Extraits

EXTRAIT :

« Vous voyez ce que je vois ? »

Je ne pouvais voir que cela. Les deux immenses statues assyriennes que nous venions de dépasser se trouvaient là, côte à côte, face à nous, et non plus encastrées dans le mur sur le côté. Incroyable ! Elles étaient en vie, je veux dire faites de chair et d’os. Mon regard alla de leurs griffes, qui raclaient lentement le sol, à leur corps de lion à robe fauve ; au premier abord, j’avais cru qu’ils étaient mi-chevaux tant ils étaient imposants. Leur poitrail se soulevait au rythme d’une respiration bien réelle. Lorsque mes yeux croisèrent ceux de l’une de ces créatures à tête d’homme, je sus qu’ils n’avaient pas pris vie pour taper la discute. Ils affichaient une détermination et une férocité hors norme. Je pouvais presque sentir leur colère flotter dans la pièce. Sur la défensive, j’écartai lentement les bras, prêt cette fois-ci à user de mon pouvoir au moindre geste suspect de leur part.

« Ouais ! Comme si le fait que ces... trucs d’un bon quatre mètres de hauteur n’étaient pas suffisamment menaçants en soi ! »

Les filles, qui filèrent vers les créatures en passant de part et d’autre de moi, ne me laissèrent pas le temps de réfléchir. Elles étaient déjà prêtes à les attaquer.

« Foutues guerrières. On tape d’abord et on réfléchit ensuite ? Et merde ! »

À mon tour, je parcourus la dizaine de mètres qui me séparaient des monstres. Ils déployèrent leurs ailes, me rappelant au passage ce petit détail qui n’allait pas du tout, mais alors pas du tout nous compliquer la tâche pour les vaincre. Fort heureusement pour nous, l’étroitesse de la pièce ne leur permettait pas de s’envoler. Les filles arrivaient déjà sur eux en poussant une sorte de cri de guerre. Nos adversaires ne semblèrent pas intimidées. L’un des monstres s’avança, se tourna sur le côté et hop ! fouetta de son aile tout l’espace devant eux. La furie et l’Amazone auraient dû être touchées par ce coup, mais non. Anthéa se jeta au sol, passant sous l’aile ; Lysandra sauta, y posa un pied, puis fit un bond prodigieux pour, je ne sais comment, réussir à se retrouver sur le dos de l’animal. C’était digne d’un spectacle du Cirque du Soleil ! Surpris, j’avais ralenti sans pour autant m’arrêter totalement. Fort heureusement, me direz-vous, car j’évitai de justesse l’aile que le monstre rabattit brusquement en sens inverse. Je fus moins athlétique que mes coéquipières, me contentant de plonger ventre à terre pour imiter Anthéa ‒ avec beaucoup moins de souplesse, faut bien le reconnaître. Surtout que, emporté par l’élan, je glissai sur le carrelage. J’allais me relever lorsqu’une patte frappa le sol à la droite de ma tête. Je pivotai pour me mettre sur le dos, histoire de me tirer de là comme de voir d’où viendrait la prochaine menace. Brillante idée que voilà : effectivement, je vis très bien la suivante, et surtout de très près. La bête s’apprêtait tranquillement à m’écrabouiller la tronche, là, juste comme ça. Que nenni ! Je roulai vite fait sur la gauche.

« Putain ! Il a cinq pattes ou j’hallucine ? C’est peut-être pour ça qu’ils n’ont pas couru vers n… Aaaah ! »

Cette fois-ci, j’eus le réflexe de lever les mains pour contenir de mon pouvoir la patte griffue à quelques centimètres de mon torse. La pression exercée par l’animal était prodigieuse.