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Sécurité pour les crétins
Il était quatre heures et demie du matin et Scarlett avait besoin de réponses.
Hélas, les réponses telles qu'elles apparaissent à cette heure sont rarement de la même nature que celles qui apparaissent, disons, à quinze heures vingt, en plein après-midi. À quinze heures vingt, on se demande par exemple : «Qu'est-ce qu'il y a à dîner ce soir ?» ou : «Cette touche de mon portable est-elle coincée ou carrément fichue ?» Autant de questions dont on peut facilement se débarrasser, car elles disparaissent sur-le-champ.
À quatre heures et demie du matin, les questions qui vous hantent sont beaucoup plus difficiles à évacuer. On a beau leur taper dessus avec une pelle pour les enterrer, elles reviennent. «Que comptes-tu faire de ta vie ?» ou encore : «Qui es-tu, au fond ?»
Hamlet, lui, s'y connaissait de ce point de vue-là. «Être ou ne pas être, c'est la question. Est-il plus noble de subir les coups et les traits de l'outrageuse fortune, ou de prendre les armes contre un océan de peines, et, révolté, d'en finir ?»
Autrement dit, pourquoi ne pas abandonner ? À quoi bon ? La vie est dure - et si je cessais de me poser des questions ? Si je m'allongeais et arrêtais tout ? Si je me recroquevillais et mourais ? Scarlett Martin la connaissait par coeur, cette fameuse tirade déprimante, car elle avait assisté à toutes les représentations de la pièce qui s'était jouée pendant quatre semaines chez elle, sans compter les répétitions. Difficile d'échapper à un spectacle quand il a lieu dans votre salle à manger.
Soyons honnêtes. Les questions que se posait en ce moment Scarlett n'étaient pas aussi dramatiques, loin s'en faut. Ni aussi pointues. C'était plutôt une vibration sourde teintée de mauvaise humeur, une espèce de «Mais qu'est-ce qu'il se passe, nom de Dieu ?».
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