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À son image
La guerre d'Algérie et ses fantômes macabres, ses traumatismes universels et indélébiles. Un récit à trois voix qui nous plonge dans les tréfonds de l'âme humaine, de la conscience et de la responsabilité, individuelle comme collective. Qui sont les bourreaux, qui sont les victimes ? Ni les uns ni les autres, ou chacun, en partie, car il n'y a aucune réponse admissible à ces questions...
Où j'ai laissé mon âme
Plusieurs destins se croisent dans ce roman dont l'action court sur plusieurs générations. le récit débute avec la description de Marcel, un vieil homme revenu sur son ile après un parcours chaotique. Dans son petit village corse, le bar se meurt suite à des mauvaises gestions successives. Il va être repris par deux jeunes, amis d'enfance, Matthieu le petit-fils de Marcel, et Libero, qui abandonnent leurs études de philosophie, pour essayer de redonner vie à ce lieu et afin de se rapprocher d'un idéal de vie simple et authentique. Matthieu n'a jamais vécu dans l'ile, hormis pendant ses vacances, Libero, lui, est de retour dans son village dont il avait réussi à s'évader. Leur ambition ? Transformer ce modeste lieu en « meilleur des mondes possibles » selon l'enseignement de Leibniz.
L'entreprise démarre bien, alors que le village semblait sur le point de mourir, les deux ex-étudiants vont transformer le bar à la dérive en établissement convivial et attirant, apportant à tout le village un bonheur nouveau et inattendu. Mais bientôt tout va se dérégler et ce petit bonheur vire au cauchemar, ce qu'ils avaient bâti tombe en poussière car, victimes de leur succès, ils vont perdre leur âme. Les deux amis assistent à leur chute et à celle de ceux qui les entourent ; ils l'ont orchestrée eux-mêmes sans s'en rendre compte. Les ex-apprentis philosophes sont frappés par la malédiction qui condamne les hommes à voir s'effondrer les mondes qu'ils édifient. Avec beaucoup de subtilité l'auteur illustre leur chute avec le sermon par lequel saint Augustin tenta en 410, à Hippone, de consoler ses fidèles de la fragilité des royaumes terrestres.
La relation à Augustin est permanente : Libero a fait son mémoire de master sur sa vie et Aurélie, la soeur de Matthieu, fait des fouilles archéologiques sur l'ancien site d'Hippone, en Algérie, pour retrouver la cathédrale d'Augustin, lieu où celui-ci vécut. Augustin est donc doublement présent : il va ainsi servir de « révélateur » de la crise évoquée par le livre, parce que les héros ont le sentiment de créer un monde, et le « meilleur des mondes possibles ». Cette recherche du passé donne du sens au présent mais pour les deux époques, Vème et XXème siècle, nous avons le même thème, la mort des idéaux.
Avec un style remarquable, Jérôme Ferrari a un rare talent pour décrire la complexité de la vie et des rapports humains. « le monde est comme un homme, il nait, il grandit, il meurt », le sermon de Saint Augustin va lui servir de tremplin pour décrire avec brio la vie de plusieurs générations d'hommes et de femmes tout au long du XXème siècle. le style avec ses très longues phrases qui peuvent donner le vertige rappelle parfois Proust mais le lecteur ne perd jamais le fil de l'histoire. Professeur de philosophie, Jérôme Ferrari sait intégrer celle-ci à petites doses dans son roman, tel un fil conducteur, ce qui invite à une réflexion à travers le destin tragique des personnages. le lecteur est sans cesse entrainé par l'écriture enlevée du roman, un beau Goncourt (2012).
