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Tous les livres de François Jullien

Ce volume est le premier d’une trilogie qui portera sur les trois termes qui « résument » l’aventure de la pensée occidentale : logos (la parole, la définition,..), eidos (l’idéal), theos (Dieu), examinés au miroir de la Chine. Comme dans les ouvrages précédents de François Jullien, la démarche ne relève pas de la philosophie comparée mais d’un dialogue philosophique où chaque pensée à la rencontre de l’autre, s’interroge sur son impensé.

Ce premier volet interroge donc, à partir de la Chine, ce fondement de la philosophie occidentale, mis en musique par Aristote, selon lequel parler, c’est dire quelque chose. Ce sont dès lors tous les piliers qu’on croyait les plus inébranlables de notre tradition de pensée qui se trouvent sondés : le statut de la définition, les ressorts de la logique, les usages de la traduction…

Au fil d’un texte subtil, le lecteur est peu à peu conduit à méditer sur les différences entre dialogue et entretien, définition et essor, connaissance et connivence, sur la fécondité de la divagation, sur la singularité de la pensée poétique (qui parle sans dire).

Philosophe et sinologue, François Jullien présente ici une conférence qu'il a prononcée auprès de chefs d'entreprise et dans le milieu du management. D'un côté, la conception européenne de l'efficacité est liée à la modélisation comme à la finalité et revendique l'action jusqu'à l'héroïsme ; de l'autre, la pensée chinoise de l'efficience, indirecte et discrète, s'appuie sur le potentiel de situation et induit des " transformations silencieuses ", sans éclat ni même

événement. Par-delà cet écart, il s'agira d'interroger la nature de l'effectivité ; ou comment l'intervention humaine réussit à se brancher sur la propension des choses et s'y laisse intégrer. Ce propos se garde donc de séparer tant soit peu l'art d'opérer sur des situations et l'exercice de la philosophie ; en résultent des effets de lecture portant sur l'histoire du XXe siècle ainsi que la géopolitique - et géoéthique - à venir.

Pour la pensée européenne, le bonheur est l'aspiration ultime de l'homme. Pour les penseurs chinois, une voie autre s'affranchit des clivages entre le corps et l'esprit, le matériel et le spirituel. Le sage se déprend alors des encombrements de la vie.

Tout désigne le Nu comme un phénomène qui a si bien collé à la culture européenne que nous n'en sommes jamais sortis.

Tant il relie l'Occident d'un bord à l'autre, d'une époque à l'autre, et a servi continûment de base dans la formation des Beaux-Arts.

L'Eglise a pu rhabiller le sexe, mais elle a gardé le nu. En revanche, s'il est un espace culturel où le nu est resté complètement ignoré, c'est bien en Chine.

Donnée d'autant plus surprenante que la tradition artistique chinoise a largement développé la peinture et la sculpture des personnages.

Une absence aussi radicale, et qui ne souffre pas d'exception, renvoie à une impossibilité.

Nous voilà donc conduits à nous interroger sur la condition de possibilité du nu : à quoi, d'un point de vue théorique, a-t-il dû de s'interposer entre la chair et la nudité, le désir et la honte ?

Rouvrant ainsi un accès sensible à l'ontologie, François Jullien en fait le révélateur de notre quête de l'en-soi et de la présence, en même temps qu'il met au jour un nouvel objet, d'autant plus intéressant à penser qu'il est identifié par son absence : le " Nu impossible ".

La conquête de l'objectivité est une avancée théorique - héroïque - de l'Occident, redonnant sens à cette appellation douteuse. C'est à penser sa possibilité que s'est attachée la philosophie ; c'est elle qui a permis le succès vérifié de la science ; c'est à sa représentation que s'est vouée passionnément, y quêtant l'illusion du vrai, la peinture classique. Mais cette construction rationnelle de l'objet n'a-t-elle pas enseveli d'autres possibilités de cohérence resurgissant génialement, par effraction, dans la peinture moderne et dans la poésie ?

C'est au désenfouissement d'une telle intelligence qu'invitent de leur côté, en toute sérénité, les Arts de peindre de la Chine ancienne que nous abordons ici : en traitant d'une image qui ne se laisse pas cantonner dans l'exiguïté de la forme, mais se transforme par respiration du vide et du plein, et écrit dans les polarités du paysage l'incitation qui tend la vie. F. J.

En suivant à la trace un mot chinois (che), François Jullien nous entraîne à travers les champs de la stratégie, du pouvoir, de l'esthétique, de l'histoire et de la philosophie de la nature.

Chemin faisant, on vérifiera que le réel se présente comme un dispositif sur lequel on peut et doit prendre appui pour le faire œuvrer - l'art et la sagesse étant d'exploiter selon un maximum d'effet la propension qui en découle.

