Au service secret de la République

Rapidement, Sarkozy me dissuade de jouer les politiques. Il a perçu ma réticence quand il était à Neuilly. Il m’a jaugé. Mon passé d’otage au Liban, ma connaissance du Moyen-Orient, mes réseaux, mes idées de droite, autant de raisons de me destiner à d’autres tâches où mes compétences pourront peser.

Voilà comment, en cinq minutes montre en main, mon destin a basculé sous le seul fait du prince. Signe aussi qu’en France tout est possible, à condition de posséder les bons contacts et les bonnes entrées vers le pouvoir.

Comme prévu, Sarkozy s’est levé pour décrocher son téléphone, signe de son intérêt. Il a échangé quelques mots avec Levitte. Je me souviendrai toujours de ses paroles : « Il faut que Roger soit ambassadeur. Il faut l’aider, c’est quelqu’un que j’aime beaucoup, il partage nos idées. » Il est comme ça, Sarkozy. Direct. Avec lui, c’est blanc ou noir. Ou on plaît, ou on ne plaît pas.

Apparemment, j’ai des atouts pour le séduire. Mais je sens pourtant que, au bout du fil, Levitte est réticent. Les postes d’ambassadeur sont convoités. Voir débarquer un prétendant qui n’est pas issu du sérail diplomatique, de cette haute administration qui se coopte allégrement pour former une caste impénétrable, dérange. La diplomatie, c’est un État dans l’État. Mais Sarkozy est déterminé et, quand il décide, ses conseillers n’ont qu’à se plier à ses volontés. Quelques minutes plus tard, il raccroche son combiné et sourit : « Tu seras ambassadeur. »

J’avoue que, en sortant du bureau, j’ai commencé à voler. Fini la galère, les piges à la petite semaine, les vrais-faux scoops à vendre aux uns et aux autres, le journalisme était derrière moi. Je ne sais plus qui a dit : « le journalisme mène à tout, à condition d’en sortir. » je pense alors à mon statut de diplomate, les ors de la République, les huissiers qui se mettent au garde-à-vous sur votre passage, les voitures avec chauffeur, sans oublier un bon salaire et des avantages multiples pour un boulot qui m’attire vraiment, même si je n’ai pas tout à fait pris conscience du poids de sa charge.