Extraits

Je comprenais mieux, désormais, pourquoi tant de mes interlocuteurs égyptiens manifestaient un attachement passionné à leur pays : ici, le nationalisme était non seulement une émotion acquise dès l'enfance mais aussi une " matière " figurant en bonne place dans le cursus scolaire obligatoire.

Après dîner, Jake a commandé un armagnac qui, vu son prix, devait remonter de la Révolution française. Après avoir vidé le verre d'un trait, il a estimé que la liqueur était "plutôt brûle-gueule, pour le prix".

Les serveurs offraient du champagne à quarante livres sterling la bouteille. A part une poignée d'Anglais, quelques Japonais ensommeillés, un quatuor de costauds australiens et deux ou trois couples français, la majorité des consommateurs étaient des Américains qui ne voyaient aucun inconvénient à confier au premier venu la situation de leur compte en banque ou l'état de leur tuyauterie personnelle.

Quand entre deux mondanités, j'ai mentionné le fait que j'allais bientôt me rendre en Egypte et que je m'étais débrouillé pour me faire inviter sur le Venise-Simplon-Orient-Express tout juste rénové.

Ce commentaire a rendu impossible tout échange supplémentaire entre nous, et tout pourboire. Une fois installé dans l'express de huit heures du matin pour Londres, les yeux sur le cauchemar urbain de Tamsworth et de Milton Keynes, je n'ai pu m'empêcher de penser qu'il aurait été sans doute plus simple de gagner l'Egypte en avion.

J'avais évidemment conscience du fait qu'un voyage de trois mois et quelques à travers le pays ne pourrait probablement pas m'apporter des réponses définitives à toutes ces questions.

Il avait raison, bien sûr. Seulement j'avais déjà fait l'expérience d'un trajet Dublin-Le Caire accompli en quelques heures et, après être passé par le genre de choc culturel qui vous assaille quand vous commencez la journée avec les cours de la viande sur une station irlandaise et que vous la finissez dans les versets du Coran diffusés par la radio cairote.

Si mon intention avait été de mener une étude comparative des divers postes-frontières moyen-orientaux, l'ancien itinéraire terrestre m'aurait parfaitement convenu, mais la configuration géopolitique de la région rendait l'entreprise peu praticable, notamment lorsqu'il s'agissait de faire étape dans une ville comme Tripoli.

J'habitais alors dans le quartier arabe de Dublin. Pour le trouver, rien de plus facile : remontez le périphérique sud, dépassez le club social de la police, la caserne de l'armée et le stade national de la boxe ; juste avant d'arriver à l'usine de cigarettes, vous verrez la seule et unique mosquée d'Irlande à gauche.

La politique est un jeu pour demeurés mentaux.