D'un mot embarrassant (parce que limité à des emplois pratiques et rebelle de toute traduction univoque), ce livre fait donc le révélateur d'une intuition fondamentale, véhiculée par la civilisation chinoise à titre d'évidence. S'éclairent du même coup, en regard, certains partis pris de la philosophie ou " tradition " occidentale : notamment ceux qui l'ont conduit à poser Dieu ou penser la liberté.

Fallait-il penser le "temps ?" Fallait-il penser le "temps", alors qu'on sait, depuis les Grecs, que sa division selon les temps de la conjugaison rend son existence insaisissable ? Et que, surplombant le cours de la vie, il nous porte à ne plus pouvoir imaginer celle-ci que comme une traversée, entre début et fin, et nous tournant d'emblée vers sa fin ? En dépit de l'invitation ressassée par les poètes : "cueille le jour !", nous ne concevons toujours pas ce que peut être de vivre au présent...

C'est pourquoi j'ai tenté, en passant par la pensée chinoise, de sortir de ce grand pli du "temps". Car la Chine a pensé le "moment" saisonnier et la "durée" des processus, mais non pas une enveloppe qui les contienne également tous deux et qui serait le temps homogène - abstrait. Ce faisant, elle nous invite à relire la formule de Montaigne vivre, non pas au présent, mais "à propos"; ainsi qu'à nous pencher sur ces notions courantes, mais que la philosophie, indifférente à l'être de saison, n'a guère explorées : l'opportunité du moment et la disponibilité opposée au devancement.

Je prendrai donc ici, à l'essai, le parti de la sagesse : si vivre était à penser selon l'occurrence du moment, autrement que comme intervalle, et par conséquent à sortir du grand drame "existentiel" que la philosophie, érigeant le "temps", a si puissamment organisé ?

Tout désigne le Nu comme un phénomène qui a si bien " collé " à la culture européenne que nous n'en sommes jamais sortis. Tant il relie l'Occident d'un bord à l'autre, d'une époque à l'autre et même d'un art à l'autre, y compris la photographie, et a servi continûment de base dans la formation des Beaux-Arts. L'Église a pu rhabiller le sexe, mais elle a gardé le nu.

En revanche, s'il est un vaste espace culturel où le nu n'a jamais pénétré, où il soit resté complètement ignoré, c'est bien en Chine. Or, c'est là une donnée d'autant plus surprenante que la tradition artistique chinoise a largement développé la peinture et la sculpture des personnages.

Une absence aussi radicale, et qui ne souffre pas d'exception, exige donc qu'on l'envisage de plus près. Car elle renvoie à une impossibilité.

Nous voici donc conduits à nous interroger sur la condition de possibilité du nu : à quoi, d'un point de vue théorique, a-t-il dû de s'interposer entre la chair et la nudité, le désir et la honte? Rouvrant ainsi un accès sensible à l'ontologie, François Jullien en fait le révélateur de notre quête de l'en-soi et de la présence, en même temps qu'il met au jour un nouvel objet, d'autant plus intéressant à penser qu'il est à identifier par son absence : " le Nu impossible ".

Nietzsche demandait : pourquoi avons-nous voulu le vrai plutôt que le non-vrai (ou l'incertitude ou l'ignorance) ? La question se voudrait radicale, et même la plus radicale, mais elle est encore conçue du dedans de la tradition européenne, bien que la prenant à revers : elle ose toucher à la valeur de la vérité, mais sans sortir de sa référence : elle ne remet pas en question le monopole que la vérité à fait à la pensée.

Du point de vue de la sagesse, la question deviendrait : comme a-t-on pu - et fallait-il ? - faire une " fixation " sur la vérité ? Et si, au lieu que ce soit la sagesse qui n'aurait pas accédé a la philosophie qui, en Grèce, en se braquant sur le vrai, avait dérapé hors de la sagesse ? Car si le sage est " sans idée ", comme il est dit le Confucius, c'est que toute idée avancée est déjà un parti pris sur la réalité.

Aussi, en partant sur les traces estompées de la sagesse, souhaité-je revenir sur ce qui a pu échapper à la philosophie ; comme redonner consistance à son autre enfoui, expliciter sa cohérence. Autrement dit, que faisons-nous aujourd'hui de la sagesse ? Et que peut être une logique de la sagesse - une " logique " sans logos ?

Y a-t-il des valeurs universelles ? Où situer le commun entre les hommes ? Comment concevoir le dialogue entre les cultures ? Pour y répondre, il nous faut suivre l'avènement du politique à partir du commun ; en même temps que remonter dans l'histoire composite de notre notion d'universel : à travers l'invention du concept, la citoyenneté romaine ou la neutralisation de tous les clivages dans le salut chrétien. Mais il conviendra également d'interroger les autres cultures : la quête de l'universel n'est-elle pas la préoccupation singulière de la seule Europe ? Il est temps, en effet, de sortir à la fois de l'universalisme facile et du relativisme paresseux : notamment, de requalifier, mais par leur versant négatif, un absolu des droits de l'homme ; de repenser le dialogue des cultures en termes non d'identité et de différence, mais d'écart et de fécondité en même temps que sur le plan commun de l'intelligible ; d'envisager ainsi ces cultures comme autant de ressources à explorer, mais que l'uniformisation du monde aujourd'hui menace. Car seul ce pluriel des cultures permettra de substituer au mythe arrêté de l'Homme le déploiement infini de l'humain, tel qu'il se promeut et se réfléchit entre elles.

