs sont effrayants, les chutes imprévisibles, les dangers permanents : c'est une bataille de géants. Mais mon père était un géant; il se croyait indestructible, et tout le monde, autour de lui, avait fini par le croire aussi. Moi le premier, qui vivais dans l'adoration de cet homme qui m'enseignait les secrets d'un monde où pénétraient seulement ceux qui étaient capables de le comprendre et de l'apprivoiser.
Chapitre 1
Afficher en entierComment mon père, cet homme si fort, si rude, avait-il pu rencontrer le regard de cette jeune fille dont la position sociale, le caractère et l'effacement auraient dû le séparer irrémédiablement ? Je ne l'ai jamais su. On ne parlait pas de ces choses-là à cette époque, mais probablement les fréquentes veillées entre gens solidaires pour des raisons de survie avaient-elles permis une rencontre qui n'aurait pas été possible ailleurs.
Chapitre 1
Afficher en entierAu contraire de mon père, un colosse d'une force incroyable, ma mère était fine, fragile, craintive, brune, les yeux verts, et je ne savais pas, à ce moment-là, que cette fragilité lui venait essentiellement de la précarité de la vie qu'elle avait menée près de ses parents, petits propriétaires sans cesse menacés par une mauvaise moisson de seigle ou une insuffisante récolte de châtaignes. cette crainte, cette faiblesse dans un milieu hostile, elle l'avait transmise à sa fille Justine -ma soeur- qui lui ressemblait trait pour trait, jusque dans les soupirs et les signes de croix esquissés à la moindre menace.
Chapitre 1
Afficher en entierUne fois de plus, tandis que la voiture disparaissait derrière les cèdres, je me suis demandé si Solange n’avait pas mis la main sur les médicaments que je dissimulais pourtant soigneusement, dans le tiroir de mon bureau fermé à clef.
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