Tous les livres de Antoine Boulet
Les ténèbres de la nuit se dissipaient lentement. Un ciel clair et bleu inondait ce jour où Estellin ne pensait plus à la guerre. Alors que le soleil s’éveillait beaucoup trop tôt, Turondin ouvrit les yeux pour une première fois, embrassant la vie de ses pleurs. Mais le sourire lui vint vite, car il faisait bon vivre en compagnie d’Estellin, son père, et de Cíla, sa mère. Le soleil et la lune se courtisèrent longuement, mais les jours filèrent trop rapidement: la destinée d’Estellin rejaillit bientôt, enflammant à nouveau son devoir de protecteur. Empoignant son épée negligee et revêtant son armure rouillée d’une paix éphémère, son esprit s’engorgea d’honneur et de valeur, mais surtout de témérité et d’insouciance. Estellin partit alors que le soleil déclinait sur cet autre jour lumineux. Turondin s’assombrit de devoir, déjà trop conscient du monde et de ses injustices. Plusieurs diront qu’Estellin venait d’abandonner son fils à son propre sort; certains comprendront qu’il venait en fait de sceller son destin...
Le soleil était soudain vif, l’air, plutôt frais, et le matin, peu entamé. Toutefois, personne ne dormait plus au sein de Cat-l-eau. Turondin, fatigué et désireux d’admirer le présent qui venait de lui être remis, regardait les minaigles disparaître à l’horizon. Sur le chemin de ronde du château, la vue était spectaculaire; elle n’aurait pu être plus belle nulle part ailleurs sur ces terres. Malgré lui, il redouta les nouvelles qui viendraient bientôt du sud. Quelque peu déçu et songeur, il crut vouloir la solitude; c’était absurde, car il savait que la compagnie de ses amis était la chose la plus à même de lui remonter le moral. Alors qu’il se sentait particulièrement las, il entendit son ami s’avancer vers la rambarde. Il se retourna vers lui, lui sourit un moment, puis reporta son regard vers le sud, ses yeux lentement attirés par la mer et le nord; son coeur apaisé se tournait vers l’Éroc...
Turondin releva l’épée émoussée qu’ il venait d’abaisser. Son bras se fatiguait, mais il devait se tenir prêt à combattre ; Amalo le lui ordonnait. Exténué, il para l’attaque de son rival qui s’épuisait tout autant que lui. Il recula légèrement, observa les jambes lentes de son adversaire et se lança à l’attaque. Guidant son intuition, laissant danser son épée, il remporta le duel sous le regard intrigué de son mentor qui sourit en admirant le talent brut de son apprenti ; un talent qui n’avait d’égal que celui d’un jeune homme d’une autre époque...