Comment entrer dans la pensée chinoise? Les essais regroupés ici proposent une suite organisée d'itinéraires pour y introduire. En conduisant à circuler à travers les champs divers de l'esthétique, de la réflexion sur la parole, de la philosophie première, comme aussi de la théorie du pouvoir, de la morale et de la stratégie, ils présentent les principales notions chinoises au fil des questions suivies: non pas stériles, sous leurs étiquettes exotiques, mais ouvrant de nouvelles perspectives à la pensée en même temps que réfléchies par la philosophie. On y voit la pensée chinoise au travail et développant ses cohérences : parlant à notre intelligence. Un second volet, complémentaire, paraîtra dans la collection "Opus" en 2008: La Philosophie inquiétée (par la pensée chinoise).

On croira d'abord au paradoxe : faire l'éloge de la fadeur, priser l'insipidité et non point la saveur, c'est aller à l'encontre de notre jugement le plus immédiat.

Prendre plaisir à malmener le sens commun. Or, dans la culture chinoise, la fadeur est reconnue comme qualité. Plus encore : comme la qualité, celle du " centre ", de la " base ". Le motif est important déjà dans la pensée de l'Antiquité, qu'il s'agisse de dresser le portrait du Sage ou d'évoquer la Voie. De là, il a fécondé la tradition esthétique des Chinois : non seulement parce que les arts qui se développent en Chine bénéficient d'une telle intuition, mais aussi parce qu'ils peuvent rendre plus sensible cette insipidité fondamentale - ils ont donc mission de la révéler : à travers le son, le poème, la peinture, la fadeur devient expérience. François JULLIEN Pour percer les arcanes de la pensée chinoise.

Poésie, peinture, musique, les arts dans leur ensemble, mais aussi plus largement la culture et la philosophie sont ici revisités à partir de la notion de fadeur. Ou comment, vers l'Orient, les valeurs se sont inversées, jusqu'à définir une autre économie de l'esthétique comme de la réflexion. Dans une langue claire et agréable, François Jullien brosse le tableau de cet " autre " esprit.

'Grandir, vieillir ; mais également l'indifférence qui se creuse, jour après jour, entre les anciens amants, sans même qu'ils s'en aperçoivent ; comme aussi les Révolutions se renversant, sans crier gare, en privilèges, ou bien le réchauffement de la planète : autant de modifications qui ne cessent de se produire ouvertement devant nous, mais si continûment et de façon globale, de sorte qu'on ne les perçoit pas. Mais on en constate soudain le résultat – qui nous revient en plein visage. Or si cette transformation continue nous échappe, c'est sans doute que l'outil de la philosophie grecque, pensant en termes de formes déterminées, échouait à capter cette indéterminable de la transition.'

Idées clés, par Business Digest

L'efficacité en Occident s'oppose en tout à l'efficacité en Chine.

La première cherche à atteindre directement par une action volontaire un objectif fixé d'avance. La seconde évalue la situation puis l'oriente de façon à ce que le résultat se produise spontanément. L'efficacité en Chine repose sur la transformation et la manipulation. Faisant évoluer le rapport de force en sa faveur, le stratège chinois manipule les forces en présence. Il s'appuie sur la propension des choses, il se sert de ce que lui offrent les circonstances. La guerre et la diplomatie illustrent parfaitement la pensée de l'efficacité en Chine. Le stratège manipule ses troupes et ses adversaires pour gagner la bataille sans avoir à la livrer, comme le prince manipule ses sujets pour que le pouvoir lui revienne naturellement.

Business Digest

La Chine est à l'ordre du jour. Le géant endormi commence à bouger. Et nous sentons confusément que nous serons tous concernés. Quel modèle de société, forcément original, émergera de la combinaison des technologies modernes, que la Chine importe avec avidité, avec des fondements philosophiques aussi différents des nôtres ? Et à quelle vitesse va-t-il s'implanter ? Personne ne le sait, à commencer par les dirigeants chinois eux-mêmes pour lesquels ces interrogations, typiquement occidentales, sont probablement sans objet... La plongée minutieuse de François Jullien aux racines de la pensée chinoise permet de comprendre pourquoi. En comparant de manière systématique l'efficacité chinoise et l'efficacité occidentale héritière de la pensée grecque, il nous rend explicite le modèle (but, idéal, volonté) dans lequel nous opérons. Et en quoi, finalement, par son côté «artificiel», «spectaculaire», «héroïque», il apparaît infiniment plus consommateur d'efforts que son homologue chinois dans lequel l'effet résulte, en quelque sorte «naturellement», du potentiel accumulé dans les situations, qu'il convient de façonner et d'exploiter à son profit. Chacun des deux modèles a sa cohérence propre, mais il y a beaucoup plus de passerelles entre eux qu'il n'y paraît. Il est fort probable, par exemple, que la lecture des stratèges chinois, et notamment Sun Tzu, ait d'ores et déjà fortement influencé l'art militaire occidental. Notre modèle d'efficacité règne aujourd'hui sans partage sur le monde développé. Il a permis l'avènement de l'ère industrielle et a façonné nos sociétés.

