Emmanuel Quentin

Ici, après un début intriguant, on plonge assez rapidement dans le vif du sujet, les mondes parallèles, quitte à se sentir aussi perdus que Mathias, ce qui ajoute au dépaysement et à la confusion (nouveau lieu, nouvelles règles, nouvelle langue, technologies différentes, et gouvernements... inquiétants). On en apprend plus à mesure qu'avance l'histoire et que progressent les personnages, chacun dans leur enquête respective (en gros : deux "où suis-je" et un "qu'est-ce qu'il se passe"). On a également droit à une grande "pause" dans le récit, indispensable puisqu'elle donne les clés d'un des personnages les plus importants, Dimitri, qui s'avère être le liant entre chaque personnage et aussi celui à l'origine de plusieurs des situations en cours. On comprend alors que les enjeux sont multiples. En vient une conclusion multiple également : tous les personnages ne s'en sortent pas de la même manière, parce que le problème qu'ils avaient à résoudre était finalement différent malgré une base commune. Comme pour Dormeurs, le premier roman d'Emmanuel Quentin, il y a une véritable fin, mais suffisamment ouverte pour laisser au lecteur le soin de combler certains trous et de se faire son propre avis sur certaines éléments laissés en suspens. La vision de l'humanité n'est pas rassurante du tout, plutôt déprimante, mais très réaliste. Pour ne rien gâcher, la magnifique couverture de Pascal Casolari rend hommage à l'ambiance de l'ensemble, qui contient quelques scène mémorables au point de vue visuel.

La collection Chronopages est intéressante et édite des nouvelles à l'unité. Ici, la nouvelle d'Emmanuel Quentin part d'une visite guidée plus ou moins virtuelle vers un "problème" de grande envergure (je n'en dis pas plus). Ce qui est intéressant, c'est qu'on suit cela à travers un personnage, ce qui participe aux interrogations et à la confusion : il n'a pas toutes les réponses, nous non plus. La conclusion est très ouverte, les interprétations possibles aussi, et on peut imaginer la suite avec un degré plus ou moins grand de pessimisme. Ça permet aussi de constater qu'Emmanuel Quentin est aussi doué en format court qu'en roman.

Un autre auteur que je ne connaissais pas et que je découvre avec ce roman. Du thriller, du pur thriller, qui vous fait froid dans le dos et vous réfléchir en même temps. Je suis surprise qu'il n'y ait pas de critique sur BN pour le moment car ce roman vaut d'être découvert ! Daniel est un personnage vraiment troublant, et son histoire est captivante. Ca parle de dérèglement climatique, de nationalisme et transmission de savoir dans un cadre franchement inquiétant, mais on va jusqu'au bout tellement l'action est prenante. On veut savoir ! D'habitude, je suis pas super fan des livres écrit en "je", mais là ça passe tout seul ! Très bonne surprise que ce livre !

Dans Replis, le moins qu'on puisse dire c'est que tout n'est pas rose, au contraire. On est dans des joyeuses nuances de gris foncé au noir charbon. La fin, d'ailleurs, est à l'image du reste, sombre et abrupte. Suffisamment ouverte, elle ne donne pas toutes les réponses, et c'est ça qui me plait, entre autres, chez Emmanuel Quentin.

Concernant les personnage, dès le départ j'ai trouvé Daniel moyennement fréquentable. Assez dur, pas d'empathie, il arrive quand même à avoir notre attention et notre intérêt ; c'est risqué d'avoir un personnage principal qui n'attire pas à 100% la sympathie, mais comme il est le narrateur, on s'intéresse à ce qu'il traverse. C'est assez rare et ça change des personnages un peu trop lisses (dans le genre narrateur peu fréquentable, Benvenuto de Gagner le guerre de Jean-Philippe Jaworski gagne quand même la palme !). Tout le long de la lecture, je suis restée un peu dans le flou, pas très sûre de ce que je ressentais pour lui, avec des zones d'ombres, du coup ça marche bien, car on est intrigué par l'histoire et par le personnage, c'est ce qu'il ne raconte pas qui donne envie de s'y intéresser. Sans compter qu'aucun autre personnage n'est tout blanc ou tout noir non plus.

