Extraits

En retard !

Depuis quand les hommes faisaient attendre les femmes au restaurant ? Sans que cela ne soit clairement écrit quelque part, l’inverse était autorisé, mais là… Je commençais sérieusement à me sentir mal à l’aise, assise toute seule au bar avec mon nectar de poire.

Pourtant, la veille au soir, je m’étais permis de lui envoyer un texto avec l’heure et le lieu du rendez-vous pour m’assurer qu’il était toujours partant. Justement afin d’éviter de me retrouver dans cette situation gênante.

Et malgré cette précaution, je l’attendais depuis maintenant vingt minutes !

Je regardai de nouveau dans la salle pour tenter d’apercevoir Norman parmi tous ces hommes et ces femmes vêtus avec élégance. Chose que Sophia avait largement minimisée ! Ma petite robe noire n’était pas du tout en adéquation avec celles des autres femmes présentes.

Une fois le troisième cookie avalé - et un haut-le-cœur dissimulé du mieux possible -, je me dirigeai vers la chambre et il m’emboîta le pas. Seul le plafonnier du couloir nous éclairait. Il effleura ma peau tandis que je me déshabillai.

- Tu as perdu du poids, grogna-t-il en passant ses mains sur mes côtes.

- Je t’ai perdu, toi, déclarai-je en enfouissant mes doigts dans ses cheveux. Je suis tellement désolée, mais je ne voulais pas te faire de mal.

Deux jours plus tard, je parlais de tout cela avec Sophia, qui me félicita pour le choix du restaurant.

– C’est lui qui l’a proposé.

– Par contre, j’espère qu’il a fait une réservation, ajouta-t-elle, parce qu’il est très dur d’y avoir une place un vendredi soir.

– Il est coté à ce point ? m’exclamai-je.

Ma petite robe n’y serait peut-être pas à sa place… Devais-je trouver une autre tenue ? Devais-je carrément en acheter une nouvelle ? Je n’en avais pas les moyens. Les quelques heures de ménage que je faisais certains soirs de la semaine me permettaient de ne pas trop toucher à mon héritage, mais pas de faire des folies !

– L’Entrecôte appartient au neveu d’une de mes amies, m’expliqua-t-elle. Il a réussi à engager un chef qui fait tourner le restaurant d’une main de maître !

J’avais insisté sur les derniers mots, priant pour que la conversation prenne fin. D’habitude, Sophia se montrait plutôt de mon côté et ne cherchait pas à me pousser dans les bras d’un homme… Je jetai un coup d’œil vers elle pour voir son visage et comprendre où elle voulait en venir. Brusquement, je sentis quelqu’un me bousculer et me retrouvai assise par terre, au centre du restaurant.

Prenant vite conscience du ridicule de la situation, je me relevai avec l’intention de fusiller mon « agresseur » du regard. Mais je n’avais pas prévu que le monsieur en question soit aussi… charmant.

Cet appartement était magnifique, parfaitement situé et décoré avec goût. Tout était fonctionnel, respirait l’élégance sans pour autant tomber dans l’impersonnel. Les couleurs claires le rendaient encore plus lumineux qu’il ne l’était déjà et les meubles apportaient une touche sombre de-ci de-là.

Oui, l’appartement de mes parents était magnifique, à une exception près : ils n’étaient plus là. Les plats appétissants n’emplissaient plus la cuisine ou la salle à manger de leur fumet divin. De la poussière s’était déposée sur les meubles, ce qui n’aurait jamais pu se produire avant.

Je poursuivis mon chemin dans le couloir aux proportions harmonieuses qui menait aux deux chambres, à la cuisine, ainsi qu’à la salle de bains. Arrivée dans le salon, je laissai mon regard vagabonder vers les grandes baies vitrées par lesquelles je pouvais voir la ville et, plus loin, les montagnes. Le canapé était tourné face à la vue panoramique, ce qui en faisait une place de choix pour les journées de farniente.

- Quoi de neuf depuis ce matin ? demanda-t-il, un sourire amusé aux lèvres.

Que répondre à ça ? Devais-je lui parler de mes révisions ? Des projets que j’avais pour le week-end ? Mince, cette comédie était bien plus compliquée que je ne le pensais. Il fallait peut-être que je parte, je n’avais pas l’habitude de me conduire de la sorte. L’expérience était excitante, mais si chaque question me demandait autant de temps de réflexion…

Et lui qui me regardait avec ce sourire taquin.

- Rien de bien neuf, dis-je enfin. J’ai emmené notre fille au parc cet après-midi, elle y a retrouvé ses amis.

- Notre fille ? répéta-t-il en fronçant le nez.

Avais-je commis un impair ? Peut-être ne voulait-il pas d’enfants, même dans une comédie.

- Je préférerais un garçon, Grégoire.

- D’accord, murmurai-je, ça me va.

Inspirant un grand coup, je me tournai vers lui. Il était encore plus beau que dans mon souvenir, et son sourire, son air taquin...

Tout était là, mais en dix fois plus attirant. Sur son visage, l'amusement fit place à la surprise. Oserais-je même dire qu'il paraissait heureux de me voir ?

Ces deux mois allaient être les plus longs de toute mon existence... mais j'avais besoin de ce boulot et de l'extra que me promettait Mme Holly si je ne couchais pas avec lui.

Alors, adieu fantasmes et bonjour nuits solitaires !