Mais comment s'adaptera-t-il à l'ère post-industrielle ? Dans les entreprises, aux prises avec un environnement de plus en plus turbulent et un jeu concurrentiel de plus en plus imprévisible, la planification cède le pas à la réactivité et à la navigation à vue. Le modèle Taylorien d'organisation, hier la panacée, vole en éclats sans que n'apparaissent encore clairement les modèles alternatifs. En somme, le «but», pierre angulaire de notre pensée de l'efficacité, devient de plus en plus rebelle à la formalisation et à la modélisation.

En matière de changement : «Le chemin compte autant que le but» avons nous déjà coutume de dire. Une première concession, involontaire, au modèle chinois ? Il est en tous cas, pour nous, consultants en management, une notion qui ne peut nous laisser indifférents : celle de «potentiel de la situation». Notre pratique professionnelle consiste à aider les entreprises à réussir les projets de transformation de leurs organisations.

Ce qui nous amène à nous interroger fréquemment sur le type de stratégie de changement à mettre en oeuvre. Depuis quelques années, une mode, née aux États-Unis, tend à privilégier les stratégies de rupture. De telles opérations de changement radical et massif consistent, le plus souvent, à plaquer sur des situations peu ou mal analysées (pourquoi perdre son temps à analyser des situations qui, de toutes les manières, vont être profondément modifiées ? disent les tenants du «reengeneering») de «bonnes pratiques», généralement importées de l'extérieur de l'entreprise. Elles sont la quintessence de l'approche occidentale, aux antipodes de la pensée chinoise. Parfaitement justifiées dans des situations d'urgence qui n'ont pu être anticipées, ces stratégies sont, le plus souvent, inutilement déstabilisantes et risquées. Dans bon nombre de cas, il est certain qu'une analyse approfondie de la situation de départ, de sa dynamique, des solutions dont elle est porteuse, aurait permis d'adopter des stratégies de changement plus progressives. À la chinoise en quelque sorte !

Mais comme le met en évidence François Jullien, cette efficacité par transformation, par régulation, exige un «temps long, un temps lent». À une époque qui valorise tant la vitesse, ce temps long, nous ne l'avons pas toujours, ou du moins nous avons l'impression de ne pas l'avoir. Car ce temps long n'est-il pas finalement le temps des hommes ? Un temps qui s'accorde de plus en plus mal avec le temps accéléré de l'évolution technologique, des marchés, de l'économie...

« Dissidence » renvoie à la notion d’ écart, centrale dans la stratégie intellectuelle de François Jullien. Le détour par la Chine de ce philosophe formé aux humanités grecques est l’amorce d’une dissidence philosophique qu’il n’a cessé de déployer dans l’ensemble de son travail. Ce livre tente d’en faire le bilan. Dans une seconde partie, François Jullien accepte une confrontation sans complaisance.

Pour la première fois, il ouvre une piste nouvelle : une philosophie du « vivre » qui le situe dans la suite de Montaigne et le distingue des philosophes de l’« existence ». Car qu’est-ce que « vivre », ou plutôt comment y accéder ? C’est là le cœur des questions qui lui sont soumises.

Le problème de la dissidence face au pouvoir chinois émerge également au cours de ces dialogues, comme aussi un rapport critique à la sinologie.

Quelle conception François Jullien développe-t-il de ces dissidences, et comment fait-il de la dissidence une position philosophique ? S’esquisse ainsi, à travers ce parcours, une certaine figure de l’intellectuel à l’aube du XXIe siècle.

En dépit de la révolution qu’il opère, Freud n’est-il pas demeuré dépendant de l’outillage intellectuel européen ? Ne laisse-t-il pas dans l’ombre, de ce fait, certains aspects de la pratique analytique que sa théorie n’a pu explorer ? Mais comment s’en rendre compte, si ce n’est en sortant d’Europe ? Je propose ici cinq concepts de la pensée chinoise, dans lesquels ce qui se passe dans la cure pourrait se réfléchir et, peut-être, mieux s’expliciter : la disponibilité par rapport à l’attention du psychanalyste ; l’allusivité par rapport au dire de l’analysant ; le biais par rapport à l’ambition de la méthode ; la dé-fixation par rapport à l’enjeu de la cure ; la transformation silencieuse par rapport à l’exigence de l’action et de son résultat. Autant d’approches qui font découvrir la psychanalyse sous un jour oblique, la révélant dans son impensé. Or, cet impensé n’est-il pas aussi celui de la pensée européenne découverte dans ses partis pris ?

