Tous les livres de Rachid O.
“Pendant ma première année à l’école, on avait une professeur qui aimait chanter. A la fin du cours, elle nous faisait écouter sa voix. Tout ca pour dire qu’elle nous amusait. Une fois, elle a posé la question à toute la classe de ce qu’on voulait devenir, le métier que chaque élève souhaitait faire plus tard, ce dont il rêvait, avec son explication. J’ai regarde mon copain à côté et j’ai vu qu’il avait un rêve et c’était de devenir médecin. Moi, je me suis dit « Je n’ai rien à dire », j e n’avais aucune envie d’un métier comme médecin qui ressemblait à avocat ou professeur comme d’autres aussi avaient l’idée. Tout à coup j’ai pense que ce que je voulais, je n’osais pas le dire, c’était d’être le héros d’un livre, le personnage principal dans le roman d’un écrivain. »
"L'été 1990, je suis allé en Suisse chez Vincent dont j'étais tombé amoureux. C'était la première fois que je prenais l'avion. J'étais fou de joie, d'une part de prendre un avion, et d'autre part parce que pour la première fois je sortais du Maroc pour aller en Europe. Je ne connaissais pas très bien Vincent, je l'avais connu pendant quatre heures à peine, marchant sur la plage, à Rabat. C'était au mois de mai, nous étions tous les deux à marcher sur la plage. Il visitait le Maroc avec des amis à lui. La seule chose qu'il faisait tout seul et qui lui faisait plaisir, c'était de se balader sur cette plage, il en avait assez de tout faire avec eux. On avait parlé pendant très longtemps sur la plage, trois heures, et ensuite on était allés prendre un verre et je l'avais trouvé très agréable. Il avait des dents très très belles qui m'avaient frappé. Je lui avais dit, d'ailleurs. Il m'avait répondu qu'il était dentiste. Je trouvais qu'il n'y avait pas de raison d'avoir de belles dents parce qu'on était dentiste, et je lui ai dit : "Elles sont fausses, alors ?" Ça l'avait fait rire."
" On marchait lentement, ou plutôt au rythme de l'aveugle, je rêvais de tout et surtout de ce lieu que Youssr se réjouissait de nous faire découvrir, qu'il
aimait tant et qu'il nommait "la plus belle piscine au monde". Pendant cette marche, je ressentais aussi pour la première fois la sensation que ma mère m'accompagnait, qu'elle était présente. J'en étais tellement heureux que je l'ai murmuré en m'appuyant sur la pointe des pieds dans un bout d'oreille de Youssr. "Je suis accompagné, dis-je. - Par qui ? dit-il. - Ma mère." Et Youssr ne m'a plus posé de questions. Je sentais l'âme de ma mère sans une goutte de sang, je me voyais naître et puis ensuite enfant avec tous les droits possibles, un père, une mère, une patrie, et le bonheur aussi de marcher aux côtés de deux personnes que j'aimais spécialement, qui m'initiaient au monde. "
«J’ai été analphabète pendant dix ans. Je n’ai rien su écrire, je manquais de ce livre. J’ai perdu des êtres aimés et rencontré d’autres gens qui se sont mêlés à ma vie, mon père qui n’arrivait plus à habiter ce monde-ci, un jeune homme qui cherchait à être un bon frère, une logeuse avide de mettre tout le genre humain à l’abri, des Marocains et des Français qui ne se comprenaient pas ni ne comprenaient leurs sentiments. Tous ces analphabètes, c’est nous.» Rachid O.