Je l'ai lu rapidement, il y a ce côté thriller qui fait qu'on a envie d'avancer, et vite. J'ai bien aimé aussi les encarts avec les extraits vidéos et les consignes. Ca donne une bonne idée de l'ambiance générale du monde sans avoir besoin de faire un historique trop lourd (j'aime bien les histoires qui vont droit au but, si l'on peut dire) ; on a pas mal d'exemples glaçants.

Novella qui se lit très vite, et est très intrigante dès le départ. L'ambiance est soignée, on est facilement plongé dedans et le mélange futuriste - enquête est très bien équilibré. Seul bémol (très subjectif) : je n'ai pas trop accroché à la fin, ou plus précisément la résolution. J'ai été surprise, mais pas totalement convaincue, en tout cas ce n'est pas la solution qui me semblait le mieux expliquer les mystères. J'ai préféré les autres livres et nouvelles d'Emmanuel Quentin. Mais ce n'est pas une grosse frustration : cette fin ne me convient pas mais c'est totalement personnel et ça ne gâche pas le plaisir de lecture : c'est toujours aussi bien écrit.

Retrouvez d'autres chroniques sur mon blog : https://lesfantasydamanda.wordpress.com

--- Un dynamisme à double tranchant ? ---

Replis est un roman court qui ne souffre d’aucune longueur. Chaque page est utile, que ce soit pour creuser la personnalité du héros, présenter l’univers post-apocalyptique ou faire avancer l’intrigue. Certes, Emmanuel Quentin aurait pu rajouter des chapitres, tant il y a matière à développer. Néanmoins, il n’était pas dans son intention d’exposer plus en détail les effets du réchauffement climatique, ni même de dispenser un cours sur l’Assimilation, aussi intéressant soit ce concept. Bref, c’est un parti pris que je ne lui reproche absolument pas, mais dont il faut avoir conscience avant de commencer le livre afin d’éviter les déceptions.

Ceci étant dit, un dynamisme poussé à l’extrême n’est pas sans inconvénients, bien qu’il soit ici habilement maîtrisé. En vérité, j’ai parfois éprouvé des difficultés à suivre le fil de l’histoire. Pas l’action en elle-même, rassurez-vous, plutôt les machinations d’envergure qui mettent le personnage principal dans des situations délicates. D’ailleurs, à plusieurs reprises, ce dernier parvient à des conclusions que je n’ai compris qu’à moitié. Ma fatigue y est sûrement pour quelque chose, mais je pense malgré tout que le livre souffre d’un manque d’explications par moments.

--- « Ne croyez pas tout ce que l’on vous raconte » ---

Voilà qui résume bien Replis. En effet, tous les protagonistes sont capables de tromperies et de manipulations pour atteindre leur but. Il n’y a aucune règle, aucune limite. Le héros lui-même ne ressent nulle culpabilité (ou presque) lorsqu’il agit de façon à servir ses intérêts.

De plus, le récit étant écrit à la première personne, il est le seul point de repère du lecteur. Je pensais donc pouvoir me fier à lui, à tort ! Soyez donc certain d’une chose lorsque vous débuterez ce one-shot : tout le monde triche. Mais en quelles circonstances ? C’est là tout l’enjeu de cette intrigue bien ficelée !

Outre les rebondissements liés aux cachotteries de tout un chacun, Emmanuel Quentin n’hésite pas à nous surprendre par des ellipses temporelles inattendues. La première fois que j’y ai été confrontée, j’ai cru qu’il se contentait de régler l’affaire en quelques lignes, ce qui était ô combien frustrant. Mais non ! Je ne l’ai compris que bien plus tard et, comme d’habitude, j’ai adoré me faire berner !

--- Un récit dystopique avant toute chose ---

Replis, c’est un récit dystopique qui se déroule dans un monde post-apocalyptique. Cependant, comme je l’ai dit plus haut, l’écrivain ne fait qu’effleurer les bouleversements climatiques et le contrôle des populations par l’État. Certes, il apporte quelques réponses, mais rien de bien développé. Vous le savez, l’histoire est davantage centrée sur l’action.