« Du beau, on n’a cessé, au fil des siècles, de remettre en question les critères et les conceptions ; de faire varier les définitions. Mais s’est-on jamais interrogé sur ce préalable, déposé dans la langue, celui de pouvoir dire simplement : « le beau » ? A-t-on jamais sondé, en effet, sur quel socle enfoui « le beau » est juché ? Lui, la grande cheville ouvrière de notre métaphysique : nous apprenant à quitter la diversité du sensible pour l’unitaire de l’ « idée » ; comme aussi, en retour, nous frappant d’effroi – d’émoi – par son absolu faisant irruption à même le visible. Seule issue restante, dès lors, depuis que les dieux sont morts, pour nous forger un salut. Or la pensée chinoise n’a pas isolé – abstrait – « le beau ». En faisant travailler cet écart, je souhaite dégager d’autres possibles ne se rangeant pas sous la monopolisation du beau ; par suite, explorer d’autres fécondités que l’art contemporain, en guerre ouverte avec le beau, peut rencontrer. De quoi du moins sortir le beau des lieux communs qui l’épuisent : pour le rendre à son étrangeté. » François Jullien

Comment s’ouvrir un chemin vers l’Autre ? Je proposerai ici deux concepts médiateurs : d’écart et d’entre. À la différence de la différence, qui reste à la remorque de l’identité, l’écart est fécond en ce qu’il est exploratoire, aventureux, et met en tension ce qu’il a séparé. De là que ouvrir un « écart », c’est produire de l’« entre » ; et que produire de l’« entre » est la condition pour promouvoir de l’« autre ». Car dans cet entre, que n’a pas pensé notre pensée de l’Être, s’intensifie la relation à l’Autre qui se trouve ainsi préservé de l’assimilation à soi. Ce n’est donc pas à partir du semblable, comme on voudrait le croire, mais bien en faisant travailler des écarts, et donc en activant de l’entre, qu’on peut déployer une altérité qui fasse advenir du commun. Un commun effectif est à ce prix. Qu’on s’en souvienne aujourd’hui où le danger d’assimilation, par temps de mondialisation, partout menace. F.J.

(Source : Galilée)

Dans cet essai, François Jullien développe l’idée d’une « seconde vie », qui ne serait ni une renaissance ni une nouvelle vie. Relisant les classiques de la pensée chinoise, les fondateurs du taoïsme, et les faisant dialoguer avec les écrivains et penseurs européens, le philosophe et sinologue cartographie un chemin, celui d’une transformation silencieuse. Sans rupture, discrètement, notre vie se décale lentement d’elle-même et commence à se choisir, à se réformer. Elle se relance, se réengage, élague dans ses projets et ses visées, dégage des possibles encore inexplorés. Dès lors, déployant pas à pas notre liberté, sortant de la répétition, devenant lucides, nous ne continuons plus simplement de vivre, mais commençons d’exister.

François Jullien plaide pour l’émergence des élans neuf enfouis dans les ressources de nos vies. Catherine Portevin, Philosophie magazine.

Une infinie précision et profondeur. Nicolas Truong, Le Monde.

(Le Livre de Poche)

Nous avons à repenser aujourd'hui, sur de nouvelles bases, le destin coopérant du négatif; notamment à distinguer entre ce qui détruit et ne produit rien (qu'on appellera pour commencer le mal) et ce que serait un négatif activant, mobilisant, tel qu'il met sous tension, promeut, innove, intensifie. C'est même dans cette capacité à gérer du négatif sans l'aseptiser, ou plutôt, ce gérer étant par trop managérial, à le faire "lever'', à le rendre productif au lieu de le désamorcer, que je vois se renouveler la vocation de l'intellectuel à l'ère de la mondialisation. Son "engagement" ne serait plus, dès lors, celui d'un positionnement à l'extrême, en quête d'une radicalité de principe (comme la figure s'en est déployée en France, dans l'antagonisme de bloc à bloc, ou de classe à classe, de Sartre à Foucault et Bourdieu - cette figure n'est-elle pas épuisée ?) ; mais consiste à déceler selon quelles voies, dans ce nouveau contexte, du négatif, loin d'être à bannir, met en mouvement et peut activer: à faire apparaître selon quel autre plan ce qui paraissait "mauvais" révèle des ressources inexplorées, et même inenvisagées ..

À l'amour et au « Je t'aime » – qui réduit l'autre à n'être qu'un objet et fait de la passion un événement qui s'usera –, François Jullien entend substituer, dans ce livre, l'intime. Qu'est-ce à dire? Que l'intime, précisément, abolit la frontière entre l'autre et soi. Qu'il fait basculer un dehors indifférent dans un dedans partagé. Qu'il vit des « riens » du quotidien, en y découvrant les vertus de l'être auprès. Telle est sa façon – via saint Augustin, Rousseau et Stendhal – de se débarrasser de l'éternel du « cœur » humain. Comment l'Europe s'y est-elle prise pour transporter cet intime de Dieu à l'humain ? Et peut-on – doit-on – fonder une morale sur ce sol ?

