Au service du surnaturel - Saison 2 : Blake, Épisode 7

En m’approchant à grands pas, j’aperçus huit petites statues en file indienne. Les enfants avaient dû être figés en plein jeu, leur expression et posture exprimant la joie et pour certains la peur. Ces derniers avaient dû voir l’attaque des deux gorgones juste avant qu’elles ne les frappent. J’observai ensuite les criminelles. L’une gesticulait en s’en prenant aux armures qui les retenaient prisonnières, l’autre était immobile, les bras croisés. Elle n’était pas pour autant inoffensive. Il suffisait de croiser son regard chargé de haine qui s’attardait principalement sur les parents des enfants. Si elle l’avait voulu, elle aurait pu les statufier également. Les autres convives présents s’étaient judicieusement éloignés. Les deux sœurs gorgones, arrivées la veille, portaient une tenue gothique qui ne faisait qu’intensifier leur apparente dangerosité. Il faut dire que le nid de vipères qu’elles avaient sur la tête faisait déjà un sacré effet. Pour complémenter cette vision cauchemardesque, elles possédaient un teint cadavérique et des yeux métalliques. Au-delà de ça, elles avaient des traits parfaits et une silhouette des plus aguichantes. Comme leur ancêtre, la célèbre Méduse, elles étaient mortelles et l’un de leurs regards pouvait statufier n’importe qui. Cela ne l’avait pas empêché de s’accoupler à quelques hommes afin de créer une nouvelle lignée de surnaturels. Je m’arrêtai en étant suffisamment proche pour attirer leur attention et pour avoir une vue d’ensemble sur les deux groupes. Les sœurs n’étaient pas l’unique menace. Le couple – en particulier la mère des petits – était sur le point de sauter sur celles qui avaient figé leur progéniture.

Jaro me doubla et demanda à cette dernière ce qui s’était passé.

— Ça ne se voit pas ? Ces folles ont...

— Nous avons donné uniquement ce que tout le monde réclamait : le silence, coupa la gorgone vociférante.

— Si c’était vraiment le cas, c’est vous-mêmes que vous auriez dû figer dans la pierre.

Ma remarque me valut un regard de reproche de Jaro, qui reprit sur un ton apaisant :

— Mesdames, pourriez-vous redonner vie aux petits, je vous prie ?

— Pour qu’ils nous torturent à nouveau ? Non merci.

La plus grande et calme des deux gorgones avait parlé en faisant un mouvement de la main pour rejeter sa chevelure en arrière – chevelure faite de vipères. Si leurs ailes avaient disparu le temps de leur présence à l’intérieur du Manor Hotel pour les rendre aussi humaines que possible, en revanche, le sort n’avait eu aucun effet sur les serpents, toujours visibles.

— En quoi vous ont-ils torturés ? les questionna mon ami.

— Ils n’avaient de cesse de psalmodier ce chant humain : « Vive le vent ! ». C’était tout bonnement insoutenable.