Tous les livres de Samy Cohen
penser de sa discipline : sous l’effet de la mondialisation, les États seraient sur le déclin, les frontières seraient progressivement abolies, ce qui pourrait donner naissance, côté noir à une planète dérégulée et sauvage, et côté rose à l’émergence d’une société civile internationale plus forte que les institutions locales et les pouvoirs politiques.
Samy Cohen, après des années de travail, montre qu’il n’en est rien et que ce qu’il appelle ironiquement « le trans-nationalo-déclinisme » est une fable à la mode dans les colloques universitaires mais nullement une réalité de terrain. Un bon cas d’école, dit-il, est ce qu’il advient des ONG. Au départ, ces organisations valeureuses et éthiques semblaient préfigurer un monde sans frontières ; à l’arrivée, peu d’entre elles, qu’il s’agisse de droits de l’homme, d’environnement, de développement ou d’assistance médicale, sont indépendantes des États, voire des armées, et capables de proférer une parole autonome et librement informée.
Ce que montre Samy Cohen, c’est d’abord que l’État « résiste », en bien comme en mal, il résiste au sens où il est capable de préserver sa liberté de manœuvre, il résiste aussi aux pressions qui s’exercent pour qu’il devienne plus vertueux, plus transparent ou plus solidaire. Ce que souligne ensuite l’auteur c’est que cet État « résistant » est la meilleure ou la pire des choses : nous ne risquons pas de nous trouver en déficit d’instances étatiques, mais nous risquons fort de nous trouver en déficit de politiques concertées - non seulement à l’échelle des continents, mais à celle de la vieille Europe ou du tiers monde. Samy Cohen, au terme de son livre, établit que le « souverainisme » est une pensée à la fois vaine et contre-productive ; que l’Etat impuissant est un mythe, et que nous devrions précisément penser une nouvel ordre mondial en intégrant la permanence de État post-moderne. Un livre décapant, pédagogue, et vraiment original.
Depuis sa création, Israël a connu plusieurs vagues de terrorisme: celle des fedayins infiltrés à partir de l'Egypte ou de la Jordanie dans les années cinquante; celle de Septembre noir dans les années soixante-dix celle menée contre des villages au nord d'Israël en 1974 celle des années quatre-vingt-dix après les accords d'Oslo celle de la seconde Intifada, enfin, marquée par une vague d'attentats-suicides sans précédent. Comment Tsahal - l'armée israélienne - a-t-elle mené sa lutte contre le terrorisme? A-t-elle su gérer ce type de conflit "au sein des populations"? Le bilan, en demi-teinte, ne trouvera grâce ni aux yeux des inconditionnels d'Israël ni à ceux de la cause palestinienne. L'armée israélienne n'a pas choisi la stratégie du pire, celle de la violence extrême, mais elle a commis plusieurs erreurs. Elle n'a pas assimilé les règles implacables de la "guerre asymétrique". Depuis la création de l'Etat en 1948, elle a privilégié la doctrine de la "riposte disproportionnée", inappropriée à ce type de conflit. Celle-ci a mal rempli sa fonction dissuasive et a entraîné le pays tout entier dans une situation chaque fois plus inextricable. Mais pourquoi cette persistance? Cette enquête s'appuie sur une documentation abondante recueillie en Israël, ainsi que sur de nombreux entretiens effectués auprès d'officiers et de simples soldats, de responsables de haut niveau de la lutte anti-terroriste, d'hommes politiques, de journalistes et de membres d'ONG.
L'abondante littérature qui analyse les dérives populistes dans le monde laisse curieusement de côté Israël, où elles sont pourtant patentes. A plusieurs reprises au cours des douze dernières années, cette démocratie s'est trouvée au bord du gouffre. Retraçant la trajectoire de la "seule démocratie du Proche-Orient", de sa naissance aux années Netanyahu, Samy Cohen montre combien elle est hybride, fragile et fragmentée.
La société a éclaté en deux camps. L'un, attaché aux valeurs libérales, est prêt à des compromis avec les Palestiniens, quand l'autre, sensible aux sirènes nationalistes et religieuses, reste indifférent à l’État de droit. Qui l'emportera ? C'est l'avenir de la démocratie israélienne qui est en jeu.