Mais, mais, mais… Emmanuel Quentin a glissé divers documents officiels entre les chapitres, nous dévoilant ainsi quelques rouages de la manipulation de masse par les médias. Encore une fois, pas de fioritures, ni de détails inutiles, à l’image de la plume qui se veut très incisive.

Daniel Sagnes, fruit de la cruauté humaine ?

Désabusé, détestable même, ce héros – anti-héros devrais-je dire – ne nourrit plus aucun espoir quant au devenir de l’humanité. Sa seule préoccupation est de vivre de manière confortable les quelques années ou décennies qui lui restent. Voilà un objectif difficilement atteignable dans un monde en ruine !

J’ai apprécié son franc-parler et son cynisme, peut-être un peu moins son langage cru et ses réflexions gratuites. Autant d’éléments, toutefois, qui le rendent humain et donc crédible à mes yeux. Ainsi, si j’ai eu un peu de mal à accepter son égoïsme et sa lâcheté exacerbés par des conditions difficiles, je lui ai volontiers pardonné ses défauts, car il a su porter l’histoire jusqu’à son terme. Et quel terme ! Je ne suis pas près de l’oublier…

L'histoire correspond bien à la quatrième de couverture.

L'auteur donne un aperçu d'un futur qui fait vraiment froid dans le dos, à plusieurs niveaux : écologique, sociétal, diplomatique, politique, idéologique et l'avancée scientifique.

L'auteur a beaucoup d'imagination mais parfois j'aurais bien aimé qu'il approfondisse un peu plus certaines idées que j'ai trouvé vraiment bonnes comme l'Assimilation ou qu'il donne plus de détails sur les origines de la pollution et du changement climatique.

"Ne croyez pas tout ce que l'on vous raconte", comme indiqué sur la couverture, résume en effet très bien ce roman.

C'est court, avec un langage direct, donc ça se lit très vite. On a que le point de vue du personnage principal (qu'il est difficile d'apprécier !). J'aurais aimé en decouvrir davantage sur l'univers.

Cadavre exquis racontant une histoire faussement sinistre et pleine d'humour (noir), avec des éléments fantastiques et même d'horreur. A chaque fin de chapitre, on se demande comment l'auteur suivant va rebondir... Le résultat est très surprenant, mais parfois, et c'est normal, manque aussi de cohérence, notamment du côté des personnages qui changent de caractère ou de façon de parler, chaque auteur n'ayant connaissance que du chapitre précédent le leur... C'est donc à la fois amusant à lire, et frustrant pour cette raison.

Une découverte très sympathique ! J'avais peur que ce soit un récit trop opaque, avec une écriture trop travaillée au point d'en être indigeste, finalement c'était presque le contraire : elle accuse régulièrement des maladresses, coquilles et fautes. Ce n'est pas très dérangeant pour autant ; le récit reste fluide, agréable et facile à lire (on se rapproche de la littérature jeunesse) et additif avec des chapitres courts qui tiennent en haleine.

L'intrigue est originale et plutôt bien mise en place, via l'alternance entre deux époques et deux personnages dans les première et troisième parties, suffisamment dosée pour ne pas (trop) s'y perdre. L'origin story dans la deuxième partie est pertinente et bien placée ; même si je l'ai moins aimée que le reste du roman, elle était effectivement indispensable et si l'auteur avait choisi de raconter progressivement des fragments de cette troisième époque, cela aurait trop complexifié l'histoire. Déjà que j'ai parfois été un peu perdue dans les voyages temporels et les différents mondes, ça aurait été too much.

Il m'a tout de même manqué une portée émotionnelle pour que ce soit un réel coup de cœur. Matthias et Jovic sont des personnages que j'ai aimés suivre mais je ne m'y suis pas attachée, surtout qu'ils disparaissent un peu au profit de Dimitri. Ce dernier est un intéressant, très nuancé, mais là encore je n'ai pas réussi à vraiment l'apprécier. Seule la mort d'un personnage à la fin m'a un peu surprise et touchée mais sinon je ne me suis pas vraiment soucié du sort de quiconque. Et en parlant de la fin, j'aurais préféré qu'il n'y ait pas les deux dernières pages, qu'on s'en tienne à l'épilogue du narrateur initial et que, comme lui, on reste dans le flou concernant certains personnages.