Le Sermon sur la chute de Rome
« A son image » est construit autour des étapes de la messe des funérailles d'Antonia, une jeune femme corse dont la voiture est tombée dans un ravin en août 2003. C'est son oncle, parrain et prêtre, qui se charge de célébrer ses obsèques, entre peine et souvenirs. Il lui a offert son premier appareil photo lors de ses quatorze ans. Alors que sa foi vacille sous le chagrin, c'est l'occasion de revenir sur la vie d'Antonia, celle d'une reporter-photographe de presse locale, compagne d'un militant nationaliste corse, partie couvrir la guerre de l'ex-Yougoslavie et ses massacres car usée et frustrée d'être cantonnée à sa couverture des fêtes locales, d'immortaliser les incendies de forêts ou accablée par l'envers du décor du FNLC, son terrorisme et ses batailles d'ego sanglantes, et de voir ses amis militants se déchirer. Toutefois elle ne divulguera jamais ses reportages construits à partir d'images de guerre.
Jérôme Ferrari documente son roman d'une iconographie sans images, confiant leur reproduction au pouvoir des mots. Il interroge sur la pertinence et le message de la photographie de guerre. Alors même qu'une photographie est la trace sensible d'un instant éphémère, celui qui la regarde ajoute toujours son interprétation et tente de donner un sens, fréquemment en se trompant. Antonia cherche à lever ses incertitudes sur son propre talent et se retrouve toujours un peu décalée face à l'évènement car elle s'interroge sur la fonction et l'utilité du photoreportage de guerre et le risque de voyeurisme qu'il peut entrainer. Il est difficile de déterminer la limite entre une image « honnête et une image « obscène », entre ce qui reste futile et ce qui est insupportable.
La thématique religieuse est très forte, alors que Jérôme Ferrari affirme ne pas être croyant, il adopte une « écriture croyante », comme l'appelait le prêtre philosophe Michel de Certeau, et accorde une grande importance au thème de la représentation du réel. Son personnage principal est une photographe et le titre du livre renvoie à ce Dieu qui, pour les chrétiens, a créé l'homme à son image.
Ce roman puissant, et à la construction originale, nous donne l'occasion de nous poser des questions sur le pouvoir de l'image, alors que celle-ci s'affiche partout, régulièrement détournée. Peut-on tout montrer, tout représenter, au prétexte que c'est notre liberté qui est en jeu ?
À son image
L'intrigue, assez déroutante, est faite de nombreux allers et venues, d'incursions plus précisément dans la vie d'un homme qui rentre chez lui, complètement traumatisé par son expérience de "mercenaire" à la solde de l'armée (conflit en Afghanistan, suite aux attentats de septembre 2001) et qui recherche désespérément une consolation sous les traits d'une jeune femme qu'il a aimé adolescent...
Un dieu un animal
C'est un récit qui parle d'identité, de tradition, de combat, d'abandon, de culpabilité, de liberté et de mort. L'image, comme un "reflet de soi", est au coeur de ce roman, au centre de nos questionnements humains, intimes et universels : foi, doutes, justice, impunité, résignation, impuissance...
À son image
C'est son parrain qui lui offre son premier appareil photo, et elle se prend de passion pour cet art, au point d'en faire son métier.
Je n'ai pas accroché au style, les phrases sans fin, et les digressions historiques ne m'ont pas enthousiasmée, et pourtant, ce roman avait tout pour me plaire sur le papier.
À son image
La décadence et la périclité du monde, son inexorabilité, la fragilité des hommes, leur impuissance face à un impossible mythe et un insondable abîme : l'homme, maître de sa destinée mais également responsable de son bonheur, est l'artisan depuis son origine de sa propre destruction, en "péchant" par excès, d'orgueil, d'égoïsme et de corruption...
Le Sermon sur la chute de Rome
À son image
Un dieu un animal
Le Sermon sur la chute de Rome
À son image
À son image
Le Sermon sur la chute de Rome
Ça n'a pas été facile à lire, l'écriture de Jérôme Ferrari était assez exigeante, faite de longues phrases, mais je me suis accrochée.
Le personnage d'Antonia a fait écho en moi et son parrain m'a touchée.
Ce n'est pas un coup de cœur mais je vous conseille ce très beau roman !
À son image