Le détour et l'accès

En politique comme en poésie, les Chinois privilégient l'expression allusive, la formulation détournée ; au face-à-face, ils préfèrent la subtilité d'un abord de biais. Ils " chinoisent ", dit-on d'eux, sans comprendre comment ils procèdent.

Refusant de laisser enfermer cette différence dans les termes d'une nature ou d'une mentalité singulières, François Jullien nous montre sur quelle logique repose cette autre stratégie du sens et quelle est son efficacité.

Dans les grands textes de la pensée chinoise ici revisités (Entretiens de Confucius, Mencius, Laozi, Zhuangzi), nous découvrons un discours de l'" indice " qui ne vise pas à la généralité des essences mais intègre en lui toutes les perspectives, comme globalité, et aboutit ainsi à une variation continue. C'est de là que naissent, en Chine, la richesse d'un sens implicite ainsi que la valeur de la sagesse.

En définissant le paysage comme «la partie d'un pays que la nature présente à un observateur», qu'avons-nous oublié ?

Car l'espace ouvert par le paysage est-il bien cette portion d'étendue qu'y découpe l'horizon ? Car sommes-nous devant le paysage comme devant un «spectacle» ? Et d'abord est-ce seulement par la vue qu'on peut y accéder - ou que signifie «regarder» ?

En nommant le paysage «montagne(s)-eau(x)», la Chine, qui est la première civilisation à avoir pensé le paysage, nous sort puissamment de tels partis pris. Elle dit la corrélation du Haut et du Bas, de l'immobile et du mouvant, de ce qui a forme et de ce qui est sans forme, ou encore de ce qu'on voit et de ce qu'on entend...

Dans ce champ tensionnel instauré par le paysage, le perceptif devient en même temps affectif; et de ces formes qui sont aussi des flux se dégage une dimension d'«esprit» qui fait entrer en connivence.

Le paysage n'est plus affaire de «vue», mais du vivre.

Une invitation à remonter dans les choix impensés de la Raison ; ainsi qu'à reconsidérer notre implication plus originaire dans le monde.

Le Yi king ou Classique du changement est le livre de fonds de la civilisation chinoise. Il est né du tracé de deux marques simples, un trait continu et un trait discontinu (yang et yin), exprimant la polarité à l'œuvre dans tout processus. Il s'agit au départ d'un dispositif opératoire servant à la divination en même temps que de combinatoire, se développant en figures, révélant la régulation à détecter dans toute situation.

En s'appuyant sur la lecture de Wang Fuzhi, grand penseur chinois du XVIIe siècle, François Jullien montre les effets de cohérence constitués au fil du texte qui commente ces figures et en y suivant les variations de l'immanence.

Car le Yi king prétend rendre le monde intelligible sans recourir ni au mythe ni au discours, en passant à côté à la fois de l'Être et de Dieu.

François Jullien se propose ainsi de retirer le Yi king des mains des gourous pour l'ouvrir à un usage philosophique.

Idéal est un mot d'Europe : il s'y retrouve d'une langue à l'autre, seule diffère la façon de le prononcer. Il n'est pas banal d'avoir isolé dans la vie de l'esprit cette représentation unitaire, séparée de l'affectif, qu'on appelle "idée". Il l'est encore moins d'avoir imaginé reporter sur elle, promue en "idéal" séparé du monde, la fixation du désir, au point de faire de cette abstraction le mobile d'une humanité prête à s'y sacrifier. L'idéalisme platonicien et la dramatisation de l'existence qu'un tel coup de force a inspirée, le lecteur les redécouvre à neuf considérés depuis la Chine. Car la Chine nous dit comment on aurait pu ne pas se laisser prendre à ce jeu de l'idée. Et d'abord comment s'engager dans la pensée en s'insérant dans la tradition plutôt que de vouloir, par le doute, rompre avec toute adhésion ; comment se fier au conditionnement de la conduite par imprégnation des rites plutôt que par l'obéissance consentie à la Loi ; ou comment la Raison peut se conformer à la régulation des choses plutôt qu'à la formalisation d'un modèle détaché du monde. Au moment où l'"Europe" doute de son avenir, n'y a-t-il pas intérêt à repenser cette vocation de l'idéal ?

Vivre est à la fois la condition élémentaire de notre condition - être en vie - et l'absolu de notre aspiration : «Vivre enfin !» Car que pourrions-nous désirer d'autre que vivre ? Vivre est à la fois ce en quoi nous nous trouvons toujours déjà engagés en même temps que nous ne parvenons jamais - pleinement - à y accéder. Aussi la tentation de la philosophie, depuis les Grecs, a-t-elle été d'opposer au vivre répétitif, cantonné au biologique, ce qu'on appellera, le projetant dans l'Être, la «vraie vie» - qui est alors ailleurs. Refusant ce report et circulant entre pensée extrême-orientale et philosophie occidentale, François Jullien s'interroge pour savoir comment chaque concept, pour se saisir du vivre, doit s'ouvrir à son opposé. Le risque est sinon d'abandonner ce vivre aux truismes de la sagesse, voire au grand marché du développement personnel comme au bazar de l'exotisme. Car cet entre-deux, entre santé et spiritualité, la philosophie ne l'a-t-elle pas - hélas ! - imprudemment laissé en friche ?

Partant du constat que la morale moderne, qui prend sa source principalement dans les travaux de Rousseau et de Kant, n'est jamais parvenue à sortir du piège de la transcendance (pas une valeur, pas une référence qui ne soient situées dans un espace abstrait, hors humanité : la Raison, la Loi, etc.), François Jullien propose d'interroger Mencius, l'un des plus anciens philosophes chinois (371-289 av. J.-C.). Il établit ainsi, par-delà siècles et millénaires, un dialogue entre Chine et Occident dont il ressort qu'il est possible de fonder une morale humaine, ouverte sur la liberté et la responsabilité ; une morale qui intègre pleinement l'idée de l'altérité.

La Chine est ailleurs, est-elle " autre " ?

Cet ailleurs de la Chine se constate dans la langue comme dans l'Histoire. Quant à l'altérité, elle est à construire patiemment en nouant le dialogue entre deux cultures, la chinoise et l'européenne, qui se sont développées si longtemps sans contact entre elles.

C'est à ce travail que se livre François Jullien, essai après essai, ou chemin faisant, sans postuler d'altérité ni d'identité de principe. À la fois pour fournir des concepts à la connaissance de la Chine et relancer la philosophie en l'interrogeant du dehors chinois.

À l'occasion de cette Réplique, François Jullien présente de façon simple le chemin parcouru, ou sa " méthode ", et les résultats acquis. Il montre du même coup comment, à partir du dévisagement réciproque des cultures, ouvrir la voie d'un auto-réfléchissement de l'humain qui nous délivre de l'humanisme mou et de sa pensée faible.

Constituée au XVIIIe siècle, devenue suspecte au XIXe, la question du fondement de la morale se trouve aujourd'hui noyée dans le flou de notre idéologie. Pour l'en dégager, François Jullien entreprend de la repenser en la réfléchissant dans une autre tradition culturelle(la Chine) - par confrontation avec l'un de ses principaux penseurs (Mencius). Le temps est en effet venu de sortir la philosophie de sa filiation occidentale ; de l'envisager d'un dehors pour sonder ses partis pris théoriques. Au risque sinon de s'enfermer dans un humanisme naïf, en vivant son conformisme idéologique comme une évidence, ainsi que de condamner la philosophie à l'atavisme. Le siècle des Lumières avait déjà le goût du dialogue entre cultures (dans le genre : entre un «philosophe chinois» et un «philosophe chrétien»). Mais, ici, c'est un sinologue qui conduit le débat. Avec notamment pour enjeu : concevoir un statut non doloriste de la «pitié», chercher un rigoureux ancrage à l'humanité comme à la solidarité, ou penser l'accès à l'inconditionné (le «Ciel» ) à partir de la morale. François Jullien, philosophe et sinologue, est professeur à l'université Paris VII- Denis Diderot ; il est l'actuel président du Collége international de philosophie. Ce livre a été publié aux éditions Grasset sous le titre originel: Fonder la morale. Dialogue de Mencius avec un philosophe des Lumières.

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Que toute réalité soit conçue comme processus en cours relevant d'un rapport d'interaction; que tout réel ne soit donc jamais analysable comme entité individuelle mais comme relation; qu'il y ait par conséquent à l'origine de tout phénomène non pas une mais toujours deux instances fonctionnant corrélativement (yin/yang, terre/ciel, paysage/émotion...) : c'est là une représentation de base de la culture chinoise, dont la lecture de Wang Fuzhi (1619-1692) permet ici de saisir les enjeux. Soit une régulation ininterrompue du cours (du monde comme de la conscience), un va-et-vient du visible et de l'invisible dans une essentielle corrélation, une affirmation des valeurs qui, inscrite dans l'ordre de la nature, ne débouche sur aucune rupture dualiste ni sur aucun "être" métaphysique.

La lecture de François Jullien se veut problématique en ce qu'elle propose entre "procès" et "création" (telle que l'entend l'occident) une alternative qui permet de percevoir le pli particulier pris par tout un contexte de civilisation, assimilé comme une évidence, et qui lui sert de forme (inconsciente) de rationnalité. Manière, aussi bien, de redécouvrir les partis pris enfouis dans notre propore cogito.

La Chine est une civilisation, non de la parole délivrant un Sens (la Bible) ; ni non plus du discours (Logod) articulant des constructions théoriques par sa syntaxe. Elle est fondamentalement une civilisation du texte - relevant du tracé et dont l'opération est un continu tissage. Au pays de la soie, " chaîne " et " trame " (jing et wei) sont les co-ordonnées du texte chinois. Les études réunies dans ce recueil envisagent le texte chinois à partir de la chaîne du texte canonique et de la trame de l'imaginaire ; ainsi qu'en remontant à la jonction de la pensée et de l'énoncé : notamment, dans la construction transversale du parallélisme ou l'art de la liste. Car il y a bien un " ordre " du texte, en Chine, à l'instar de ce que Foucault appelait l'" ordre du discours ".

Des catégories originales de l'interprétation poétique dans la tradition chinoise - Contribution à une réflexion sur l'altérité interculturelle (livre non massicoté)

Résumé: Sous la notion de valeur allusive, j'ai cherché à rassembler divers traits fondamentaux qui ont organisé, en Chine, la pensée du texte (du wen), en les démarquant des théories européennes de la littérature. C'est-à-dire que je n'acceptais pas qu'une réflexion aussi variée et féconde, et développée durant deux millénaires, en Chine, à part de nos références, se voie aussitôt ranger dans des catégories générales d'une poétique prétendument mondialisée ; il fallait se résoudre, par conséquent, à partir en quête d'autres plis possibles de la pensée pour repérer ces cohérences et les regrouper. Car il ne s'agit pas, bien sûr, de se réfugier dans le mystère de l'Orient et de son ineffable, mais de mettre patiemment au jour, en suivant un propos qui n'est le plus souvent qu'indiciel, ses propres intelligibilités. Tel est ce premier chantier : pour entrer dans la pensée chinoise, il faut commencer par apprendre à lire - à la fois du plus loin et du plus près ; et d'abord lire comment les Chinois ont conçu eux-mêmes l'écriture et la lecture.

Résumé :

"Je ne défendrai pas une identité culturelle française, impossible à identifier, mais des ressources culturelles françaises (européennes) - défendre signifiant alors non pas tant les protéger que les exploiter. Car, s'il est entendu que de telles ressources naissent dans une langue comme au sein d'une tradition, en un certain milieu et dans un paysage, elles sont aussi disponibles à tous et n'appartiennent pas. Elles ne sont pas exclusives, comme le sont des valeurs ; elles ne se prônent pas. Mais on les déploie ou l'on ne les déploie pas, et de cela chacun est responsable."

Le philosophe questionne le rapport de la société au christianisme non pas au regard de la foi mais en terme de ressources spirituelles afin de se détacher du réel pour prendre la mesure de l'autre.

Un soupçon s’est insidieusement levé, un matin, que la vie pourrait être tout autre que la vie qu’on vit. Que cette vie qu’on vit n’est plus peut-être qu’une apparence ou un semblant de vie. Que nous sommes peut-être en train de passer, sans même nous en apercevoir, à côté de la « vraie vie ». Car nos vies se résignent par rétractation des possibles. Elles s’enlisent sous l’entassement des jours. Elles s’aliènent sous l’emprise du marché et de la technicisation forcée. Elles se réifient, enfin, ou deviennent « chose », sous tant de recouvrements. Or, qu’est-ce que la « vraie vie » ?

F. J.

Dans son choix grec, la philosophie a pensé la vie, mais non pas vivre?; et le religieux, qui prenait en charge la question du vivre, est aujourd'hui en retrait. De là que vivre soit laissé en friche, abandonné au prêche ou bien au truisme ; et que prospèrent le Développement Personnel et le marché du Bonheur vendant vivre comme du «tout positif». Or vivre est paradoxal, s'étendant du vital au vivant. Il est à la fois la condition de toutes les conditions : être en vie ; et l'aspiration de toutes nos aspirations : vivre enfin ! Nous sommes en vie, mais nous n'accédons pas pour autant à vivre. Car la vie d'elle-même rabat la vie. De là que nous puissions être nostalgiques de la vie au sein même de la vie - ou que «la vraie vie est absente». Or, c'est à travers cette inanité même de «la vie» que nous pourrons voir transparaître à l'envers l'inouï de vivre débordant le déjà vécu et l'ouvrant à de l'« in-vécu », quitte à s'y heurter à de l'Invivable ; et, puisque vivre n'est, au fond, qu'ouvrir des possibles, nous pourrons alors rouvrir des possibles dans nos vies, au lieu de les laisser s'étioler. Car répéter qu'il faut «cueillir le jour», «profiter de la vie», n'a pas prise sur la vie. Traçons donc plutôt, pour nous y repérer, une carte de ces possibles intensifs entre lesquels décider vivre. Vivre y reparaît alors dans sa ressource, dans son essor, dans son «matin», dégagé de ce qui l'enlisait, au fil des jours, et l'emmurait. Telle est la «transparence du matin», en amont de tous les enseignements de la morale. F. J.

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